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l’absence de résistance extérieure, pourvu que l’on résistât au dedans.

Dans la pratique cependant, et pour les raisons exposées, il faudra toujours conseiller (non imposer) la résistance même extérieure, qui soutient et souligne la résistance intérieure et peut décourager l’agresseur. Cf. Marc-Raus, Instit. mor., t. i, n. 755.

2. Mode.

Comment résister ? Dans les réponses que nous allons donner, nous supposerons écarté tout danger prochain de consentement au plaisir défendu ; car, si ce danger existait, il faudrait résister par tous les moyens, même au péril de la vie.

Disons d’abord et en général que la victime n’est pas obligée d’user de moyens de résistance extérieurs qui s’avéreraient inutiles (cris ou appels lorsqu’ils ne peuvent être entendus, lutte alors qu’elle est manifestement en état d’infériorité de forces). Elle n’est pas tenue non plus de recourir à des moyens extraordinaires (meurtre de l’agresseur). En ce qui concerne les cris ou appels en particulier, les moralistes sont partagés. Les uns imposent à la victime l’obligation, au moins théorique, de crier s’il existe quelque espoir d'être secourue (Cajétan et les Salmanticenses). Les autres répondent par la négative, pourvu que par ailleurs elle résiste de son mieux ; son silence sera justifié par la crainte de s’attirer un plus grand dommage (mort ou blessure, honte ou infamie). Cependant, au dire de saint Alphonse, il faudra pratiquement conseiller de crier, surtout si, en raison de la connaissance de sa faiblesse, la jeune fille se savait dans un péril spécial de donner son consentement à un acte consommé. Theol. mor., t. III, n. 368, 430. Par ailleurs, le confesseur s’abstiendra de taxer de péché grave une pénitente qui n’aurait pas opposé au sluprator une résistance assez virile : la timidité féminine et le trouble résultant de la surprise peuvent, dans certains cas, expliquer cette attitude, sans que pour autant la victime ait donné un consentement formel. Cf. Berardi, Praxis confessarii, n. 2(56.

3. Limites.

Il reste à examiner jusqu’où peut et doit être poussée la résistance au viol.

a) Tous les auteurs s’accordent à dire qu’une vierge ne peut pas se donner la mort pour échapper à la violence qui lui est faite : sa vie est un bien supérieur à l’intégrité matérielle de sa chair. Elle pourrait cependant, selon une opinion qui n’est pas improbable, s’exposer à la mort (p. ex. en se jetant à l’eau ou par une fenêtre), tant par crainte de consentir au mal que pour sauvegarder sa virginité. Cf. saint Alphonse, Theol. mor., t. III, n. 367.

b) Une vierge est-elle tenue à se laisser tuer plutôt qu'à se laisser violer ? Les moralistes répondent généralement, à la suite de saint Alphonse, t. III, n. 368, que, s’il n’y a vraiment que cette alternative, la jeune fdle n’est pas tenue de choisir la mort, pourvu que tout danger de consentement soit écarté. C'était déjà, semble-t-il, le sentiment de saint Augustin, De civit. Dei, t. I, c. xviii. Cf. Priimmer, Manuelle theol. mor., t. ii, n. 115. Pratiquement, ante factum, on conseillera à une jeune fdle exposée aux violences de résister extérieurement de toutes ses forces, même jusqu'à la mort, à cause du péril de consentement qui existe la plupart du temps. Le même conseil sera donné a fortiori si la menace ne porte que sur des coups ou des blessures. Cf. Marc-Raus, Instit. mor., t. i, n. 755. Cependant Aertnys, Theol. moralis, t. i, n. 182, note très justement que si, dans un cas donné, la femme a soin de se munir de la prière, si elle a horreur du plaisir charnel et de l’aversion pour l’agresseur, le péril de consentement deviendra facilement éloigné.

c) Il est certain que, tout danger d’acceptation du plaisir défendu étant écarté, une femme, vierge

ou non, n’est pas tenue, dans le seul but de sauver son honneur, de tuer l’injuste stuprator. Mais, de l’avis commun des auteurs, elle peut le faire, s’il n’y a pas d’autre moyen pour elle d'échapper au déshonneur. La chasteté en effet est un bien au moins aussi précieux que des richesses importantes, et, d’autre part, il y a toujours à craindre le danger de consentement. S. Alphonse, Theol. mor., n. 386 ; Homo apost., n. 16.

d) Le droit de défense de la femme opprimée va jusqu'à provoquer l’interruption de l’acte charnel ; le péché de pollution qui pourra s’ensuivre n’est imputable qu’au stuprator. La violence accomplie, la victime peut encore se défendre en provoquant l’expulsion ou la stérilisation du semen injustement introduit, afin de rendre toute conception impossible. Mais l’intervention devra être faite avant que la fécondation ait eu le temps de se produire (pratiquement dans l’heure qui suit la violence), sinon en s’exposerait à détruire un fœtus, ce qui n’est jamais permis. Cf. Génicot-Salsmans, Casus conscientise, 1° éd., 1938, p. 123, cas 170 ; Vittrant, Théologie morale, n. 1069 ; à l’opposé, Merkelbach, op. cit., t. ii, n. 1010.

III. Le délit et les peines.

1° D’après la loi mosaïque, le séducteur d’une vierge non encore fiancée devait doter sa victime et l'épouser. Si le père refusait de lui donner la main de sa fille, le coupable devait payer à ce dernier le prix de sa dot. Ex., xxii, 15-16. D’après le Deutéronome, le séducteur devait payer au père cinquante sicles d’argent, épouser celle qu’il avait déshonorée et ne jamais la répudier. Deut., xxii, 28-29.

2° La loi romaine, qui se montre sévère dans la répression de l’adultère, ou du rapt, cf. Cod. Just., t. IX, tit. ix, xiii, le fut beaucoup moins en ce qui concerne le viol. Elle fit en cette matière une distinction entre les droits de la femme et ceux de l’homme. En faveur de ce dernier, Ulpien déclarait qu’il y avait des personnes in quas stuprum non commillitur, c’est-à-dire les esclaves ; avec ces femmes, même le concubinage pouvait être pratiqué sans crime. Diy., t. XXV, tit. vu. Le même acte était au contraire un crime capital pour la femme. Si qua cum servo (suoj occulte rem habere detegitur, capilali sententiæ subjugetur : tradendo ignibus verberone. Cod. Just., t. IX, tit. xi.

3° Les anciennes législations civiles, issues du mélange du droit romain et des coutumes barbares, établirent une distinction entre le stupre accompli sans violence ou avec violence. Dans le premier cas, si le corrupteur était de condition honorable, la peine était la confiscation de la moitié de ses biens ; s’il était de condition vile, il se voyait infliger des châtiments corporels comme la fustigation ou la relégation. Si on avait usé de violence et que le crime ait été consommé, l’agresseur était puni de mort ; si au contraire la victime avait pu échapper de ses mains avant le viol, la peine était réduite à la fustigation ou à la déportation. Des commentateurs ou juristes, effrayés de la fréquence des sentences capitales que les juges devraient être amenés à prononcer, s’efforcèrent de réserver le châtiment suprême seulement aux coupables qui avaient usé de la force brutale, ou encore à ceux qui avaient en même temps pratiqué le rapt ou exercé leur violence sur des mineures de moins de douze ans… Les autres, qui n’avaient usé que de contrainte morale, même injuste et importune, pouvaient bénéficier de l’indulgence du juge. Cf. Schmalzgrueber, Jus eccl. univers., t. V, tit. xvi, n. 20-24.

4° Le droit de l'Église ne pouvait pas, dans une société où la chasteté était tenue en si grande estime, ne