Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/768

Cette page n’a pas encore été corrigée
3065
3066
VIOL


l’absence de contrainte ou le mutuel consentement des deux complices.

Ainsi les juristes contemporains ont tendance à rapprocher leur notion du viol de celle des moralistes. Les quelques points de divergence apparaîtront mieux en étudiant le stupre sous l’aspect de péché et sous celui de délit.

II. Le péché.

Malice.

1. En tant qu’acte

de luxure directement voulu et consommé, le viol est un péché grave ex toto génère suo. Cf. Marc-Raus, Inslit. morales, t. i, n. 768.

2. Il importe de discerner ce qui constitue la malice spécifique de ce péché, puisque le concile de Trente a défini, sess. xiv, can. 7, qu’il était nécessaire de droit divin de déclarer en confession « tous et chacun des péchés mortels ainsi que les circonstances qui en changent l’espèce ». Cf. Richter, Canones et décréta, p. 84. Il y a dans le viol tout d’abord un péché de luxure. Mais en quoi se distingue-t-il des autres péchés du même genre tels que l’adultère, la fornication, etc. ?

3. D’après saint Thomas, IP-II*, q. cliv, art. 1, c’est non pas des circonstances, mais de l’objet même de l’acte luxurieux que le viol tire sa malice spécifique : Materia in qua exercetur actus venereus potest esse non conveniens rationi per comparationem ad alios homines… ; et secundo ex parie ejus in cujus potestaie est femina… : si est in potestate palris est stuprum, si non inferatur violenlia ; raptus autem si inferatur. C’est donc en tant qu’opposé à la vertu de justice que le stupre est un péché spécifiquement distinct des autres péchés de luxure consommés juxta naturam. Sur ce point tous les théologiens sont d’accord.

4. Les divergences que l’on constate entre eux ont leur origine dans les conceptions différentes qu’il se font du viol. Pour saint Thomas et les anciens scolastiques, comme pour les vieux canonistes, le viol est la corruptio seu defloratio virginis sub custodia patris existentis. En général, ils ne posent pas la question de violence, infligée ou subie. L’injustice résulte dès lors : du tort fait à la jeune fille violée ; il lui sera plus difficile de se marier, dit saint Thomas, et elle sera exposée à la tentation de livrer son corps (meretricandi), alors qu’antérieurement le souci de conserver sa virginité la détournait de cet excès ; elle résulte aussi de l’injure faite au père, qui a charge de l’honneur de sa Mlle, tant qu’elle demeure sous son autorité. II 1 - II*, q. cliv, art. (5.

Cependant, si le Docteur angélique ne fait pas entrer en ligne de compte la contrainte physique, cf. art. 1, il laisse entendre que dans le viol il y a eu au moins séduction, art. 6, ad 4um, donc violence morale par le recours à des moyens injustes (dol, déception, fausses promesses, etc.) ; malgré tout, le texte de la Somme n’est pas très net.

5. C’est pourquoi les commentateurs et théologiens postérieurs se sont demandés s’il y avait viol ou simple fornication dans le cas où la jeune fille était consentante. Saint Bonaventure, Sylvius, Cajétan et Billuart, pour ne citer que les plus célèbres, ont répondu qu’il y avait viol, attendu, disent-ils, que cette Jeune fille n’était pas libre de disposer de sa virginité et qu’on ne pouvait appliquer dans ce cas l’axiome : Scirnli et volenli non fit injuria. Cependant, plus communément, les théologiens ont répondu négativement (Vasquez, Sancbez, Suarez, Soto, les Salmantlcenses,

tract. VI, <. iv, punct. 1, et surtout salnl Alphonse,

Thtol. mur.. I. VI, n. 143, ri Homo apottol., n. il).

Si la jeune Bile abuse de son corps, disent ils. elle ne

fait tort qu’à elle-même. Cependant, ajoutent-ils, si

de son acte devait résulter un déshonneur ou une infamie pour sa famille, une douleur intense des parents, des haines OU des rixes, le scandale nu un autre dommage, il pourrait y avoir péché contre la

charité et la piété filiale, dans la mesure où ces maux ont été prévus. Les tenants de l’opinion opposée reconnaissent à cette argumentation une solidité telle qu’ils n’osent faire une obligation d’accuser en confession le fait de la violation d’une vierge comme constituant une espèce particulière de péché ; Sylvius se contente de dire que cette malice surajoutée n’est que vénielle, donc pas nécessaire à accuser en confession.

6. Les moralistes modernes se sont généralement libérés de ces subtilités qui, prises à la lettre, seraient susceptibles de rendre la confession odieuse ou ridicule. On imagine mal une femme, s’accusant de péchés de luxure, même purement internes, obligée de spécifier si elle est vierge ou non ; de même l’homme qui aurait des désirs pervers à son endroit…, et le confesseur obligé d’interroger sur ces divers points ! « Ce serait intolérable », écrit Bouvier, Dissertatio in sextum, p. 29-30. Cependant, Marc-Raus continuent à dire que « la malice résultant de la contrainte injuste est accrue, at probabililer intra eamdem speciem, lorsque le viol est commis sur une vierge. Instit. theol. mor., t. i, n. 777. Aertnys note simplement et avec beaucoup de justesse : In praxi, fidèles hanc luxurise speciem communiter ignorant. Cf. Theol. moralis, éd. 6 a, n. 210.

Pratiquement donc, la malice spécifique de la défloration d’une vierge échappant au commun des fidèles, ceux-ci ne seront pas tenus de l’accuser en confession (à supposer qu’elle existe), et le confesseur n’aura pas le droit d’interroger sur ce point sans raisons tout à fait particulières. Voir les directives (normœ) du S. Office., le 16 mai 1943, envoyées aux Ordinaires, non publiées aux Acta ap. Sedis. Texte dans Cimetier, Pour étudier le Code, 3e suppl., p. 35 ; Nouv. revue théol., mai-juin 1945, p. 220, t. lxvii, p. (828).

7. Parmi les contemporains, Merkelbach continue, à la suite de saint Thomas, à souligner l’injure faite au père par le viol de sa fille encore en son pouvoir. Summa theol. mor., t. ii, n. 382. Il ne précise d’ailleurs pas en quoi consistera la réparation due aux parents, n. 384. Marc-Raus, Inslit. morales, t. i, n. 958, 1°, parlent de réparation d’honneur, de pardon à demander. Vermeersch, Theol. mor., t. ii, n. 631, ne fait aucune mention de l’injustice causée aux parents. Pour lui l’injustice gît tout entière dans la contrainte physique ou morale exercée sur la victime ; et il ajoute qu’il n’y a de tort causé qu’à la femme seule, à moins qu’elle ne soit mariée : huic soli (mulieri), nisi nupta fuerit, directe fit injuria (ce qui suppose que l’auteur étend la notion de viol même à la femme mariée). En ce cas, outre le péché de luxure, il y aurait une double violation de droits : ceux du mari par l’adultère, ceux de la femme par la contrainte. Et cette double malice devra être accusée, pour autant du moins qu’elle a été perçue par le stupralor au moment du péché.

Résistance à opposer.

1. Xécessiié. — L’obligation

de résister au stupralor autant que l’on peut vient moins du devoir qu’a la vierge de sauvegarder son intégrité charnelle, que du danger qu’elle court de donner son consentement à l’acte voluptueux. C’est pourquoi la femme qui subit la violence ne peut se comporter passivement et subir simplement. Elle doit résister de façon positive, toujours au moins intérieurement, et ordinairement aussi de façon extérieure, autant pour soutenir efficacement sa volonté el écarter le danger de consentement, que pour éviter un dommage même matériel (perte d(

virginité ! risque de conception, etc.). Nous disons habituellement >. car la crainte d’un plus grand mal

(mort, blessure mortelle, infamie) pourrait légitimer