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VIENNE (CONCILE DE)


la Terre sainte. À la suite de nouvelles délibérations, toujours dominées par l’influence de Philippe le Bel, le pape et le concile décidèrent que les biens des templiers passeraient à l’ordre des hospitaliers et que celui-ci serait réformé. Bulles Ad providum du 2 mai, Rey., n. 7885, et Nupcr in generali concilio du 16 mai, Reg., n. 7952. Il restait à terminer le procès des spirituels et à résoudre les problèmes doctrinaux soulevés depuis quelques années au sujet des écrits de Pierre de Jean Olieu ou Olivi († 1298). Ce fut l’objet de la troisième session solennelle au cours de laquelle furent portés les décrets relatifs à la pauvreté franciscaine et aux erreurs attribuées à Olieu. Cette session clôtura le concile (6 mai 1312).

II. Décisions dogmatiques. - - 1° La décrétale « Fidei catholicæ » (Clem., t. I, tit. i, éd. Friedberg, Corpus juris canonici, t. H, col. 1133 sq. ; Denz-Bannw., n. 480) est dirigée contre les erreurs attribuées à Olieu, lequel avait été défendu au concile par Baymond Gaufredi et surtout par Ubertin de Casale, le nouveau chef des spirituels depuis la mort d’Olieu. Le concile y propose trois points de doctrine en suivant l’ordre et même en reprenant les termes d’un mémoire présenté le 1 er mars 13Il par la « communauté », pour dénoncer les opinions hérétiques imputées à Olieu.

1. La blessure du Christ.

Le concile affirme d’abord que le Christ, en tant que Dieu, subsiste éternellement avec son Père ; pour devenir un homme véritable, il a assumé un corps et une âme raisonnable informant vraiment, elle-même et essentiellement, le corps. Dans cette nature humaine, poursuit la décrétale, le Christ a voulu souffrir et mourir ; il a voulu aussi qu’après qu’il eût rendu l’âme son côté fût ouvert par une lance, comme en témoigne le écrit de saint Jean l’Évangéliste. Conformément à la sentence commune des docteurs et avec l’approbation du concile, le pape insiste sur le fait que c’est après la mort du Christ que son côté fut transpercé par la lance du soldat. Il semble qu’Olieu ait occasionnellement exprimé comme probable l’opinion contraire.

2. L’union de l’âme et du corps.

Le paragraphe suivant de la même décrétale, D.-B., n. 481, introduit la célèbre définition du concile sur l’union de l’âme et du corps. Afin d’exclure toute doctrine erronée qui nierait ou mettrait même seulement en doute que la substance de l’âme raisonnable est vraiment et par elle-même la forme du corps humain, ce qui serait contraire à la vérité de la foi catholique, le pape, approuvé par le concile, déclare hérétique quiconque prétendrait que l’âme raisonnable n’est pas par elle-même et essentiellement la forme du corps. Cette définition implique l’application au corps et à l’âme des concepts de matière et de forme, utilisés par la scolastique pour expliquer l’union qui existe entre le corps et l’âme. Aucun document ne permet de savoir sur quels arguments se sont appuyées les commissions qui ont préparé la formule de la définition ; mais le préambule du décret laisse clairement entendre que la vérité concernant la nature humaine du Christ fut pour le concile l’argument décisif.

Olieu n’est pas nommé dans le décret, qui vise seulement une erreur possible. De la teneur du texte et des témoignages contemporains, il ressort que le concile a condamné les erreurs que la communauté attribuait à Olieu ; rien ne prouve qu’il ait voulu atteindre la personne et la doctrine d’Olieu lui-même. En ce sens, les efforts d’Ubertin de Casale n’avaient pas été vains : Olieu ne fut pas déclaré hérétique. Mûller, p. 357-363. La doctrine réellement professée par Olieu était-elle, de fait, inconciliable avec la définition du concile et, par conséquent, condamnée ?

Les sources actuellement connues ne permettent pas d’apporter à cette question une réponse définitive. Tel est l’avis du P. E..Millier qui, à l’aide d’un mémoire inédit du P. L. Jarreaux, O. M., Un philosophe languedocien méconnu : Essai sur la philosophie de Pierre Olivi, franciscain du x/lf siècle (Mémoire présenté à l’université de Toulouse en 1929), s’est efforcé d’analyser la doctrine d’Olieu sur l’âme humaine (p. 364-384). Une partie seulement de*, textes où Olieu traitait cette question nous a été conservée et il n’est pas actuellement possible de reconstituer avec exactitude l’ensemble de sa doctrine. De l’examen des textes qui sont parvenus jusqu’à nous il semble ressortir qu’Olieu enseignait un certain triehotomisme. L’âme humaine, selon lui, est constituée de trois parties substantielles : l’âme végétative, l’âme sensitive et l’âme intellectuelle. L’âme tout entière informe directement le corps par ses parties végétative et sensitive, non par sa partie intellectuelle. Celle-ci est unie au corps substantiellement par une union non formelle (comme est l’union des parties végétative et sensitive avec le corps), mais dynamique, c’est-à-dire en tant que l’âme est motrice. — Le concile a-t-il voulu exclure cette théorie ? Le décret n’en dit rien, et on n’est en droit ni de le nier ni de l’affirmer. Les adversaires d’Olieu prétendaient qu’on pouvait déduire de sa doctrine des erreurs relatives à la nature humaine du Christ. Il est possible aussi qu’ils aient trouvé dans son système des tendances favorables à la doctrine averroïste de l’âme unique de tous les hommes, bien qu’Olieu ait rejeté expressément cette doctrine ; en effet, Bichard de Médiavilla, un des juges d’Olieu, réprouve, dans son Commentaire des Sentences, t. II, dist. XVII, a. 1, l’erreur de ceux qui disent « que l’âme intellective n’est pas forme du corps selon tout elle-même… Cette opinion, ajoute-t-il, paraît favoriser celle des docteurs qui disent qu’il n’y a qu’une âme pour tous les hommes ». De fait, le Ve concile du Latran devait, en 1513, utiliser la définition du concile de Vienne contre les averroïstes. Denz.-Bannw. , n. 738. — Quoiqu’il en soit, d’ailleurs, des erreurs que le concile a voulu exclure, le contenu positif du décret est clair. Plusieurs points sont hors de doute : a) Le concile a voulu définir ce qui, en tout état de cause, doit être maintenu pour sauvegarder la vérité de la nature humaine du Christ, à savoir que, dans l’homme, l’âme raisonnable informe par elle-même et essentiellement le corps. — b) Le concile n’a pris position en aucune manière contre la pluralité des âmes. Olieu lui-même affirmait que l’âme est une, mais pensait qu’elle est composée de plusieurs parties essentielles. De cette explication on pourrait déduire la pluralité des âmes ; mais ce n’est pas sous cet aspect que la doctrine d’Olieu avait été soumise au jugement du concile. — c) Le concile n’a pas voulu définir qu’une certaine forme de corporéité ne puisse convenir au corps avant son union avec l’âme raisonnable, car les adversaires d’Olieu admettaient eux-mêmes cette explication, alors très répandue. La lettre et le contenu du décret n’excluent nullement l’existence de formes du corps partielles et subordonnées : le concile affirme que le corps humain a une forme essentielle qui est l’âme ; il ne dit rien de la structure, de chacune des parties de l’âme humaine. — d) Le concile a voulu affirmer que l’union entre l’âme et le corps humain n’est pas suffisamment sauvegardée si, entre les parties de l’âme humaine, on admet une distinction telle que toute partie de l’âme ne concourre pas également à cette union. Le terme de forme appliqué à une matière qui est le corps exprime simplement l’union substantielle du corps et de l’âme. Si donc on veut admettre un certain triehotomisme,