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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. SAINT ATHANASE

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sonnes autonomes. Comme les simples dont parle Tertullien, il tenait trop fortement à la monarchie pour accepter une doctrine économique de la Trinité, si bien que l’on n’a peut-être pas tort de le représenter surtout comme un attardé. La profession de foi qu’il présenta au pape Jules en 338, tout en insistant beaucoup sur la monarchie divine, fut regardée comme orthodoxe par les Romains : il n’est pas sûr qu’il y ait rétracté ses opinions premières. Il était seulement dangereux de reproduire telles quelles des doctrines ou des formules dépassées par les événements. L’expérience aurait dû apprendre à Marcel qu’une affirmation explicite de la Trinité des personnes était devenue nécessaire. Les autres défenseurs du concile de Nicée, et saint Athanase en particulier eurent le mérite de s’en rendre compte, et leurs exposés sont bien plus précis et bien plus exacts que celui de l’évêque d’Ancyre.



IV. L’ENSEIGNEMENT DE SAINT ATHANASE. —

Saint Athanase n’était qu’un simple diacre au moment du concile de Nicée et il est peu vraisemblable qu’il y ait joué un rôle de quelque importance. Mais, lorsque eurent disparu ceux qui avaient été les inspirateurs du grand concile — et cela arriva de bonne heure, puisque Alexandre d’Alexandrie mourut en 328, que saint Eustathe d’Antioche fut exilé en 330 et que Marcel d’Ancyre renonça à toute activité après 335 — Athanase fut à peu près le seul en Orient à défendre de toutes ses forces l’œuvre accomplie à Nicée. À cette tâche, il apporta une énergie indomptable que rien ne put jamais abattre. Aussi l’histoire le regarde-t-elle à juste titre comme le champion de l’orthodoxie au ive siècle.

Caractéristiques générales. —

L’évêque d’Alexandrie n’est pourtant pas, au sens strict, un théologien, si l’on entend par là un homme qui s’efforce de présenter une élaboration rationnelle du donné révélé et de faire progresser l’intelligence du dogme. Il n’a rien d’un esprit philosophique et n’entend pas grand’chose à la spéculation. Il est sur ce terrain bien inférieur à Origène et aux Cappadociens. Mais cette infériorité est largement compensée par la vigueur de sa foi, par la fermeté de son attachement aux doctrines traditionnelles. « Nul, au ive siècle, nemeparaîtle surpasser pour l’ampleur dans le développement de la doctrine, la richesse de l’information scripturaire et, en dépit des défauts qui lui sont communs avec son temps, l’à-propos de ses citations bibliques ; surtout pour la profondeur de sens chrétien qui lui fait comme naturellement chercher, en toute doctrine, le côté par où elle pénètre jusqu’au plus intime de l’âme pour la vivifier, l’exciter, rénover en elle la vie spirituelle et l’énergie pour le bien. » F. Cavallera, Saint Athanase, Paris, 1908, p. 33-34.

Cela est capital. Arius avait été un rationaliste, et c’est pour avoir voulu construire un système cohérent, parfaitement intelligible, qu’il était devenu hérétique. En refusant de plier son esprit devant le mystère, il avait été amené à nier l’essentiel de la doctrine chrétienne sur la Trinité. Athanase, au contraire, est d’abord un croyant. Il n’a aucune peine à accepter l’enseignement de l’Église et il le reçoit avec une fidélité d’autant plus grande qu’il y trouve le point de départ de sa vie religieuse. Les constructions d’Arius et de ses disciples peuvent à la rigueur satisfaire une intelligence avide de logique ; elles ne sont pas capables d’alimenter une mystique. L’âme vibrante, sensible d’Athanase est incapable de s’arrêter là. Pour l’évêque d’Alexandrie, la Trinité est bien plus un objet d’amour qu’un thème de discussions ; et il en parle avec une émotion sans feinte : « La Trinité n’est pas produite, mais éternelle. Unique est la divinité dans la Trinité, unique la gloire de la sainte Trinité. Et vous osez la déchirer en natures différentes ! Le Père étant éternel, vous dites du Verbe assis près de lui : « Il y eut un temps où il n’était pas. » Le Fils étant assis près du Père, vous voulez le mettre loin de lui ! La Trinité est créatrice et active et vous ne craignez pas de l’abaisser au rang du néant ; vous n’avez pas honte d’égaler les esclaves à lu libre Trinité et de ranger le roi, Seigneur des armées, avec ses serviteurs. Cessez de brouiller ces êtres qui ne peuvent se confondre, ou plutôt le néant avec l’être. Parler ainsi n’est pas glorifier et honorer le Seigneur, mais l’injurier et le déshonorer ; car déshonorer le Fils, c’est déshonorer le Père. Si maintenant la théologie est parfaite dans la Trinité et si c’est là la vraie et unique piété où résident la beauté et la vérité, il fallait qu’il en fût ainsi toujours, sinon la beauté et la vérité seraient adventices et la plénitude de la théologie serait due à l’accroissement. Il fallait donc qu’il en fût ainsi dès l’éternité. Si des l’éternité il n’en était pas ainsi, maintenant cela ne saurait être mais serait comme, selon vous, il en a été au commencement, de sorte que la Trinité actuellement n’existerait point. Aucun chrétien ne supporterait pareils hérétiques. Aux païens de se faire une Trinité produite et de l’égaler aux choses créées, car ce qui est créé admet seul diminution et augmentation. Les chrétiens eux reconnaissent dans leur foi la bienheureuse Trinité, comme immuable, parfaite, toujours dans le même état ; ils ne connaissent rien en plus de la divinité, ni un état imparfait de celle-ci dans le passé, car il y a impiété dans les deux cas. Aussi la foi reconnaît-elle que la Trinité est pure de tout mélange avec les êtres créés ; elle l’adore, gardant indivisible l’unité de sa divinité et, fuyant les blasphèmes ariens, elle confesse et reconnaît l’éternité du Fils. Il est éternel, comme est éternel le Père dont il est le Verbe. » Contra arian., i, 18, P. G., t. xxvi, col. 48 sq.

Il suffit de lire des pages comme celles-là pour se rendre compte du point de vue où se place saint Athanase. Son âme entière se révolte contre les impiétés d’Arius et de ses partisans. Il sait, parce que l’Écriture et la Tradition le lui ont appris, qu’il n’y a qu’un seul Dieu ; mais il sait tout aussi bien que le Verbe est Dieu, qu’il possède donc toutes les qualités divines et particulièrement l’éternité. Il affirme donc sa croyance et ne se lasse pas de l’exprimer. Il y a plus. Pour saint Athanase, le Verbe esi bien autre chose que l’instrument de la création, bien autre chose que la Pensée du Père, c’est-à-dire une personne lointaine et mystérieuse. Il faut avant tout le chercher et l’adorer en Jésus-Christ. Or, Jésus-Christ est une personne historique qui a vécu au milieu des hommes ; il est le Verbe incarné par amour pour nous ; et, si nous voulons savoir pourquoi Dieu s’est fait homme, c’est afin que les hommes deviennent des dieux. Telle était déjà la doctrine de saint Irénée. Saint Athanase reprend cette doctrine et la commente inlassablement. Il sait que nous sommes appelés à la vie divine, que nous avons reçu l’esprit d’adoption, que nous sommes faits participants de la nature divine. Comment pourrait-il en être ainsi si le Christ n’était pas Dieu ? et le Christ serait-il Dieu si le Verbe n’était qu’une créature ? Tout se tient dans la doctrine chrétienne ; et l’on peut, comme le fait Athanase, partir de l’incarnation pour remonter à la Trinité, éternelle et indivisible. Ce mouvement de pensée présente même l’avantage d’être plus facilement accessible au peuple fidèle et de reproduire l’acte même de la révélation, car c’est par le Christ que nous avons connu la paternité de Dieu.

Sans doute les difficultés ne sont pas toutes levées par cette explication. Saint Athanase est bien obligé de suivre les ariens sur le terrain où ils ont porté la controverse. Du moins a-t-il un point de départ d’autant mieux assuré que le christianisme tout entier, avec les dogmes de l’incarnation et de la rédemption, se trouve mis en jeu et qu’il est désormais impossible de mettre à part le dogme trinitaire comme s’il était un domaine réservé aux spéculations théologiques.

Le Père et le Fils. —

Le Père est éternellement Père : il faut donc que le Fils soit engendré de toute