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VERTU. ENSEIGNEMENT DKS SCOL ASTIQUES

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théologie postérieure tirera profit. La foi, l’espérance, la charité sont les vertus théologales, symbolisées dans la Bible par les trois filles de Job, « les plus belles femmes de toute la terre » (Job, xlii, 15), Moral., t. I, n. 38 ; cf. I. II, n. 79, P. L., t. lxxv, col. 544 I), 594 AB. Sans ces trois vertus, le salut est impossible. In Ezech., t. II, hom. iv, n. 4-5, t. lxxvi, col. 975-976. Sur elles repose tout l'édifice de la vie spirituelle, hom. x, col. 1068-1069. Elles ne sont pas des remparts, mais des retranchements (non mœnia sed munitiones) pour l'âme, Moral., t. XI, n. 25, t. lxxv, col. 965 CD ; elles sont susceptibles d’accroissement jusqu'à la vie éternelle. In Ezech., t. II, hom. iii, n. 14-15, t. lxxvi, col. 956-958.

Les quatre vertus cardinales se soutiennent et se fortifient mutuellement. Moral., t. II, n. 76, t. lxxv, col. 592 BD. Elles ne doivent donc ni être séparées, ni être dissociées. In Ezech., t. I, hom. iv, n. 8-9 ; t. II, hom. x, n. 18, t. lxxvi, col. 808-809 ; 10681069. Una virtus sine alia vel nulla est omnino vel minima, vicissim sua conjunclione futciuntur. Moral., t. XXI, n. 6 ; cꝟ. t. XXII, n. 2, ibid., col. 192 A ; 211212.

Avec son expérience éprouvée des âmes, saint Grégoire jette en passant quelques indications utiles à la théologie ascétique. L’humilité est la sauvegarde de la vertu ; notre infidélité même peut y aider. Moral., t. XIX, n. 9, 12, ibid., col. 100-103. L’humilité est donc la base de toute vertu véritable. Ibid., t. XXVII, n. 76-78, col. 443-444. On conçoit ainsi qu’il y ait, dans la vertu des degrés très différents vers la perfection, avant d’arriver à la contemplation : il faut aller de la crainte à l’amour, t. XXII, n. 46-51 (surtout 49), col. 240-244 ; cf. n. 16, col. 222 CD. Il note que « celui qui ne progresse pas recule ». Liber regulæ pastoralis, c. xxxiv, t. lxxvii, col. 118-119, et que la vertu perdue peut encore garder une apparence vertueuse. Moral., t. XXIX, n. 61, t. lxxvi, col. 511-512.

e) Auteurs divers. -- Signalons d’un trait saint Colomban, Instr.. n (acquisition et accroissement des vertus), P. L., t. lxxx, col. 874-875 ; S. Taïon de Saragosse, Sentent., t. III, c. xx (les quatre vertus cardinales), ibid., col. 874-875 ; S. Boniface, Serm., v, vu et ix, t. lxxxix, col. 852, 856, 860 ; le pseudovlcuin, De virtutibus et viliis, t. ci, col. 613-638 ; Alcuin, Dial. de rhelorica et virtutibus, col. 919 sq. (l'étude sur les vertus, col. 943). L’auteur décrit la vertu : animi habitas, naturæ decus, morum nobilitas ; il la divise en quatre parties (les quatre cardinales), col. 944. Voir le tableau des vertus subordonnées, col. 949-950.

Désormais les auteurs abordent l'étude des vertus au point de vue de l’ascèse chrétienne : lutte contre les vices et progrès dans la perfection. Ainsi : Halitgaire de Cambrai, De vitiis et virtutibus et de ordine (extraits de saint Augustin, de saint Grégoire et d’autres auteurs), t. cv, col. 651 sq. Le 1. II est consacré aux vertus : vertus théologales (c. iii, v), vertu en général (c. vi), vertus cardinales (c. viii-x). Le t. III, De vilis et virtutibus et peccatorum satisjactione est attribué, sans raison plausible, par Migne, à Baban Maur, t. exil, col. 1338 sq. Citons encore : Hincmar, De cavendis vitiis et virtutibus exercendis, t. cxxv, col. 857 sq. ; Hugues de Saint-Victor, De fructibus carnis et spiritus, t. clxxvi (voir spécialement, col. 997-1006, les vertus théologales et, col. 1007-1010, le double tableau : arbor vitiorum, arbor virtuium) ; S. Bernard, Tractatus de ordine vitæ et morum institutione, t. clxxxiv, col. 501 sq. (les vertus cardinales et théologales étudiées au c. vii, col. 574-576) ; Bichard de Saint-Laurent, De exter minatione mali et promotione boni, tract. I, t. exevi, col. 1073 (sur l’attribution de cet ouvrage, voir ici t. xiii, col. 2675) ; Bichard de Saint-Victor, De eruditione hominis, ibid., col. 1115. Voir ici Bichard de Saint-Victor, t. xiii, col. 2677-2679 ; Lierre le Chantre, Yerbum abbreviatum, t. cev (en voir l’analyse, t. xii, col. 1902-1903 ; étude sur les vertus, surtout à partir du c. xcn) ; Alain de Lille, Summa de arte }ira’dicatorum, t. ccx, col. 1Il sq.

Conclusion. — L’enseignement des Pères a mis en relief le caractère surnaturel de la vertu proprement chrétienne. Chez les apologistes, ce caractère surhumain est, par opposition aux vices trop humains des païens, un argument en faveur du christianisme. Les vertus apparaissent ainsi, pour reprendre le mot d’Origène, « les lumières du monde ». Bien avant le christianisme, la philosophie grecque et les moralistes stoïciens de Borne, avaient attaché la vie vertueuse au quadrige de la prudence, de la force, de la tempérance, de la justice. Les moralistes chrétiens retiennent que ces quatre vertus ne sauraient être dissociées ou séparées ; elles se soutiennent et se fortifient mutuellement ; mais ils laissent entendre ou professent explicitement qu’elles ne sauraient demeurer sur le plan naturel. Elles doivent nous conduire à Dieu, bien suprême du chrétien. Elles doivent donc venir de Dieu et non de nous, pour nous conduire à lui et non pour nous complaire en notre suffisance. Elles présupposent donc la foi, l’espérance, l’humilité et ne sont rien sans la charité qui les inspire et les dirige. Grégoire le Grand met en relief le caractère particulier des vertus théologales et fait remarquer les progrès nécessaires à l'âme chrétienne dans le développement des vertus avant d’arriver à leur couronnement suprême, la contemplation divine.

Nous avons ainsi déjà toute l'ébauche de la théologie postérieure : vertus d’ordre naturel et d’ordre surnaturel, morales et théologales, acquisition, croissance et perte des vertus, leur permanence dans l’autre vie. Le caractère stable de la vertu est déjà fortement accusé. La scolastique n’aura plus qu'à préciser, systématiser, coordonner ces données.

/II. les scol.ASTiQVKS. — L'œuvre de la scolastique sera une sorte de synthèse entre deux courants qui, pour n'être pas opposés l’un à l’autre, se distinguent cependant l’un de l’autre par des nuances assez sensibles : le courant aristotélicien prend son origine chez Boèce ; le courant augustinien chez Pierre Lombard.

Le courant aristotélicien.

1. Boèce. — L’influence

d’Aristote se fait sentir grâce aux commentaires de Boèce. Aristote définit la vertu : è'a-riv q ips-r’r, ë*iq Trpooape-n.x7j, èv JjLectôttjtl oùaa tv) Tcpôç ^[xâç, wpiafiivT] Xôyco xocl à>ç ?v cppôvtjjLoç ôpîasiev (Éthique à Nicomaque, t. II, c. vi, 1106 b). « Disposition permanente de choisir en se tenant dans le juste milieu déterminé par la raison, tel que le fixera le sage ». L’habitus (s^iç) apparaît ici différent de la simple disposition (HiâQtGLç) en ce sens qu’il est une disposition plus stable et plus durable. Exemples d’habilus : les sciences et les vertus. Les simples dispositions, comme la chaleur et le froid sont facilement mobiles et changeantes. Commentant ces idées, Boèce déclare : « La vertu n’existe qu’en raison d’une disposition difficilement mobile. Un seul jugement juste ne donne pas la vertu de justice ; le vice de l’infidélité conjugale n’est pas acquis par un adultère unique. In caleg. Aristot., t. III, P. L., t. lxiv, col. 242 D243 A.

2. Abâlard et son école.

S’inspirant de l’idée d’une disposition stable et permanente (habilus), Abélard définit la vertu : habitus animi optimus et, par oppo-