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part du l'ère, sa génération est volontaire. Dist. VI, n. 1, 2, col. 540. Le Verbe de Dieu est appelé en toute propriété Sagesse de Dieu et cependant toute la Trinité peut être dite sagesse. Dist. X, n. 3, col. 550. La première assertion est prouvée au n. 5, col. 550. Dans la dist. XXVII, le n. 5 est consacré à marquer l'équivalence des termes Verbe, Fils et Image, col. 59C. Mais, à la différence de la Summa Sententiurum, le Lombard affirme nettement que le Verbe ne peut être ainsi appelé que relativement à celui dont il est le Verbe : Verbe, Image et Fils sont des noms relatifs. Ibid. Et il conclut par la phrase qu’avait consacrée l’autorité de saint Augustin : Eo quippe Filius quo Verbum et eo est Verbum quo Fitius.

5. Richard de Saint-Victor est un augustinien quelque peu infidèle à l’enseignement du Maître. Pour justifier en Dieu la trinité des personnes, voir Trinité, col. 1718, c’est à l’amour plus qu'à l’intelligence que Richard s’adresse. Saint Augustin avait bien envisagé l’amour naturel de Dieu pour lui-même, mais, pour fournir une explication plus immédiate de la Trinité, Richard invoque l’amour personnel : amour personnel du Père engendrant le Fils pour avoir un compagnon digne de lui, condignum habere voluit ; amour du Père et du Fils voulant posséder un ami commun, condilectum. De Trinitate, t. VI, c. vi, P. L., t. cxcvi, col. 971 D ; cf. c. viii, col. 973 : « L’Innascible veut avoir un condignum qui procède de lui pour être son image ; et cela me semble être la même chose qu’engendrer le Fils. L’Innascible et le Fils veulent à la fois avoir un condilectum et cela me semble être la même chose que produire le Saint-Esprit. » Ibid., c. xvii, col. 982 BC.

Une théologie du Verbe, élaborée en fonction d’une procession selon l’intelligence, tiendrait ici une place secondaire. Si le Fils est l’image du Père, ce n’est pas, comme l’avait exposé saint Augustin, qu’il soit l’expression substantiellement conçue, c’està-dire le Verbe mental, de sa perfection essentielle : le Fils est l’image du Père parce qu’il lui est uni dans la spiration active : « La raison pour laquelle le Fils est seul l’image parfaite du Père est donc en ceci que, de même que la plénitude de la divinité émane de l’un, la même communication de plénitude émane de l’autre ; et que le Saint-Esprit ne reçoit pas moins de l’un que de l’autre. » L. VI, c. xi, col. 975 D. Sur la discussion de cette opinion, voir, pour la critique, Petau, De Trinitate, t. VI, c. vii, § 4 ; pour la défense, Th. de Régnon, op. cit., t. m. p. 272-276.

A quoi se réduira donc la notion du Verbe ? Richard, se rapprochant ici du concept primitif du Logos, entend le mot Verbe dans le sens non d’un concept intérieur, mais d’une parole expansive, revêtement de la parole intérieure du cœur :

Une seule et même vérité est conçue par le cœur, proférée par le verbe et apprise par l’audition. Le verbe tient son être du cœur seul ; l’audition provient et du cœur et du verbe… Dans le Père, la conception est de toute vérité, dans son Verbe, renonciation est de toute vérité ; dans le Saint-Esprit, l’audition est de toute vérité, in Pâtre onmis veritatis conceptio, in ejus Verbo omnis veritatis prolatio, in Spiritu Sancto omnis veritatis auditio. Ibid., t. VI, c. xii, col. 977.

On voit par ce texte combien, dans la pensée de Richard, même dans la conception et l’expression de la vérité, l'élément affectif tient une place prépondérante.

6. Alexandre de Haies se sépare sur plus d’un point, de son maître Richard de Saint-Victor. Celui-ci avait amoindri au possible la valeur des termes Fils et Verbe. Alexandre rend à ces noms Fils, Image, Verbe, la primauté que leur assigne la révélation. Toutefois, le mot Verbe ne vient qu’en troisième

lieu. Voir Trinité, col. 1733-1734. Sa conception du Verbe divin est quelque peu différente de celle qu’avait proposée saint Augustin. Alexandre, en effet, estime que le Verbe ne peut être conçu comme le terme de l’intelligence divine. La pensée divine, selon lui, doit être représentée, non comme une opération, mais comme un étal. C’est dire que la pensée divine ne saurait, même en simple raison, être distinguée de la substance. En Dieu, penser et être sont des réalités absolues. Esse enim in diuinis dicitur absolule ; similiter intelligere in diuinis de se dicitur absolule. I", q. xlii, memb. 2, resol. De se, car le Verbe accompagne la pensée divine. Celle-ci, en effet, ne peut être inférieure en perfection à la pensée humaine qui, par une série d’opérations, aboutit à engendrer son image spirituelle, son concept mental. Ainsi, tout en conservant le point de départ augustinien de l’analogie psychologique, Alexandre semble abandonner la voie tracée par l'évêque d’Hippone, pour aboutir cependant, par un détour, à la même conclusion que lui. I a, q. lxii, memb. 1, a. L « Être en Dieu est un terme absolu et de même penser (intelligere) se dit en Dieu absolument. Mais engendrer, dans l’ordre de l’intelligence, implique une relation. Aussi, selon notre manière de comprendre, engendrer et penser (intelligere) ne sont point identiques. Mais engendrer accompagne penser. Par exemple : dans l'âme humaine, quand nous avons dit : l’esprit se connaît, nous pouvons ajouter, l’esprit engendre l’idée de lui-même, et cependant il ne suit pas que dans notre esprit, se connaître et engendrer la connaissance de soi-même soit la même chose. Et, bien que ce soient choses différentes, nous pouvons dire que l’un accompagne l’autre. Pareillement, dans l'Être divin, penser et engendrer son idée ne sont pas la même chose, et cependant la pensée en Dieu s’accompagne de la génération de sa propre idée et de son image. » Id., ibid., memb. 2.

7. Saint Bonaventure.

Peu de choses sont à ajouter à ce qui est dit de lui. En ce qui concerne la génération du Verbe, cet auteur retient l’idée fondamentale d’Alexandre de Haies. Penser, connaître, contempler sont des termes absolus. Former un Verbe, l’exprimer, l’engendrer impliquent relation. Il y a donc, dans la génération du Verbe, autre chose que le simple « penser » du Père.

Verbe présuppose connaissance, génération et image ; connaissance dans l’intelligence qui contemple, — génération dans la conception intérieure, — image dans la conformité à l’objet pensé. De plus, la notion de verbe ajoute à tout cela la notion d’expression.

Or, la contemplation dans l’intelligence est quelque chose d’absolu et, par conséquent, il en est ainsi de la sagesse et de la connaissance. Mais la conception et la ressemblance disent une relation et c’est pour cela que les noms de Fils, d’Image et de Verbe sont des noms personnels.

Par là on comprend l’ordre et la distinction de ces noms. Sagesse ou connaissance viennent d’abord, rappelant l’acte intellectuel. Puis le nom « Fils » qui rappelle l'émanation elle-même ou la conception ; puis le nom « Image », qui rappelle le mode d’expression en quoi consiste l'émanation ; en troisième lieu, le nom Verbe qui rappelle toutes ces choses, et y ajoute le caractère d’exprimer et de manifester. In I" m Sent., t. I, dist. XXVII, part. II, a. 1, q. ni. Trad. de Régnon, op. cit., t. iii, p. 524.

Pourquoi donc seul le Père peut-il « dire » un Verbe ? et cela par une opération qui a les caractères de la génération ? C’est que produire un verbe n’est pas formellement identique à connaître ou à penser ; pour produire un verbe il faut une intelligence naturellement féconde. Cette interposition de la fécondité entre la connaissance intellectuelle et le verbe divin est le trait caractéristique de l’explication bonaventurienne ; elle nous donne la raison profonde pour laquelle la personne du Fils n’est pas, d’après le Docteur séraphique, selon l’intelligence, mais selon