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1641 TRINITÉ. ORIGÈNE 1642

XXXII, xviii. Quant au Saint-Esprit, « il scrute toutes choses, même les profondeurs les plus secrètes de Dieu. D les révèle à qui il lui plaît, selon le mot de l’Écriture. Accorder que le Saint-Esprit connaît le Père par la révélation du Fils, c’est admettre qu’il passe de l’ignorance à la science, conséquence aussi impie qu’absurde. » De princip., I, iii, 4, p. 54. Qu’on n’imagine d’ailleurs pas qu’avant d’être le Saint-Esprit il a pu ignorer le Père et qu’il est devenu le Saint-Esprit par l’acquisition de cette connaissance : si l’Esprit-Saint n’avait pas toujours été tel, il n’aurait jamais été admis dans la Trinité indivisible, ni associé au Père immuable et au Fils éternel.

Enfin, seules les personnes divines sont immuables dans le bien, tandis que les créatures peuvent sans cesse progresser ou déchoir : Immaculatum esse præter Patrem et Filium et Spiritum sanction nulli substantialiter inest, sed sanctitas in omni creatura accidens res est. Quod autem accidit et decidere potest. De princ., I, v, 5, p. 77 ; cf. In Num., hom. xi, 8.

Entrons maintenant dans le détail. La seconde personne de la Trinité Sainte est le Verbe éternellement engendré par le Père et distinct de lui. S’il est une hérésie qu’on ne peut pas reprocher à Origène, c’est assurément le modalisme, car le maître alexandrin ne cesse pas de proclamer la distinction réelle du Père et du Fils. « Il y a, dit-il, des gens qui regardent le Père et le Fils comme n’étant pas numériquement aritmo distincts, mais comme étant un où ou monon ousia alla kai upokeimeno et comme différents seulement kata tinas epinoias ou kat’upostasis. In Joan., X, xxi. Origène enseigne au contraire que eteros kat’upokeimenon estin o Dios tou Patros, qu’il y a duo upostaseis, duo en te upostasei pragmata. De orat., 15 ; Cont. Cels., VIII, 12.

Le Fils, distinct du Père, n’est pas créé. Il est engendré de toute éternité : Non enim dicimus, sicut hæretici putant, partent aliquam substanliæ Dei in Filium versam aut ex nullis substantibus Filium procreatum a Patre, id est extra substantiam suam, ut fuerit aliquando quando non fuerit, sed absciso omni sensu corporeo ex inuisibili et incorporeo Deo Verbum et Sapientiam genitam dicimus absque ulla corporali passione, velul si voluntas procedat a mente. De princ, IV, xxviii, p. 349. Ainsi, l’on ne peut pas dire qu’il y eut un temps où le Verbe n’était pas : telle sera plus tard la doctrine d’Arius. Origène la réfute par avance en déclarant que Dieu n’a jamais été sans Verbe, que le Verbe n’a pas été créé, qu’il est toujours Fils de Dieu.

Engendré de toute éternité par Dieu, le Verbe est Dieu selon la substance, Selecta in psalm., hom. xiii. Origène a-t-il expressément enseigné qu’il lui est consubstantiel, omoousios ? La chose est possible, bien que non certaine. Cf. In epist. ad Hæbr., cité par Pamphile, Apol. pro Orig., P. G., t. xvii, col. 580581 ; Rufln, De adulter. libror. Orig., P. G., t. xvii, col. 619. Nous aurions besoin, pour plus d’assurance, de textes grecs qui nous font défaut. L’essentiel est d’ailleurs l’affirmation maintes fois répétée de la divinité absolue du Verbe.

Tout aussi assurée est la divinité du Saint-Esprit, bien que, nous l’avons vii, Origène se demande si le Saint-Esprit est natus an innatus, ou, suivant la traduction de saint Jérôme, factus an infectus. À cette double traduction correspondent les termes gennetose agennetos ou bien genetose agenetos. Malgré la différence de l'étymologie et du sens, ces termes étalent souvent pris l’un pour l’autre dans les manuscrits, si bien que la leçon originale reste douteuse. Cependant, il est probable que Rufin a mieux compris la pensée d’Origène, car la question ici soulevée est de savoir si l’on peut donner au Saint-Esprit le nom de Fils. L’Écriture oblige à répondre négativement à cette question. Bien plus, puisque nous lisons dans l’Évangile de saint Jean que tout a été produit par le moyen du Verbe (dia), il faut conclure que le Saint-Esprit ne fait pas exception à la règle : « Quiconque admet que le Saint-Esprit est produit, en présence de ces mots : « Tout a été produit par le Verbe », devra nécessairement conclure que le Saint-Esprit a été, lui aussi, produit par le Verbe, lequel est donc antérieur. Si l’on nie au contraire que le Saint-Esprit ait été produit par le Verbe, il faudra l’appeler improduit pour sauvegarder la vérité de l’Évangile… Pour nous, qui confessons trois hypostases, le Père, le Fils et le Saint-Esprit et qui croyons que rien n’est improduit en dehors du Père, nous disons, conformément à la piété et à la vérité, que, tout ayant été produit par le Verbe, le Saint-Esprit est le plus digne et le premier en rang de tous les êtres produits par le Père (epi) par le moyen du Christ. Et peut-être est-ce la raison pour laquelle il ne s’appelle pas Fils de Dieu, le Monogène étant originairement seul Fils par nature et le Saint-Esprit en ayant besoin, ce semble, comme de celui qui lui communique l’hypostase, et non seulement l’être mais la sagesse, l’intelligence, la justice, enfin tous les attributs qu’il doit posséder pour participer à la nature du Christ. » In Joan., I, x, 73, éd. Preuschen, p. 65.

Ce texte est des plus importants, car il nous renseigne non seulement sur la dignité du Saint-Esprit et sur son mode de procession, mais sur sa place dans la Trinité. Rien n’est plus correct assurément que de distinguer le Saint-Esprit du Fils. Il n’y a qu’un Verbe, qu’un Monogène. Le nom de Fils ne convient donc pas à l’Esprit-Saint. D’autre part, si le Fils se trouve au point de départ de toutes choses, l’Esprit-Saint procède de lui, et il ne vient du Père que d’une manière indirecte.

Est-ce à dire que le Saint-Esprit est subordonné au Fils et que le Fils lui-même est subordonné au Père ? Il semble difficile d’échapper à cette conclusion. Origène explique longuement par exemple que saint Jean emploie l’article devant le mot Teos pour parler du Père et qu’il ne l’emploie pas lorsqu’il est question du Fils : « Saint Jean met ou omet l’article défini devant les mots Dieu et Verbe avec une précision admirable et non pas en homme étranger aux finesses de la langue grecque. Il le met, lorsque Dieu désigne le principe inengendré de toutes choses ; il l’omet lorsqu’il s’agit du Verbe. Et comme, dans ces passages. Dieu et le Dieu diffèrent, peut-être y a-t-il la même différence entre le Logos et Logos. Le Dieu souverain est le Dieu, et non simplement Dieu ; ainsi la source commune des raisons individuelles est le Logos, car les raisons individuelles n’ont qu’un droit emprunté à cette appellation. C’est de la sorte qu’on peut résoudre la difficulté dont plusieurs se sont émus. Sous prétexte de piété et par crainte de paraître admettre deux dieux, on se jette dans des opinions fausses et impies : ou bien on nie la distinction entre la personne du Fils et celle du Père, et l’on soutient que le Fils n’est Dieu que do nom ; ou bien on nie la divinité du Fils pour lui reconnaître une personnalité et un caractère individuels étrangers au Père. Il faut leur répondre « pie le Dieu par lui-même est le Dieu avec l’article ; c’est pourquoi le Sauveur adresse à son Père cette prière : « Afin qu’ils vous connaissent, vous le seul vrai Dieu. Tout ce qui n’est pas le Dieu par lui-même, étant Dieu par communication de la divinité, n’est pas le Dieu, mais plus exactement Dieu. » In Joan., II, ii, P. G., t. xiv, col. 108-109.

2° Part de la spéculation personnelle.
On saisit ici la difficulté qui se pose devant l’esprit d’Origène ; c’est celle que, nous avons déjà bien des fois rencontrée : comment concilier le monothéisme le plus strict avec la doctrine traditionnelle sur la Trinité. Origène croit pouvoir répondre que le Verbe, tout en étant de nature divine, n’est pas le Dieu absolu. Il est un « second Dieu » ; il possède une divinité participée, mais non pas la divinité première. À côté et au-dessous de celui qui seul est le Dieu (avec l’article qui indique la pleine et exclusive possession de la divinité), qui est

DICT. DE THBOL. CATHOL. T. — XV. — 52.