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1639 TRINITÉ. ORIGÈNE 1640

est toujours partout, il n’est contenu nulle part ; il est tout intelligence, tout lumière paternelle, tout œil ; il voit tout, il entend tout ; il sait tout, il gouverne tout. » Stromat., VII, ii, 5, ibid., t. iii, p. 5-6.

Les attributs du Fils sont les mêmes que ceux du Père : le Père est dans le Fils et réciproquement. On leur adresse à tous deux des prières ; ils ne sont qu’un seul et même Dieu, Psedag., I, viii ; III, xii ; Stromat., V, vi. Clément emploie, pour exprimer cette unité, des formules telles qu’on a pu lui reprocher d’être modaliste. Par contre, il parle ailleurs des relations entre le Père et le Fils de façon à laisser croire qu’il y a une réelle subordination du Fils par rapport au Père : c’est ainsi qu’il reprend, pour les appliquer au Fils de Dieu, les appellations de puissance royale et bienfaisante dont Philon s’était servi à propos du Verbe ; qu’il déclare que la nature du Fils est la plus proche de celui qui est seul tout-puissant. Stromat., VII, ii, 5 ; que le Fils peut être démontré et connu, tandis que le Père n’est ni connaissable ni démontrable. Stromat., IV, xxv. Nous avons déjà rappelé, col. 1637, que Photius, cod. 109, accuse Clément d’avoir dit que le Fils est une créature, et certaines expressions, dans les Stromates, V, xiv ; VI, vii, ou dans les Adumbrationes in i. Johan., édit. Stählin, t. iii, p. 211, sont difficiles à interpréter correctement. Que veut dire Clément, lorsqu’il écrit : Sicut enim apud Patrem consolator est pro nobis Dominus, sic etiam consolator est, quem post assumptionem suam dignatus est mittere. Use namque primitivæ virtutes ac primo creatæ, immobiles, existentes secundum substantiam, cum subjectis angelis et archangelis, cum quibus vocantur œquivoce, diversas operation.es efficiunt. L’Esprit-Saint et le Fils sont ici désignés du nom de "protoctistes", qui apparaît souvent dans les derniers Stromates et s’applique à certains anges de l’ordre supérieur ; bien plus, ils sont comparés aux anges, et l’on s’étonne d’une pareille formule.

Il serait pourtant injuste d’insister. Clément ne se recommande nulle part par sa logique, et nous savons qu’il n’a pas prétendu donner un système achevé de théologie. Autant son témoignage est important à recevoir lorsqu’il traduit la foi de l’Église, autant il mérite l’indulgence lorsqu’il exprime les idées personnelles et souvent imprécises du vieux maître.

II. Origène.
Tout différent de Clément est Origène. Celui-ci est véritablement un métaphysicien. Si importants que soient à ses yeux les problèmes moraux, ils sont dépassés de beaucoup par les questions métaphysiques. Le De principiis est le premier essai catholique d’une systématisation du dogme, et une telle tentative suppose de la part de son auteur une envergure d’esprit peu commune.

Il faut ajouter, et ceci est capital, qu’Origène est profondément attaché à l’Église catholique : le catholicisme, pour lui, n’est pas quelque chose d’extérieur, une sorte de vêtement dont il pourrait se débarrasser à l’occasion, tout en restant lui-même. Il fait partie intégrante de sa vie. Dès sa jeunesse, Origène a rêvé de mourir martyr afin de prouver son amour pour l’Église ; jusqu’à son dernier jour, il poursuit ce rêve, et la persécution de Dèce le trouve prêt à endurer les supplices : est-ce sa faute s’il ne meurt pas au cours de la rude épreuve qui lui est infligée ? Sa foi est toujours prête à commander à sa raison. Comme philosophe, il lui arrive de proposer des hypothèses plus ou moins étranges, mais il se garde d’affirmer s’il se rend compte du désaccord de l’une ou de l’autre de ces hypothèses avec sa croyance.

Enfin, Origène est un bibliste, ce qui veut dire que, nourri dans l’étude et dans l’explication des Livres Saints, il conduit son esprit selon les voies où le mènent les commentaires de l’Écriture. D’autres se libéreraient du texte sacré ; lui tient à le suivre dans ses moindres détails. De là, dans les formules de l’exégète, certains flottements ou certaines imprécisions qu’il aurait été possible d’éviter en suivant des routes plus personnelles.

1° Part de la Tradition.
La première constatation qui s’impose, lorsqu’on essaie de résumer les idées d’Origène sur la Trinité, c’est la place éminente que tiennent les affirmations traditionnelles. Le De principiis débute par un exposé de la foi ecclésiastique : « Les points clairement enseignés dans la prédication apostolique sont les suivants. Premièrement, il n’y a qu’un seul Dieu, créateur et ordonnateur de toutes choses, qui a tiré l’univers du néant… En second lieu, Jésus-Christ, le même qui est venu en ce monde, est né du Père avant toute créature. Après avoir été le ministre du Père dans la création des choses, — car tout a été fait par lui — il s’est anéanti à la fin des temps en s’incarnant, tout Dieu qu’il était, et i ! s’est fait homme, tout en restant Dieu… Ensuite, la tradition apostolique associe au Père et au Fils, en honneur et en dignité, le Saint-Esprit lui-même. Est-il engendré ou non ? doit-il ou non être considéré comme Fils de Dieu ? cela n’apparaît pas clairement ; c’est une question à résoudre par l’étude attentive de la sainte Écriture et par l’effort du raisonnement théologique. Ce que l’Église enseigne sans l’ombre d’un doute, c’est que ce même Esprit est l’inspirateur de tous les hagiographes, prophètes et apôtres, avant comme après la venue du Christ. » De princ, I, præf.

Tout cela est très clair. La prédication apostolique enseigne à n’en pas douter le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Origène partira de cet enseignement pour construire sa théologie. Avant tout, il n’y a qu’un seul Dieu qui n’est ni un corps, ni dans un corps ; nature intellectuelle sans mélange d’aucune sorte, il ne reçoit ni le plus ni le moins. Monade absolue ou plutôt hénade, il est l’intelligence, source commune de toutes les intelligences. De princ, I, i, 6. Les créatures le reflètent sans en donner une idée adéquate, pas plus que les rayons du soleil, réfléchis dans un miroir, ne nous font connaître exactement le soleil : Dieu est incompréhensible. 'Ibid., 5, édit. Kœtschau, du Corpus de Berlin, Œuvres d’Origène, t. v, p. 20. L’unité divine n’empêche d’ailleurs pas la trinité des personnes : « Nous croyons qu’il y a trois hypostases : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. » In Joan., II, x, 75, édit. Preuschen du Corpus de Berlin, Œuvres d’Origène, t. iv, p. 65. Le terme hypostase qu’emploie ici Origène doit être souligné ; nous le retrouverons plus loin.

Dieu possède, en tant que tel, trois qualités qui le distinguent des créatures ; il est en effet immatériel, omniscient, substantiellement saint. Immatériel : sans doute, Origène affirme l’existence de créatures spirituelles, mais il se demande si elles peuvent subsister sans aucune enveloppe corporelle, si ténue soit-elle et, bien qu’il ne donne pas à ce sujet de réponse décisive, sa pensée est claire : tout esprit créé a besoin d’un support matériel. Dieu au contraire n’est ni un corps, ni dans un corps : Substantia Trinitatis… neque corpus neque in corpore esse credenda est, sed ex toto incorporea. De princ, IV, xxvii ; I, vi, 4 ; II, ii, 2, Kœtschau, p. 347, 85, 112.

De plus Dieu connaît tout et chacune des personnes divines possède la science parfaite. Cela est évident pour le Père qui est le principe et la source de toute connaissance et de toute vérité. Cela n’est pas moins certain pour le Fils qui est la vérité et à qui rien ne peut échapper. In Joan., I, xxvii ; Contra Cels., VI, 17. Pourtant il est vrai que le Fils ne connaît pas le Père aussi bien qu’il en est connu et que la gloire qu’il reçoit de lui est plus grande que celle qu’il lui rend. De princ, IV, xxxv, Kœtschau, p. 359-360 ; In Joan.,