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VALENTIN. LES DISCIPLES, PTOLEMEE


d’assigner un rôle différent à tel ou tel des éons qui constituent le plérôme ou d’expliquer à sa manière le salut des hommes. Même si l’on retient, pour faire bref, la division, déjà connue, semhle-t-il, par Clément et précisée par Hippolyte, en deux écoles, l'école orientale et l'école italique, il ne faut pas croire que les doctrines aient été fixées à l’intérieur de l’une ou de l’autre de ces écoles. La gnose valentinienne est un mouvement bien plus qu’une doctrine arrêtée, une tendance plutôt qu’une formule.

1. École italique.

C’est sur l'école italique que nous sommes le mieux renseignés. Au nombre de ses membres, figurent Ptolémée et Héracléon, Philosopha I, 35, Secundus et Kpiphane, ibid., 38 ; Marc el Colorbasus, ibid., 56.

a) Ptolémée a été réfuté par saint Irénée, qui, pour étudier sa doctrine, avait eu recours à des textes écrits et à des témoignages oraux. De plus, nous avons l’inappréciable avantage de posséder de lui un écrit complet, la lettre à Flora, qui a été conservée par Épiphane, tfœres., xxxiii, 3-7, t. xli, col. 557 sq.

A vrai dire, nous ne savons rien de la personne et de la vie de Ptolémée. Sans doute devait-il être un disciple immédiat de Valentin, si bien qu’on ne risque guère de se tromper en plaçant son activité aux environs de 160. Cette date est confirmée par le fait que, vers 180, les disciples de Ptolémée lui-même se montraient particulièrement agressifs dans la vallée du Rhône et obligeaient l'évèquc de Lyon à les combattre avec vigueur. Où était-il né? comment avait-il connu la gnose de Valentin ? sous quelles influences s’en lit-il le défenseur ? Autant de questions insolubles pour nous.

La lettre à Flora, si importante qu’elle soit, ne traite que d’un problème secondaire, celui de la valeur qu’il convient d’accorder à l’ancienne Loi. Ptolémée commence par rappeler à sa correspondante l’existence de deux opinions extrêmes à ce sujet : i Les uns disent que la Loi a été faite par Dieu le Père. D’autres soutiennent le contraire et affirment qu’elle a été portée par son ennemi, l’auteur de la corruption, le diable, le même auquel ils attribuent la création du monde et qu’ils appellent le Père et le Créateur. « Les premiers sont les membres de la grande Église ; les autres sont les disciples de Marcion. « Chacun d’eux, ajoute Ptolémée, liasse à côté de | ; i vérité, car il ne semble pas que la Loi ait été établie par le Dieu et l'ère parfait, puisqu’elle est imparfaite et doit être complétée el « pic certaines de ses prescriptions répugnent à la nature de Dieu. Mais on ne peut pas en revanche l’attribuer à son ennemi, car notre Sauveur a dil : Toute maison ou toute cité divisée contre elle-même ne peut se tenir

debout. » Que faut-il donc penser 7 D’abord, il faut savoir que l’ensemble de la lui qui est contenue dans le Pentateuque de Moïse n’est pas l’oeuvre d’un seul législateur, je veux dire qu’elle n’est pas l'œuvre <le Dieu seul. Il s’y trouve certaines prescriptions qui oui été établies par les hommes. Elle est divisée en trois parties : il y a la pari de Dieu et sa législation, il > a la pari de Moïse, non pas en tant qu’il ; i été l’intermédiaire « le Dieu, mais en tant que, on propre Fonds, il a lixé certaines lois : enfin, il , i la pari des anciens du peuple. » (.es distinctions peuvent encore être précisées, et la partie divine du Pentateuque se divise à son tour en trois parties. Il a d’abord les préceptes qui ne comportent .mi une injustice, que le Christ n’est pas venu détruire, omplir : ce sont ceux qui constituent par exemple le Décalogue. Il y a ensuite les préceptes

mixtes, en partie bons et en partie mauvais, dont le type est la loi du talion, et qui doivent être abolis. Il

> ; i enfin les préceptes typiques, qui doivent être

interprétés d’une manière allégorique et qui valent seulement dans la mesure où l’on retrouve leur signification : telles sont les lois relatives aux sacrifices et aux cérémonies cultuelles. Quel est dès lors le Dieu qui a inspiré la législation de Moïse ? Ce n’est, Ptolémée l’a déjà montré, ni le Dieu absolu et parfait, le principe unique, inengendré et bon ; ce n’est pas non plus le diable. Reste que c’est le Créateur ou Démiurge, image du Père, Dieu juste et non pas bon.

On le voit par cette analyse, la lettre à Flora est l’oeuvre d’un esprit clair et méthodique, qui prétend diviser les difficultés afin de ne rien omettre dans leur examen et qui se dirige par les règles de l'évidence. Il assure en terminant que son école a reçu elle aussi de manière régulière la tradition apostolique et que sa règle est de juger de toutes les paroles d’après le critère de l’enseignement de Jésus. En fait, ce critère, il l’emploie de façon purement rationnelle, sans tenir aucun compte de l’autorité de l'Église. Il paraît en tout cela exactement le contraire d’un mystique, voire d’un croyant et l’on se demande comment le même homme qui a formulé à propos de la Bible des règles aussi sensées a pu croire aux élucubrations et aux fantaisies valentiniennes touchant les éons. Mais il faut remarquer d’abord que le but de la lettre à Flora est très particulier : il s’agit pour Ptolémée d’expliquer à sa correspondante un problème d’exégèse et non pas de lui faire part des mystères de la foi. Bien au contraire, l’auteur de la lettre réserve pour plus tard la tâche d’expliquer « comment les natures qui ne sont pas de même essence que le principe du tout, qui est luimême immortel et bon, peuvent cependant en dériver ». Ces formules ouvrent la porte à un enseignement sur les éons qui procèdent les uns des autres en s'éloignant de plus en plus du principe parfait. D’autre part, il arrive souvent que le même homme se montre capable d’appliquer des méthodes très sages et très raisonnables à l’objet de ses études et en même temps d’accepter sans preuve des croyances qui nous semblent extravagantes, en partie parce que nous les jugeons d’après la mentalité actuelle. Si nous nous souvenons qu’au n c siècle, l’explication du monde et du mal par îles émanai ions successives était chose courante, nous trouvons moins étrange qu’un Ptolémée ait pu admettre une théorie de cet ordre.

En somme, la lettre à Flora ne contredit pas ce que saint Irénée nous apprend de l’enseignement de Ptolémée ; elle néglige presque complètement l’aspect métaphysique d’une doctrine qui devait surtout satisfaire des curiosités de cel ordre et ce n’est pas d’après elle qu’il faut juger le système de Ptolémée. Celui-ci, sous sa forme originale, nous reste difficilement accessible. La notice des Philosophoumena, VI, 39, est d’une brièveté désespérante. Celle de saint Irénée au contraire est très détaillée, mais elle risque de mélanger de manière presque inextricable ce qui appartient en propre à Ptolémée et les modifications introduites par ses disciples dans un exposé complexe. D’après la description d’Irénée, il y a dans les profondeurs invisibles et ineffables un 60n parfait, le premier terme de l'être : ils l’appellent aussi le premier principe, le premier l'ère. l’Abîme : il est Invisible et infini. Étant infini et invisible, éternel et Inengendré, il a duré pendant des siècles infinis

en tout repos et tranquillité. Avec lui coexiste la

Pensée, Swoia, qu’ils nomment aussi la grâce et le

silence. In jour, l’Abîme songea a émettre de soi

le commencement de toutes choses, et, comme la

semence à la matrice, il voulul confier celle émission qu’il méditait au Silence (fjacyffj) qui coexistait avec

lui : le Silence la recul et, fécondé de la sorte, il