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VALENTIN. LES DISCIPLES


écrit : « Le principe de la Sagesse est la crainte du Seigneur » ? Ps., ex, 10. Le Démiurge est de nature ignée, puisqu’il est écrit : « Le Seigneur ton Dieu est un Dieu qui brûle et qui consume. » Deut., ix, 3. Le Démiurge s’imagine être le seul artisan du monde qu’il ne crée que sous l’inspiration de Sophia et voilà pourquoi il déclare avec forfanterie : « C’est moi qui suis Dieu et en dehors de moi, il n’y en a pasd’autre. » Deut., iv, 35 ; cf. Is., xlv, 5. Mais le Nouveau Testament est utilisé avec bien plus de fréquence et de subtilité. L’épître aux Éphésiens, iii, 14-19, parle de la profondeur, laquelle est le Père de l’univers, de la largeur, qui est Stauros ou Horos, la limite du plérôme, de la longueur, qui est le plérôme des éons lui-même. Saint Paul mentionne à plusieurs reprises l’homme psychique et l’homme pneumatique, et Valentin s’appuie sur ces textes pour justifier sa propre distinction. Les prophètes qui ont parlé sous l’inspiration du Démiurge étaient stupides : c’est pourquoi le Sauveur a dit : « Tous ceux qui sont venus avant moi sont voleurs et brigands. » Joa., x, 8. Ces textes et d’autres encore sont rapportés par les Philosophoumena, VI, 32-36, qui en attribuent expressément l’emploi à Valentin. Ses disciples ont pu, nous le savons, développer sa méthode et consacrer à l’exégèse le meilleur de leurs forces. Cf. K. Barth, Die Interprétation des neuen Testaments in der valentinianischen Gnosis, dans Texte und Untersuehungen, t. xxxvii, fasc. 3, Leipzig, 1911. Ils ne sont pas les inventeurs du procédé et c’est bien à Valentin qu’il faut remonter pour comprendre la place tenue dans le système par les Livres saints.

Ces remarques sont de la plus haute importance, lorsqu’il s’agit de déterminer la place de Valentin non seulement dans l’histoire de la gnose, mais dans celle du christianisme. Nous voudrions évidemment savoir si Valentin, venu à Rome un peu avant 140 selon saint Irénée, et par conséquent né aux environs de l’an 100, a commencé par appartenir à la grande Église avant d’inventer son système. Nous n’avons aucun moyen de nous en assurer, mais nous pouvons affirmer tout au moins qu’il a connu en Egypte le christianisme sous sa forme catholique et la place qu’il attribue à l’Église dans son système montre assez l’importance qu’il lui reconnaissait dans la pratique quotidienne de la vie. Autre chose est assurément un éon sans consistance, autre chose est une société vivante, gardienne d’une tradition autorisée. Mais Valentin n’est pas le seul chrétien du iie siècle à regarder l’Église idéale comme antérieure à la création et nous savons avec quel soin il s’est cherché des garants en rattachant son enseignement à celui de saint Paul par l’intermédiaire d’un certain Theudas. Une telle prétention, si mal appuyée qu’elle ait été, prouve en tout cas qu’une doctrine nouvelle n’avait dès lors aucune chance d’être reçue et que toute forme de christianisme devait pouvoir se recommander d’une apostolicité vraie ou supposée. Comme le personnage dont Valentin se recommandait était d’ailleurs inconnu, le nouveau docteur n’avait aucune chance de faire agréer ses doctrines par la communauté chrétienne. Alors même qu’il serait venu à Rome simplement pour y trouver un théâtre digne de sa prédication, et nombreux y furent à la même époque les maîtres orthodoxes ou hérétiques, il devait s’y heurter à des oppositions trop fortes pour qu’il lui fût possible d’en venir à bout. Nous ne savons même pas quel succès il y rencontra. Alors qui’v ; i i ? 1 1 Justin, dans les Apologies, parle de Marcion Comme d’un redoutable adversaire, il ne cite même pas le nom de Valentin, ce qui laisse supposer qu’il

ne voyait pas dans ses doctrines un véritable péril |i<mr la foi des si ni | îles.


III. Les disciples. —

Développement général de l’école.

Cependant on ne saurait mépriser les succès remportés par Valentin. Si mal renseignés que nous soyons sur les développements qu’a connus sa secte, nous savons qu’elle a fait un peu partout de nombreuses recrues. Saint Irénée redoute assez les valentiniens pour diriger contre eux son grand ouvrage et il a dû les rencontrer non seulement à Rome, mais jusqu’en Gaule : « Nous ne voulons pas, dit-il, que par notre fait, des âmes soient emportées comme des brebis par des loups, trompées par les toisons qui les couvrent… C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de puiser dans les écrits des disciples de Valentin, comme ils disent, et d’entrer en relations avec quelques-uns d’entre eux et de nous rendre maître de leur doctrine, afin de révéler ces prodigieux et profonds mystères que tout le monde ne peut pas comprendre… Autant qu’il sera en notre pouvoir, c’est la doctrine de ceux qui enseignent aujourd’hui, je parle des élèves de Ptolémée, la fleur de l’école de Valentin, que nous ferons connaître brièvement et clairement. » Cont. heer., i, pra ?fat., 2, col. 442. On voit par là que si, à la fin du iie siècle, l’école de Valentin est déjà divisée en plusieurs branches, elle n’en constitue pas moins un véritable danger. Hippolyte, Philosoph., VI, 35, parle de deux écoles opposées l’une à l’autre, l’école italique, à laquelle appartiennent Héracléon et Ptolémée, et l’école orientale que représentent Axionicos et Bardesane. Cette classification a été généralement retenue et elle a le grand avantage de la simplicité ; mais elle est loin de traduire la complexité des faits. Saint Irénée indique de multiples opinions touchant les problèmes essentiels de la théologie et de la christologie : « Ils disputent beaucoup au sujet du Sauveur. Les uns disent qu’il est issu de tous les éons : c’est pourquoi on l’appelle le bienvenu, parce que tout le plérôme a voulu par lui trouver le Père. Les autres le font sortir des seuls dix éons qui ont été émis par le Verbe et la Vie ; c’est pourquoi il a été appelé le Verbe et la Vie : il a gardé les noms de ses parents. Pour d’autres, il vient des douze éons qui ont été faits par l’Homme et l’Église, et c’est pourquoi il se dit Fils de l’homme : il est issu de l’Homme. D’autres disent qu’il a été fait par le Christ et par le Saint-Esprit, émis afin de confirmer le plérôme, et c’est pourquoi il est appelé Christ : il a gardé l’appellation du Père dont il est émané. D’autres enfin disent qu’il s’appelle le premier Père et le premier Principe et l’Inintelligible et l’Homme ; et c’est là le grand mystère, le mystère caché, à savoir que la puissance qui est au-dessus de tout et qui contient tout s’appelle Homme : voilà pourquoi le Sauveur s’est lui-même appelé Fils de l’Homme. » Cont. har., I. passim. Indépendamment de ces disputailleurs, sur les particularités desquels saint Irénée ne se croit pas obligé d’insister, un certain Marcus, dont les disciples sont particulièrement nombreux dans la vallée du Rhône, retient l’attention de l’évêque de Lyon, qui consacre bien des pages à exposer sa doctrine et celle de ses disciples. Marcus est une sorte de magicien et ses prestiges ont séduit beaucoup de monde, en particulier des femmes. « Ce sont elles surtout qu’il vise, écrit saint Irénée, notamment lorsqu’elles sont élégantes et riches, sous prétexte de leur communiquer la grâce, de leur donner le don de prophétie, il obtient d’elles des présents, des richesses et parfois même l’amour. Plusieurs ont cru en lui, qui depuis ont renié leur erreur, notamment la femme d’un de nos diacres, asiate comme nous. » Irénée insiste longuement sur les marcosiens. sur les moyens extraordinaires qu’ils emploient, sur les mots de passe qu’ils donnent à leurs adeptes, sur tes rites qu’ils utilisent pour célébrer le baptême et