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VALKNCIA. DOCTRINES, LA MESSE


profondement certain et plus parfait, l’acte d’adhésion naturelle appauvrirait singulièrement l’imprudent qui s’y risquerait. Ibid., col. 79. Valencia montre ensuite comment, plus ou moins richement illuminatrice en son domaine, l’évidence de raison laisse intacte l’obscurité propre au motif formel de la foi, partant la liberté de l’acte et son mérite. Même si cette évidence, au lieu d’émaner d’une démonstration, provient d’une expérience certaine ? Oui, répond Valencia plus intégral ici que saint Bonaventure. Ce dernier estime, en effet, qu’une adhésion expérimentale fondée sur une évidence sensible exclut l’adhésion de foi simultanée relativement au même objet. Mais pourquoi donc, réplique Valencia, puisque nous pouvons, par un seul et même acte concret de l’esprit, embrasser le motif naturel d’évidence expérimentale et le motif surnaturel de la foi ? Nous le pouvons aussi, ajoutet-il, par deux actes différents simultanés. Ibid., col. 79-80.

4° Union hypostatique et sacrifice de la messe devant la raison. — Passant du t. m des Commentaires au t. iv, nous allons esquisser encore deux traits caractéristiques du corpus doctrinal de Valencia : ses théories de l’union hypostatique et du sacrifice de la messe. L’un et l’autre se rapportent au Christ rédempteur.

1. Théorie de l’union hypostatique.

Employé pour signifier un essai d’explication du mystère strict qu’est l’union hypostatique, le mot théorie ne peut avoir ici qu’un sens très analogique. Il ne s’agit pas, au surplus, d’envisager tous les points de vue qu’envisage notre théologien. Seul nous retiendra, pour ce qu’il comporte ou implique de philosophie, le problème de la possibilité.

Le mystère de l’union personnelle du Fils de Dieu avec la nature humaine du Christ étant ad extra, la possibilité même certaine n’en entraînerait pas l’existence. Mais est-elle seulement possible ? Disp. I, q. i, punct. 2, col. 10-11. Ni homme ni ange ne saurait, de façon absolue et parfaite, connaître cette possibilité. Seul le peut, à vrai dire, l’Esprit divin qui, se connaissant pleinement comme un et trine, connaît aussi parfaitement l’homme comme nature et comme personne. Seul, il sait si et comment Dieu un et trine peut opérer cette assomption, par le Verbe, d’une nature humaine, et seul, si et comment cette nature restant ce qu’elle est peut, au lieu de subsister personnellement par elle-même, de s’appartenir, être promue à subsister par le Verbe et lui appartenir. Aussi bien ne s’agit-il que d’une connaissance conditionnée par le fait révélé et imparfaite. Le mystère étant, pouvons-nous répondre aux objections formulées contre sa possibilité et nous l’exprimer en termes d’analogie ? Nous le pouvons assurément, répond Valencia. Ibid., col. 11-13. Où serait, en effet, la contradiction ? Ni du côté du Verbe, elle n’apparaît, ni du côté de la nature humaine assumée par lui. Non ex parte personne assument/s. car, infinie en perfection, elle peut remplir éminemment le rôle de la personnalité humaine en donnant à la nature promue de subsister par elle et de lui appartenir. Rôle seul propre à la personne et qui en constitue l’essence, pure de soi mais réalisée selon un mode imparfait dans la créature ; rôle que le Verbe remplit infiniment. Combien cette idée stricte de la personnalité et cette définition métaphysique de la personne dépassent toute donnée empirique, tout ce que l’on a coutume de signifier lorsqu’on parle de personnalité ou de personne juridique, psychologique, morale, religieuse, et comment tout ceci ressortit à la nature humaine concrète comme à son principe radical en subsistant ainsi qu’elle par le sujet personnel et en lui appartenant, il n’est pour s’en rendre

compte que de réfléchir. Avec celui de la trinité, le mystère de l’union hypostatique, bien loin de paralyser la raison humaine, l’a stimulée et amenée à concevoir la vraie notion ontologique de personnalité et de personne. Travail supérieurement rationnel d’élaboration ou d’analyse. Il n’y a pas non plus répugnance ex parte humanæ naturse assumptse quia scilicet ea asseratur vel sine propria personalitate, vel per aliénant personalitalem exislere. Étant intelligiblement postérieure à la nature qu’elle a pour rôle de faire subsister toute en soi et à soi, ontologiquement limitée, n’ayant en son essence propre rien dont l’absence soit formellement contradictoire de l’existence réelle de la nature, la personnalité connaturelle peut n’exister pas sans que, si son rôle personnel est dûment suppléé, la nature soit elle-même privée d’exister. Or, à ce rôle que le Verbe peut assumer parfaitement, elle peut, nature créée, répondre en toute docilité. In omni enim creatura cogitare licet potentiam, quam theologi obediextialem vocant, ut scilicet ftat in illa, quicquid per potentiam Dei in ipsa fieri potest sine contradiclione. Corrélativement à la notion de personne, celle de nature spirituelle a été mieux comprise, grâce au ferment fourni à notre raison naturelle même par le mystère de l’incarnation ainsi que par celui de la trinité.

Le fort de l’essai de théorie formulé par Grégoire de Valencia relativement à l’union hypostatique est, ce semble, d’être aussi peu systématique que possible. C’est à partir des exigences ontologiques de notre expérience humaine, à partir de ces exigences imposées à notre attention par le mystère même, qu’est strictement définie, avec la personnalité humaine et la personnalité angélique, la personnalité en soi, perfection pure, et analogiquement conçue la personnalité divine.

2. Théorie du sacrifice de la messe.

Elle est exposée au t. iv de l’édition d’Ingolstadt, parue en 1597, disp. VI, q. xi, punct. 1, col. 1302-1431. Dans le recueil des écrits, publié avant les Commentaires en 1591 à Lyon sous le titre De rébus ftdei hoc tempore controversis, il y consacrait déjà le De sacrosancto missæ sacrifteio, contra impiam disputationem Tubingse nuper a Jacobo Herbrando propositam, atque adeo contra perversissimam Lutheri, Kemnitii aliorumque novatorum doctrinam. Mais ce que l’on oublie trop de noter, dans nombre de grands traités modernes, c’est que Grégoire de Valencia a pris rang dix ans plus tôt : en 1580, par son De sacrosancto missæ sacrifteio contra… novatorum doctrinam, dirigé contre Herbrand ; en 1581, par son Apologia de ss. missæ sacrifteio, contre la réplique d’Herbrand à son De sacrosancto missæ sacrifteio. Alors, sans doute, l’idée d’immulation réelle et de destruction sacrificielle se substituant à l’idée thomiste de rite mystique sans altération ou destruction de la matière offerte avait déjà des partisans nombreux : G. Casai, J. Hessels, F. Torrès, M. van der Galen, G. Allen, entre autres. Mais ni Suarez, ni Bellarmin, ni Vasquez, ni Pierre de Ledesma n’avaient encore publié leurs écrits sur le sujet. C’est donc manquer à la précision historique, voire à une juste équité envers Grégoire de Valencia, dans la répartition des influences doctrinales, que de présenter ce dernier comme dépendant de Suarez et de Bellarmin, par exemple. Le De arcano missæ sacrificio du premier parut, en effet, en 1595 ; en 1593, le De missa du second.

A suivre ses écrits, sur le thème en question, l’on se persuade de plus en plus que Valencia a élaboré sa doctrine, mûre dès 1580, en puisant dans l’enseignement reçu en des écrits qui ne peuvent encore être ceux de Suarez ou de Bellarmin. Y ajoutant peu et n’en retranchant aussi qu’assez peu, il reproduit en