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VACANT (ALFRED)

robuste, dans les divers domaines de la science ecclésiastique. Ses premières années de professorat avaient été accaparées par la préparation de ses examens théologiques. Sans avoir le fétichisme des grades, il était persuadé que la recherche des diplômes est un singulier stimulant à l’acquisition d’une science précise, de bon aloi, sans trop de lacunes, ayant subi le contrôle de gens qualifiés. Il encourageait volontiers les autres dans ce sens ; pour son compte, il entendait donner l’exemple. A peine nommé à Nancy, il demandait à son évêque l’autorisation d’aller prendre à Rome ses grades théologiques. Mgr Foulon — et ce fut heureux — l’engagea à ne pas chercher si loin ce qu’il pouvait trouver en France. A défaut des facultés de théologie d’État, qui achevaient de mourir, on commençait à poursuivre, de divers côtés, l’érection de facultés canoniques, habilitées à conférer les grades. Mgr Pie avait, depuis quelque temps déjà, obtenu de Rome le droit, pour son séminaire qu’il eût voulu faire considérer comme une faculté, de donner, à certaines conditions, d’ailleurs assez onéreuses, les diplômes théologiques. Ce fut à Poitiers qu’A. Vacant s’adressa donc, en 1877, pour obtenir le baccalauréat de théologie et celui de droit canonique. L’année suivante, il venait demander au même institut la licence en théologie, qu’il conquérait brillamment avec une thèse latine : De certitudine judicii quo assentitur existentiæ revelationis (publiée à Nancy, 1878, in-8°, 147 p.) : il y comparait l’attitude des apologistes modernes qui font ressortir surtout la certitude que l’on doit avoir du fait de la révélation et celle des théologiens du xviie siècle, de Lugo en particulier, qui mettent au contraire en bonne lumière la liberté de l’acte de foi, correspondant au reliquat d’inévidence que laisse toujours l’entassement des preuves tendant à démontrer « que Dieu a parlé ». Sur ce sujet il reviendra longuement un jour dans ses Études théologiques sur le concile du Vatican. En même temps que cette thèse dogmatique, le candidat avait dû défendre oralement une thèse d’Écriture sainte sur « l’autorité doctrinale du grand-prêtre juif ». Les positions en sont résumées à la suite de la dissertation dogmatique. Deux ans après la conquête de la licence, c’était à la faculté libre de théologie de Lille qu’A. Vacant allait chercher le couronnement suprême de ses études scolaires et le bonnet de docteur. Il était le premier à demander à une faculté canonique française cette consécration et il eut besoin, pour subir cette épreuve, d’obtenir une dispense d’âge, étant encore assez loin des trente ans réglementaires, quand il se présenta le 5 août 1879. Sa thèse principale : De nostra naturali cognitione Dei (publiée à Nancy, 1879, in-8°, 334 p.), étudiait les théories diverses inspirées par l’aristotélisme, plus ou moins christianisé, en fait de théodicée et cherchait à concilier les notions de naturel et de surnaturel adoptées respectivement par saint Thomas d’Aquin et Duns Scot. Encore qu’un peu trop vaste et interdisant par son ampleur même les recherches en profondeur, ce travail s’inspirait déjà d’une exacte compréhension des exigences de la méthode historique. Il se complétait par une série de vingt-deux thèses destinées à être défendues oralement. La soutenance fut très brillante et permit de faire les meilleurs augures sur l’avenir réservé au jeune docteur. Celui-ci néanmoins aspirait encore à parfaire ses connaissances générales. A Nancy, depuis longtemps déjà, les relations étaient courtoises entre le monde universitaire et le monde ecclésiastique. Nulle paît on n’estimait davantage, parmi les gens d’Église, le surcroît de force que donne a la pensée l’humanisme de l’expression. Aux grades théologiques A. Vacant voulut joindre les diplômes universitaires. Inscrit à la faculté des lettres de Nancy pendant les années 1882-1884, il passait avec succès la licence de lettres-philosophie en avril 1884, ce qui lui permettait de retenir un sujet de doctorat ès-lettres pour la Sorbonne. Ce projet d’ailleurs n’alla pas plus loin.

Aussi bien l’inlassable activité du jeune professeur avait commencé à s’épancher au dehors en de multiples publications qui se succèdent avec une continuité remarquable. Les principales revues catholiques françaises de cette époque demandaient sa collaboration : la Revue des sciences ecclésiastiques de Lille, les Annales de philosophie chrétienne, la Bibliographie catholique, la Science catholique et le prêtre, l’Université catholique, un peu plus tard la Revue du clergé français. De même aussi les grandes publications telles que le Dictionnaire apologétique de l’abbé Jaugey, et le Dictionnaire de la Bible de F. Vigouroux. Aux deux congrès scientifiques internationaux des catholiques de 1891 et de 1897, il fournit deux études remarquées. Rien d’étonnant que ces multiples contributions aux branches les plus diverses des sciences ecclésiastiques aient fait connaître avantageusement, dans les milieux catholiques français et même étrangers, le professeur de Nancy. Quand, en 1897, on lui demandera de prendre à son tour la direction du Dictionnaire de théologie catholique, il saura, en très peu de temps, réunir une brillante équipe de collaborateurs. L’empressement que, de toutes parts, on mit à répondre à son appel, montre bien la confiance qu’inspirait, malgré sa jeunesse relative, le nouveau directeur. Dans les divers domaines, il avait pu donner la mesure de sa compétence.

De modestes honneurs étaient venus, entre temps, le signaler à l’attention de ses compatriotes. En mai 1893, l’Académie Stanislas de Nancy l’accueillait en son sein ; son discours de réception sur le cardinal Lavigerie fut remarqué ; de cette compagnie il serait élu président en 1896. Quelques années plus tôt, en mars 1890, l’administration diocésaine lui avait conféré le camail de chanoine honoraire. Le 7 août 1900 il était nommé directeur du séminaire de Nancy.

Mais à ce moment déjà ses forces avaient commencé à décliner. Sans avoir jamais joui d’une robuste santé, A. Vacant n’avait jamais été sérieusement arrêté par la maladie, jusqu’au printemps de 1898, où le surcroît de travail que lui avait causé la mise en route du Dictionnaire de théologie détermina chez lui une crise très grave. Suppléé d’abord pour son enseignement par ses confrères, il eut, à partir d’octobre 1898, un suppléant pour le cours de dogme. Un séjour à Rome pendant l’hiver 1899-1900 sembla lui rendre quelques forces ; rentré à Nancy, il put partager avec son remplaçant une partie des cours. L’hiver de 1900-1901 devait lui être fatal. En mars 1901, une grippe infectieuse prit très vite une allure fort maligne. Il ne devait pas s’en relever ; le 29 mars, son évêque, Mgr Turinaz. qui avait pour lui une singulière estime, tenait à lui administrer les derniers sacrements. Il mourait le mardi saint qui suivit, 2 avril 1901 ; il n’avait que quarante-neuf ans. Il fut enterré à Morfontaine, son pays natal, le lendemain mercredi saint. A. Vacant laissait la réputation d’un ecclésiastique de grand savoir, mais ses contemporains et ses élèves ont été non moins sensibles à ses grandes qualités de prêtre. D’une piété solide, éclairée et néanmoins très profonde, sévère à lui-même jusqu’à l’austérité, poussant jusqu’au scrupule la régularité de sa vie ecclésiastique, il a donné, jusqu’au bout, l’exemple de l’union intime d’un labeur opiniâtre au service de la vérité et d’une religion très intense et très pure.

II. Travaux. — Nous étudierons d’abord les œuvres diverses ; nous consacrerons ensuite un déve-