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UTKECHT (ÉGLISE D'). LES RELIGIEUX RÉFUGIÉS

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l’union ; il fut envoyé par Petitpied, Boursier, d'Étemare ; Barchman lui donna des pouvoirs pour exercer les fonctions pastorales. Il partit pour Moscou, le 20 octobre 1728 ; mais la mort du tzar Pierre II, le 20 janvier 1730, entrava son action et il dut quitter la Russie au début de 1732.

Dans son propre diocèse d’Utrecht, Barchman resta toujours fort uni aux évoques de France favorables au jansénisme. De concert avec l'évêque de Babylone, il écrivit à l'évêque de Senez pour protester contre le concile d’Embrun, qui avait condamné ce prélat ; il publia un mandement contre la Légende de Grégoire VII, pour s'élever contre les prétentions de la cour de Rome, et une lettre au sujet des calomnies répandues dans les Mémoires publiés en 1728 sur l'état présent des réfugiés français en Hollande. Il mourut à Rhynvick le 13 mai 1733. Les évêques de Montpellier et de Senez le regardaient comme un des plus grands prélats du siècle et les Nouvelles ecclésiastiques du 18 juin 1733 font un grand éloge de Barchman, auquel elles attribuent un miracle opéré le 6 janvier 1727.

Le chapitre d’Utrecht assemblé le 22 juillet 1733 élut, pour lui succéder, Théodore van der Croon, chanoine d’Utrecht. Le chapitre et l'élu écrivirent le 26 août et le 1 er septembre à Clément XII pour lui demander confirmation de l'élection et dispense pour que le sacre fût fait par un seul évêque. Comme le pape ne répondit pas, Croon écrivit, une seconde fois, le 24 juillet 1734, il n’eut pas de réponse. Ce fut l'évêque de Babylone qui, encore une fois, consacra le 28 octobre 1734, l’archevêque élu ; un bref d’excommunication, daté du 17 février 1735, qui reproduisait les termes du bref du 23 février 1725, fut la réponse de Rome. Le nouvel archevêque fit appel de tous les décrets émanés du Saint-Siège, ainsi que de la bulle Unigenitus, le 28 octobre 1735, et il envoya cet acte d’appel au cardinal d’Alsace, Thomas Philippe de Bossu, archevêque de Malines, le 1 er décembre 1735. Il priait le cardinal d’intervenir auprès du pape et de le supplier de se défier de ceux qui abusaient de son nom pour répandre des brefs indignes du Saint-Siège. L’archevêque de Malines répondit, le 14 janvier 1736, par une lettre « qui n'était qu’un tissu d’injures et d’opprobres ». À quoi van der Croon répliqua par une nouvelle Défense : on n’avait jamais articulé en Hollande une seule erreur et l'Église de ce pays n’avait jamais cessé de donner au pape et aux évêques catholiques les témoignages les plus formels de son attachement à l’unité et à l’autorité légitime.

Van der Croon mourut le 9 juin 1739 ; dès le 2 juillet, le chapitre d’Utrecht se réunit et élut un curé du diocèse d’Haarlem, nommé Pierre-Jean Meindærtz. C'était un des douze prêtres ordonnés en 1716 par Fagan, de Dublin. Après quelques hésitations, l'évêque de Babylone sacra encore le nouvel élu, le 18 octobre 1739. Deux brefs d’excommunication furent envoyés de Rome, mais le pape Clément XII étant mort le 6 février 1740, Meindærtz, qui fit appel de ce bref, n’envoya son appel que le 1 er juillet 1741 pour répondre au bref d’excommunication lancé par Benoît XIV le 24 janvier 1741. Mais voici que l'évêque de Babylone, l'évêque consécrateur, mourut le 14 mai 1742. Pour conserver l'épiscopat hollandais, il allait falloir prendre de nouvelles mesures.


VII. Les religieux réfugiés en Hollande et la question du prêt à intéret.

Les réfugiés'.

Au début du xviir 3 siècle, de nombreux religieux quittèrent la France, pour se soustraire à l’obligation de signer le Formulaire d’Alexandre VII et plus tard la bulle Unigenitus. La plupart se réfugièrent en Hollande, où les archevêques d’Utrecht, en particulier Neercassel et Barchman, leur offrirent l’hospitalité.

La signature du Formulaire rencontra de nombreuses oppositions chez les chartreux. Le chapitre général de l’ordre, en 1723, reçut la constitution Unigenitus et ordonna à tous les religieux de s’y soumettre purement et simplement. Cette décision ne fut pas acceptée de tous : quarante-cinq religieux de la province de France refusèrent de signer. Les supérieurs généraux et dom Mongesson. prieur de la Grande-Chartreuse, prirent des mesures énergiques : les religieux influents furent éloignés ; on surveilla les suspects. Vingt-cinq refusèrent obstinément de se soumettre ; ils furent déclarés suspens de leur ordre, privés de la communion laïque et menacés d’excommunication ; quatorze qui avaient renouvelé leur appel après la Déclaration royale du 4 août 1720. étaient excommuniés et traités comme tels ; enfin dix qui avaient réappelé et rétracté la signature qu’ils avaient donnée, furent déclarés excommuniés, enfermés dans leurs cellules et condamnés à un jeûne rigoureux, cinq jours par semaine.

En 1725, les récalcitrants s’enfuirent en Hollande, conduits par Boullemois. Barchman les établit dans deux maisons voisines, où ils essayèrent de reprendre la vie conventuelle. Les religieux fugitifs écrivirent à dom Mongesson, le 19 février 1726, pour lui dire qu’ils n’avaient pu accepter la bulle. Ils avaient renouvelé leurs engagements entre les mains de l’archevêque d’Utrecht ; ils n'étaient ni déserteurs, ni apostats. Le 15 septembre 1725, les fugitifs avaient déjà publié une Protestation : Ils sont sortis de leur cloître, parce qu’on les y a forcés ; ils sont décidés à vivre en chartreux et ils réclament la charité et la protection de N. S. P. le pape, du roi très chrétien, des parlements et en particulier du parlement de Paris. En même temps, parut une longue Apologie des chartreux, signée de trente et un religieux profès. Fuir, disaient-ils, était le seul parti possible et légitime pour échapper à l’obligation de signer la bulle, qu’ils ne pouvaient accepter qu’extérieurement et de bouche. Un autre écrit parut, intitulé Défense des chartreux fugitifs, où l’on traite particulièrement de la fuite dans les persécutions, à l’occasion de deux écrits, dont l’un a pour titre Lettre à Mgr l'évêque de*** touchant la protestation des chartreux, et l’autre Réfutation de l’Apologie des chartreux, 15 mars 1726. Aux idées déjà énoncées, on ajoutait que les chartreux avaient le droit de fuir les persécutions, car le vœu de stabilité ne leur imposait point de demeurer ; ils restaient religieux, puisqu’ils avaient fui dans le cas d’une juste défense ; en Hollande, ils avaient essayé de vivre en communauté et de suivre leurs règlements. Un arrêt du Parlement du 15 avril 1726 condamna la Protestation, l’Apologie et la Défense de l’Apologie, « écrits téméraires, qui fournissent de nouveaux prétextes à l’inquiétude, à la défiance, aux déclamations et qui autorisent la désobéissance aux bulles des papes reçues dans le royaume ».

Le 20 avril 1726, le P. Antoine, prieur des chartreux écrivit aux religieux réfugiés en Hollande pour tenter de les ramener par la persuasion et la douceur. Le chapitre général et le R. P. supérieur étaient prêts à les rétablir dans leur premier état et ils ne leur appliqueraient pas les peines que les statuts prononcent contre ceux qui sont dans leur cas, pourvu qu’ils revinssent à l’unité et qu’ils se soumissent à l'Église.

En sens inverse, un écrit anonyme intitulé : La retraite des chartreux en Hollande justifiée par Thomas Sanchez, jésuite espagnol, in-4o de 14 p., plaidait en faveur des chartreux ; d’après Sanchez, un religieux fugitif n’est point apostat, s’il conserve ses règles et désire rentrer dans son couvent ; or, c’est le cas des chartreux, qui ne sont sortis que pour s'être opposés à une constitution qui « condamne les doctrines les