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UTREC HT ( EGLISE IV) — ES VICA I RES A POSTOLÏQUES


Utrecht à son diocèse, constitua l’Église d’Utrecht. Bientôt cette Église devint très florissante ; elle possédait des biens et des revenus considérables.

I.e droit d’élire les évoques appartint d’abord aux empereurs ; mais, par un diplôme du 18 octobre 1145, Conrad III transféra son droit aux deux chapitres de Saint-Martin et de Saint-Sauveur d’Utrecht et cette renonciation fut approuvée en avril 1146 par le pape Eugène III. Il y eut des conventions diverses au cours des siècles suivants. En 1528, les chanoines d’Utrecht renoncèrent spontanément à ce droit et le cédèrent à Charles-Quint, duc de Brabant et comte de Hollande, s’engageant à élire toujours le sujet choisi par lui. La bulle Romanus ponli/ex (20 août 1529) constate le fait : les cinq chapitres d’Utrecht (Saint-Martin, Saint-Boniface, Saint-Pierre, Sainte-Marie et Saint-Jean-Baptiste ) ont renoncé à ce privilège l’année précédente. Les chapitres n’ont plus qu’un droit d’élection secondaire. D’ailleurs, le pape se réserve de rejeter même une élection canonique, « lorsqu’il juge à propos de choisir un sujet plus digne, par des raisons jugées suffisantes, du consentement des cardinaux et dans le cas d’une grande nécessité ».

Le diocèse d’LItrecht était fort étendu : il comprenait tout le pays qu’on appelait les Provinces-Unies ; on parla souvent de la division du diocèse. En 1553. Charles-Quint, pour opposer une plus forte barrière à l’introduction du protestantisme en Hollande, décida de multiplier le nombre des évêchés. Mais il mourut en 1557 et c’est son fils, Philippe II, qui obtint l’érection de nouveaux évêchés. Paul IV, par la bulle du 12 mai 1559, Super uniuersas orbis Ecclesias, érigea Utrecht en métropole avec les évêchés suffragants de Haarlem, Deventer, Leuwerde, Groningue et Middelbourg. Cette bulle donnait à Philippe II et à ses successeurs, dans les mêmes provinces, le droit de désigner, non point aux chapitres mais au pape, les sujets destinés à occuper les nouveaux sièges, et le pape se réservait le droit de leur conférer l’institution canonique. La bulle ne fait aucune mention des chapitres.

Le Il mars 1560, le pape Pie IV, par la bulle Ex injuncto nobis… officio, confirma la bulle de son prédécesseur et déclara de nouveau que le droit d’élection appartenait à Philippe II et à ses successeurs. En fait, après la mort de Georges d’Egmont (26 septembre 1559), Philippe II choisit, pour lui succéder, Frédéric Schenck, baron de Tautemberg, à qui le pape donna la bulle de provision, le 28 mai 1561, et qui prit possession du siège d’Utrecht, le 23 novembre 1561.

Le nouvel archevêque convoqua pour le 10 octobre 1565, un concile provincial, qui publia tous les décrets du concile de Trente, même les décrets disciplinaires, malgré l’opposition des cinq chapitres, qui regardaient quelques uns de ces décrets comme contraires à leurs droits et privilèges. Les cinq suffragants avaient assisté au concile.


II. Invasion du protestantisme et suppression DE LA DOMINATION ESPAGNOLE EN HOLLANDE.

En 1566, éclata la célèbre conjuration des Gueux ou Mendiants : ce fut le signal de la révolte contre la domination espagnole qui coïncida avec le développement de la Béforme dans les Provinces-Unies. Les griefs contre la domination espagnole ne manquaient pas ; ils furent habilement exploités. Guillaume le Taciturne, chef de la révolte, fut quelque temps tenu en échec par le duc d’Albe, mais il finit par triompher : beaucoup de catholiques se joignirent à lui et marchèrent avec les protestants, contre les Espagnols, pour défendre les intérêts nationaux qui leur étaient communs. Les griefs politiques contre l’Espagne étaient aussi forts que les antipathies religieuses contre les protestants. Mais bientôt la division se mit parmi les rebelles : il y eut des troubles, des

révoltes, des profanations à la suite du changement de gouvernement et du changement de religion. Les protestants prirent la tête du mouvement antiespagnol. Le culte catholique fut interdit et le calvinisme devint la religion dominante ; l’édifice hiérarchique, fondé par Paul IV et achevé par Lie IV, fut renversé ; Les églises furent dépouillées de leurs biens et les chapitres privés de leurs revenus. La mort violente, l’exil, l’apostasie anéantirent le clergé ; les biens ecclésiastiques passèrent aux protestants, qui prirent le titre de chanoines et reconstituèrent les chapitres.

La pacification de Gand en 1576 et l’union d’L T trecht, signée le 23 janvier 1579, en donnant aux catholiques la liberté de conscience, auraient pu pacifier les esprits, mais les conventions faites ne furent jamais bien observées ; les violences continuèrent et les apostasies se multiplièrent même dans le clergé, de sorte qu’en certaines régions, spécialement dans le nord des Pays-Bas, il n’y eut plus guère que des protestants et l’exercice public du culte catholique devint impossible.

Schenck mourut le 25 août 1580. Il fut le seul archevêque d’Utrecht uni à Borne, jusqu’au rétablissement de la hiérarchie en 1853. Le roi d’Espagne, déchu de sa souveraineté dans les Provinces-Unies, n’avait plus le droit de nommer les évêques, et les nouveaux souverains étant protestants ne pouvaient exercer un pareil droit. De plus, les chapitres qui, d’ailleurs depuis 1559, n’avaient plus le droit d’élire les évêques, étaient dispersés. Beaucoup de leurs membres avaient abandonné leurs bénéfices et quelques-uns même avaient embrassé la Béforme. Au milieu de ces désordres, en face du protestantisme et de l’intolérance civile, les papes jugèrent nécessaire d’intervenir dans ces contrées : le diocèse d’L’trecht et les diocèses suffragants furent réduits à l’état de mission, comme les pays infidèles. La mission hollandaise se trouva placée sous la dépendance immédiate du Saint Siège, qui la gouverna par des vicaires apostoliques, munis des pouvoirs nécessaires. D’après les historiens jansénistes, ce furent les jésuites qui demandèrent et obtinrent du pape cette décision, qui, disent-ils. fut une usurpation du Saint-Siège.


III. Les vicaires apostoliques.

Après la mort de Schenck, le pape Grégoire XIII, par un bref d’octobre 1583, désigna Sasbold Vosmer, natif de Delft, pour administrer le diocèse d’Utrecht. Cette nomination du premier vicaire apostolique pour le diocèse d’Utrecht a provoqué, chez les historiens jansénistes, de nombreuses remarques qu’il importe d’examiner. Dupac de Bellegarde, l’historien de l’Église d’Utrecht, répète que les vicaires apostoliques étaient de vrais évêques ; ils n’étaient pas dépouillés de la qualité d’évêques propres et de pasteurs ordinaires. Ce n’étaient point de simples vicaires du pape, amovibles à son gré, préposés pour le gouvernement d’Églises immédiatement soumises à sa juridiction… « Il doit demeurer pour constant que la qualité de vicaire apostolique n’était que la concession de pouvoirs particuliers, réservés au pape par la discipline présente de l’Église, ajoutés aux pouvoirs de l’Ordinaire. On peut même dire que cette concession particulière n’était pas nécessaire et que, dans le cas de nécessité où se trouvait cette Église, ses pasteurs ordinaires étaient en droit d’exercer tous les pouvoirs qui sont radicalement dans tous les évêques et qui ne sont réservés au pape que par le droit positif ecclésiastique. » Et il affirme que le nonce de Cologne aurait reconnu ce fait dans une réponse à Sasbold. L’historien va même plus loin : durant la vacance du siège épiscopal, « l’Église veuve conserve tous les pouvoirs qui ne sont point essentiellement dépendants du caractère épiscopal. » « L’autorité des évêques étant absolue