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USURK. L’ÉPOQUE CLASSIQUE

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367 ; concilium in Francia hubilum (80(5-829), Werminghoff, t. ii, p. 591 ; concile de Paris de 829, can. 53, qui énumère les principales manières dont se pratique l’usure, cite les principaux passages de la Bible et des Pères de l’Église contre l’usure et s’élève contre les subterfuges variés, multifariæ calliditates, des usuriers pour tourner la loi, Werminghoff, t. ii, p. 645-648 ; concile de Meaux-Paris (845), can. 55, Mansi, t. xiv, col. 831, promulgué par Charles le Chauve, Krause, op. cit., p. 411 ; concile de Pavie (850), can. 21, Mansi, t. xiv, col. 937 et Krause, op. cit., p. 122 ; concile de Valence en Dauphiné (855), réuni à la demande de Lothaire. Mansi, t. xv, col. 9.

Un certain nombre de statuts promulgués par les évêques francs pour leur diocèse font une place à la prohibition de l’usure : premier statut diocésain de Gerbald, évêque de Liège (787 à 810), Mansi, t. xiiif col. 1083, et C. de Clercq, op. cit., p. 455, c. xiv ; second statut diocésain de Théodulphe, évêque d’Orléans (798-818), Mansi, t. xiii, col. 1016, et C. de Clercq, op. cit., p. 340-341, can. 51 ; statut diocésain d’Haiton, évêque de Baie (806-822), c. 17, dans Boretius, op. cit., p. 364 ; statuts diocésains d’évêques inconnus : Ms. de Vesoul, Bibl. publ., 73 (xe s.), c. 32, C. de Clercq, op. cit., p. 373 ; Ms. de Munich, latin. 6241 (xie s.), c. 5, C. de Clercq, op. cit., p. 289.

Des dispositions analogues se retrouvent dans les Règles des chanoines approuvées au synode d’Aix-la-Chapelle de 817, attribuées faussement à Amalaire de Metz, c. 40, 61 et 62, voir ici, Amalaire de Metz ; dans les capitula adressés par Rodolphe de Bourges au clergé de son diocèse peu après 840, P. L., t. cxix, col. 720-721 ; dans les capitula collecta ex capitularibus regum Francorum d’Hérard de Tours, vers 861, c. v, P. L., t. cxxi, col. 764 ; dans les statuts de Gauthier, évêque d’Orléans, promulgués en 868, c. 10, P. L., t. cxrx, col. 735-736 ; chez Riculfe de Soissons, en 889, c. 17, Mansi, t. xviii, col. 87, et Atton de Verceil(924961), Mansi, t. xix, col. 253.

A la fin de l’âge carolingien, l’Église a en mains les armes nécessaires à la lutte contre l’usure qu’elle va poursuivre par ses seuls moyens jusqu’au xiir 3 siècle, sauf en Angleterre où elle trouvera l’appui éphémère d’Edouard le Confesseur (1042-1046).

A partir de la deuxième moitié du xie siècle, c’est exclusivement de Rome que partirent les consignes, et la papauté sera, en principe, représentée dans les nombreux conciles qui s’occuperont, dans leurs canons, de la répression de l’usure : concile de Reims (1049), can. 7, Mansi, t. xix, col. 742 ; concile romain sous Nicolas II (1059), can. 15, Mansi, t. xix, col. 916 ; conciles de Gérone en 1068, can. 10, et en 1078, c. 9, Mansi, t. xix, col. 1071 et t. xx, col. 519 ; concile romain de 1074-1075 sous Grégoire VII, Pflugk-Harttung, Acta pontificum romanorum inedila, Stuttgart, t. ii, 1884, p. 126 ; concile de Poitiers (1078), can. 10, Mansi, t. xx, col. 449 ; concile romain sous Urbain 11(1088-1089), Pflugk-Harttung, ibid. p. 127 ; concile de Gran (1114), can. 59, qui prévoit ladéposition pour les clercs, l’infamie pour les laïques, Mansi, t. xxi, col. 112 ; conciles de Londres en 1125, can. 14, et en 1138, can. 9, Mansi, t. xxi, col. 332 et 512 ; IIe concile œcuménique du Latran (1139), can. 13, qui décrète la privation de la sépulture religieuse à rencontre des usuriers, s’ils ne viennent à résipiscence, Mansi, t. xxi, col. 529-530. Sur l’ensembls de la législation conciliaire et des statuts diocésains, l’ouvrage de Franz Schaub, Der Kampf gegen den Zinswucher, ungerechten Preis und unlauiern Handel im Mittelalter, von Karl dem Grossen bis Papst Ale.vander III., Fribourg-en-B., 1905, p. 61 sq., vieilli sur des points de détail reste indispensable. La littérature religieuse des Xe et xie siècles est en plein accord avec les textes canoniques prohibant l’usure, Schaub, op. cil., p. 143-151, tandis que les pénitentiels exercent une influence indiscutable par les tarifications de la pénitence privée à infliger aux usuriers, en dépit d’un retour à la pénitence publique prôné dès le début du ixe siècle. G. Le Bras, art. Pénitentiels, t.xii, col. 1160-1179, É. Amann, L’époque carolingienne, p. 346 sq., et que les collections canoniques, qui méritent une place à part, surtout les collections chartraines, assurent la transmission des textes canoniques anciens complétés par les canons des conciles récents et les décrétales des papes, préparant la voie au Décret de Gratien. Fournier-Le Bras, Hist. des coll. can., t. ii, passim, surtout p. 54 sq.

A. Bernard.


II. LA DOCTRINE ECCLÉSIASTIQUE DE L’USURE A L’ÉPOQUE CLASSIQUE (XIIe -XVe SIÈCLE).

Toute la doctrine de l’usure, jusqu’au milieu du xiie siècle, se résume dans les deux condamnations légales que prononcèrent le concile de Nicée ej le pape saint Léon, dans les condamnations morales dont saint Ambroise et saint Augustin furent les meilleurs interprètes. La période des grands développements législatifs et scientifiques s’ouvre au lendemain de l’effervescence grégorienne pour s’illuminer au xiiie siècle. C’est alors qu’un pouvoir triomphant et des universités brillantes ont formulé puis expliqué des règles minutieuses.

Dans une Introduction, nous présenterons le milieu et les sources, du xiie au xve siècle. Aucun auteur n’ayant encore porté son attention sur tous les aspects de cet immense panorama, qui embrasse une grande part de l’économie et des sciences du Moyen Age, nous le décrirons avec soin, pour faciliter des recherches complètes. La théorie générale de l’usure fera l’objet d’une seconde partie, où nous envisagerons les problèmes fondamentaux qui concernent le délit et le péché. Si des problèmes permanents se posent, la liste des actes permis ou défendus a beaucoup varié : nous délimiterons le domaine historique de l’usure. Enfin, l’exposé des sanctions, elles aussi variables et complexes, fera la quatrième et dernière partie de notre esquisse.


I. Introduction : le milieu et les sources.
II. Théorie générale (col. 2347).
III. Domaine de l’usure (col. 2353).
IV. Sanctions de l’usure (col. 2365).

I. Introduction : le milieu et les sources.

Notre point de départ n’est pas arbitrairement choisi : aux alentours’de 1150, l’ère des solutions partielles et des purs florilèges se termine par des inventaires copieux. Éclatante est la disproportion entre l’actif que révèlent ces inventaires et les besoins d’un monde dont il nous faudra évoquer les transformations économiques et politiques. Aussi, la papauté multiplierat-elle ses interventions, ses décisions, fournissant aux canonistes et aux théologiens une abondante matière.

Nous étudierons successivement :
les bilans du xiie siècle ;
les transformations de l’Occident, de 1150 à 1500 ;
les sources juridiques et théologiques de cette période.

Bilans du XIIe siècle.

Pendant le premier millénaire, la condamnation de l’usure a été fondée sur les Écritures, par les conciles et les papes et par les Pères. La renaissance des études bibliques, canoniques et patristiques aboutit, au xiie siècle, à une série de bilans, d’allure très modeste, que résument la Glose ordinaire des Écritures, le Décret de Gratien et les Sentences de Pierre Lombard.

1. Glose des Écritures.

Ouvrages d’édification, composés sans grand souci de l’histoire ni du droit, les commentaires de la Bible, loin de dégager les principes légaux, les affaiblissent inévitablement. Leur abondance ne doit point nous illusionner sur leur richesse, qui vient d’être fort bien décrite et appréciée