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UNIVERSITÉS. DÉ V E L P P E M E N T S
« lu Collège et de l’université. Le Collège de France

s’oriente alors vers les recherches libres, autant que vers l’enseignement, et il trouvera dans cette nouvelle activité de beaux titres de gloire.

Les universités d’Angleterre à leur tour se laissent péiiélicr par le souille de la Renaissance ; c’est surtout par l’intermédiaire des Pays-Bas (Érasme) et de la France.

L’Allemagne entre dans le mouvement, non par le culte d’idées ou de méthodes importées (depuis longtemps elle cultivait la philosophie, la littérature et même la mythologie antique), mais plutôt par l’approfondissement des ressources de son terroir : langue, histoire, musique, sciences physiques et mathématiques. De nouvelles universités s’étaient fondées à la fin du siècle précédent, animées de l’esprit nouveau : Tubingue (t477), Trêves (1472), Ingolstadt (t472), Mayence (1477). Mais, dès le début du xvie siècle, on peut discerner le sens de l’évolution que suivront désormais les universités allemandes. Trouvant en face d’elle un État riche et puissant, qui tend à s’approprier toutes les activités pour asseoir son pouvoir, elles n’échapperont plus à l’absorption qui sera réalisée vingt ans plus tard. Les universités d’Allemagne sont en train de devenir des établissements d’État. La Réforme ne fera que confirmer et accentuer un fait déjà accompli.

De la Réforme elle-même naquirent plusieurs nouvelles fondations : Genève, création de Calvin (1559), Mai’bourg (1527), œuvre du landgrave de Hesse pour servir ses fins politiques : asservir l’Église à l’État suivant le principe cujus regio hujus religio ; Kônigsberg nuit sur les mêmes bases (1543), puis léna (t558), afin de « conserver le verbe de Dieu et la religion chrétienne », c’est-à-dire selon la confession d’Augsbourg et les articles de Smalkalde. Helmstàdt en 1574 est encore une fondation de la Réforme. Tout naturellement la plupart des universités allemandes existantes se rallièrent aux idées nouvelles. Seules Ingolstadt et Fribourg demeurèrent attachées à la foi romaine.

La Contre-réforme, qui devait opérer la vraie réforme, semble être partie d’Espagne. Cf. Stephen d’Irsay, op. cit., t. i, c. xiv, p. 331 sq. Les anciennes universités de Salamanque, Valence, Lérida, Barcelone en furent les foyers et les solides instruments. Des fondations nouvelles, comme Oviedo (1(504), mais surtout Alcala vinrent à la rescousse. Cette dernière, œuvre de Ximenès, fut sans doute la première à posséder un collège féminin, dirigé par des moniales ; elle eut aussi son hôpital et son Collège trilingue, au labeur duquel on doit la célèbre Bible polyglotte, publiée en un temps record (1514-1517). Ce fut en Espagne que la Renaissance se présenta le plus visiblement sous le double aspect classique et chrétien. On comprend l’appui que trouva l’Église dans les universités restées fidèles pour mener à bieiv sa tâche réformatrice.

La puissance de ces institutions apparut telle qu’on n’hésita pas à en créer de nouvelles dans les provinces atteintes par l’hérésie. Dillingen (1554) et Wurtzbourg en Bavière furent de ce nombre, et plus tard Salzbourg (1582). Hors de l’empire, signalons Vilna (1578) et Douai (1562), fondations nouvelles, ainsi que Pont-à-Mousson (1572), œuvre commune du duc et du cardinal de Lorraine réalisée par les jésuites, et qui fut un précieux instrument de conservation de la foi dans les provinces de l’Est. Quant à Louvain, elle demeura le bouclier de l’orthodoxie catholique dans les Pays-Bas.

Enfin, sur le continent américain, deux universités ne connurent pas les secousses de la Réforme : Mexico, qui ouvrit ses portes en 1553 et Lima, qui commença

ses cours en 1555 ; toutes deux sont de formule espagnole, Calquées sur Salamanque.

Lorsque fut passée la tourmente religieuse du xvie siècle, qui transforma souvent les universités en institutions de combat, ces établissements de hautsavoir revinrent à leur destination première, à savoir la vie paisible, orientée vers une activité scientifique désintéressée. C’est dans ce souci d’une culture approfondie qu’il faut chercher la transformation qui s’opéra en elles au xviie siècle. L’université moderne est née de là.

5. Les XVIIe et XVIIIe siècles. — Les fondations universitaires ne subissent pas d’arrêt dans la période de transition. Citons : Leyde (1574), Franken (1583), Groningue (1614), Utrecht (1630) et Amsterdam (1621 1. En Irlande apparaît Dublin (1591) et, en Ecosse, Edimbourg, dont l’essort date de 1685 seulement ; ce sont deux universités protestantes. En Alsace, Strasbourg, issue d’une académie célèbre, est élevée au rang d’université en 1621 ; malheureusement la guerre de Trente ans vint arrêter son essor prometteur.

Durant cette période néfaste, les universités allemandes furent durement frappées, soit les anciennes, soit les nouvelles, comme Altdorf, Herborn, Rintelen, Bamberg (toutes supprimées d’ailleurs sous Napoléon ) et Giessen, qui subsiste encore. Ce fut, sinon la mort, du moins le sommeil pour beaucoup : Marbourg ne comptait plus que 27 étudiants en 1624, Prague 25. Seules Ingolstadt (catholique) et Heidelberg (protestante ) résistent..Mais la vie intellectuelle y est paralysée.

Cependant c’est à cette époque de misère et de ruines matérielles que se dessinent et s’affirment de nobles idées et des conceptions nouvelles sur le droit des gens et les fondements d’un ordre international. Les universités ne demeurèrent pas étrangères ni indifférentes aux théories émises par un Vitoria ou un Suarez en Espagne, un Cujas à Paris et un Gentili en Italie, puis a Oxford. Le plus illustre de tous ces penseurs semble avoir été le Hollandais Grotius avec sa théorie du « droit des gens ».

Pendant ce temps, en Allemagne, le mouvement piétiste, préconisé par Spener et Franke, trouve son moyen d’expression et d’expansion dans la nouvelle université de Halle (1694). Outre sa faculté de théologie (protestante), la nouvelle fondation se rendit célèbre par ses écoles de droit et de science politique. C’est chez elle que fut créée la première chaire de science économique du monde (1729).

Tandis que les universités de Leyde, Vienne et Edimbourg, par leurs recherches médicales pratiques et leurs expériences anatomiques, s’orientent vers l’utilitarisme et le matérialisme, une nouvelle université se fonde à Gœttingue (1737) sur des formules un peu nouvelles. Entièrement soumise à l’État, bien rentée, elle visait à un double but : distribuer des connaissances pratiques et immédiatement utilisables dans le domaine professionnel, administratif et politique, et, en même temps, poursuivre des recherches libres et désintéressées. Pour ce faire, elle eut à sa disposition une des plus belles bibliothèques de l’époque. Cette formule marque une étape décisive dans la formation de l’université moderne.

Déjà, en effet, nous sommes entrés dans le siècle de Newton et de Locke, l’âge de l’expérience physique et de la mécanique, l’époque de l’empirisme et du rationalisme. Dans l’Europe entière, en dépit des réactions en faveur de l’indépendance des universités, l’opinion commune est que l’université est affaire d’État. C’était d’ailleurs une réalité dans beaucoup de centres, surtout au delà du Rhin. En France, ce sera l’œuvre de la Révolution.

Avant la grande secousse qui devait ébranler notre