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U N I V K R S I T E S. DEVELOPPEMENTS


et en influence, l’université devait exciter les appétits d’un pouvoir séculier inclinant vers l’absolutisme. Ne pouvait-elle cire employée à la poursuite tics desseins d’un maître ambitieux ? En l’ail, Philippe le Bel réclama son assistance dans ses démêlés avec le Saint-Siège. Au procès des templiers et aux Etats généraux qui statuèrent sur leur sort, les représentants de l’université étaient présents (1308). Kn 1317, elle est consultée au sujet de l’application de la loi salique : elle l’interprète en faveur de Philippe le Long, lui 1329, elle assiste au plaidoyer de Pierre de Cugnières en faveur de la liberté de l’État et contre les empiétements de la juridiction ecclésiastique. C’est autant pour reconnaître ses services que pour se concilier son influence, que Charles Y la décora du titre de « Fille aînée des rois » ; et en fait, elle prit officiellement, rang après les princes du sang dans les cérémonies. Ce n’est pas que le pouvoir politique ait exercé sur elle une véritable pression : elle s’en serait peut-être difficilement accommodée. Mais à ce moment, elle se laissa gagner par cet esprit collectif national dont l’évolution de la monarchie et la prise de conscience de la souveraineté n’étaient que des signes. De plus en plus elle tendit à être le reflet fidèle de cette opinion publique dont elle était un organe puissant. C’est ainsi que dans l’affaire du Grand Schisme, elle prit d’abord le parti d’Urbain VI, considéré par le peuple et le roi comme pontife légitime, et elle lui envoya des députés. Mais après l’élection de Clément VII, elle se déclara pour lui. Ainsi se trouva-t-elle engagée dans le parti des papes d’Avignon. Sous Charles VI, l’université de Paris était assez puissante pour adresser des remontrances au roi ; à sa mort, ce fut elle qui proclama la royauté d’Henri V d’Angleterre, au détriment du Dauphin. Plus tard, elle accepta la domination anglo-bourguignone « gage de paix ». De là son acharnement contre Jeanne d’Arc, à part un petit nombre de docteurs, dont Gerson. Plus tard encore, elle soutint les prétentions de Charles VII contre les papes, qui désiraient abolir la Pragmatique Sanction. En tout temps, et pour le motif sus-indiqué, elle défendit les « libertés gallicanes ». En revanche, son instinct de tradition et de catholicisme l’empêcha de prendre le parti de la Réforme. Elle soutint les Guises et alla jusqu’à délier les sujets du serment de fidélité, après l’assassinat de Blois. Ce n’est qu’après l’abjuration de Henri IV qu’elle lui fit sa soumission.

A partir du xviie siècle, l’université de Paris a perdu toute influence politique ; elle s’en désintéresse même et n’envoie pas de députés aux États de 1614. Cette réserve et ce désintéressement ne la sauva cependant pas de la tourmente révolutionnaire, laquelle n’épargna pas non plus les vieilles universités du royaume, considérées comme liées à l’Ancien Régime.

Les développements du mouvement universitaire.


Il nous reste à résumer l’évolution de ce mouvement tant en France qu’à l’étranger. Dans l’impossibilité de suivre les vicissitudes de chaque fondation, nous nous bornerons à esquisser les grandes lignes d’une histoire fort complexe.

1. La période des débuts.

Lorsque s’achevait le XIIIe siècle, qui fut l’âge des premières fondations, la France possédait trois universités : Paris, dont nous avons raconté les origines, Toulouse, dont l’acte d’érection remonte à 1229, et Montpellier, dont l’acte de naissance est la bulle Quia sapientiæ de 1289. La plus originale est certainement Toulouse, qui n’est pas une fondation née de la rencontre de circonstances favorables ou de hasards heureux, mais un établissement artificiel, issu d’une volonté délibérée et d’un plan concerté : la volonté de posséder, dans une région infestée par l’hérésie, une institution capable de combattre l’erreur et de poursuivre l’étude de la

théologie et des arts. Raymond VII, comte de Toulouse, et saint Louis furent les mécènes de cette entreprise qui, sous leurs auspices, fut menée à bonne fin.

A la même époque l’Angleterre se glorifiait d’Oxford et de Cambridge, les deux seules universités qu’elle possédera jusqu’au siècle dernier. Toutes deux s’étaient formées spontanément par le jeu des groupements scolaires, de ces « collèges » qui sont aujourd’hui encore la pièce maîtresse des anciennes universités d’outre-Manche.

L’Italie nous offre les premiers exemples de ces universités fondées par la grâce d’un bienfaiteur (ex privilegio, et non pas ex consuetudine, comme étaient la plupart des fondations du xiii c siècle). Naples était née de la volonté de Frédéric II d’Allemagne (1224), soucieux de doter ses États de Sicile d’un établissement de hautes études, attentif aussi peut-être à ne pas laisser ses sujets fréquenter l’université de Bologne, passée au camp des Guelfes. C’est aussi (à part l’éphémère Palencia) le premier établissement d’État, formule appelée à un grand succès dans la suite. Sur le moment elle en eut beaucoup moins. L’établissement, menacé de périr à peine né, fut sauvé par une réforme en 1234.

La péninsule ibérique offre à cette époque quatre universités : une en Portugal, Coïmbre, association spontanée issue des écoles épiscopales. Le siège du studium oscilla jusqu’en 1537 entre cette ville et Lisbonne, où l’université fut transférée définitivement à cette date. En Espagne, la plus ancienne était Palencia (1212), fondation princière due au roi de Castille Alphonse VIII et qui n’eut qu’une existence éphémère. À la fin du xiiie siècle elle avait disparu. Salamanque l’avait éclipsée depuis longtemps ; ses premiers privilèges (royaux) datent de 1220 ; la confirmation pontificale lui fut donnée par Alexandre IV en 1254. Valladolid appartient également au xiiie siècle par sa fondation ; mais ses développements n’apparaissent qu’au siècle suivant.

2. Le XIVe siècle marque une ère nouvelle dans la vie des universités, comme aussi dans celle des autres institutions de l’Europe. C’est l’époque où s’élaborent les nationalités et où se consolide le pouvoir personnel des souverains. D’où tendance, pour les universités, à devenir des rouages d’État : les princes les prennent volontiers en charge quand ils ne les ont pas fondées. Malgré ces menaces d’asservissement, les fondations nouvelles conservent les caractères traditionnels : autonomie relative et rattachement à l’Église.

Deux fondations espagnoles : Lérida (1300) et Huesca (1354) n’eurent qu’une existence éphémère. On peut y joindre Perpignan (1379), qui appartenait à l’Aragon depuis 1349.

Mais l’événement saillant du siècle fut l’apparition d’universités sur les terres du Saint-Empire. La Bohême prit la tête du mouvement avec la fondation de Prague (1347), sur le modèle de Paris. On y note l’importance donnée à l’enseignement de la théologie et du droit canonique, ainsi que la présence de nombreux Slaves. Vienne eut son université de par la volonté de l’archiduc Rodolphe IV ; la bulle accordant les privilèges pontificaux est de 1365, mais l’autorisation d’ériger une faculté de théologie ne vint qu’en 1384.

Sur le sol allemand proprement dit, signalons Heidelberg (1386), fondée sur le modèle de Paris, Erfurt (1389) et Cologne (1388). Ces deux dernières devaient sombrer dans la tourmente napoléonienne. Mentionnons encore Cracovie (1364).

Toutes ces universités allemandes furent, au cours du xive siècle, secouées, plus violemment encore que Paris ou Oxford, par le vent du rationalisme. En