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UNIVERS ITES LES ORIGIN ES

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corporation que formèrent dès la fin du xir siècle les maîtres et élèves des écoles de Paris. Une décrétale

(l’Innocent III, vers l’année 1208, enjoignait à Ions les « docteurs en théologie, droit et arts libéraux », demeurant à Paris, de faire rentrer dans leur « association » un certain maître qu’ils en avaient exclu. En 1221, la dite corporation apparaît comme une personne morale constituée ; dans la charte de donation destinée aux frères prêcheurs, elle s’intitule Universités magistrorum et scholarium Parisiis commoranlium ; c’est une des grandes corporations médiévales de la capitale. Elle possède un sceau, qui lui fut, il est vrai, retiré en 1225, mais dont elle recouvra l’usage en 1246.

Cependant l’ensemble des cours continue à s’appeler studium ou studium générale, à cause de son universalité géographique et intellectuelle. Ce n’est que vers le milieu du XIIIe siècle (à Oxford dès 1252, à Paris en 1261) que le mot « université » prit le sens que nous lui donnons aujourd’hui, c’est-à-dire ensemble des sciences, universalité des connaissances. En fait, dès le premier quart du xiiie siècle, plusieurs cités se glorifiaient de posséder leur « université », c’est-à-dire un enseignement encyclopédique des diverses branches du savoir à cette époque : théologie, droit, médecine et arts.

Enfin, quand Napoléon, la Révolution passée, établit en France le monopole de l’enseignement, le mot Université (avec une majuscule) désigna chez nous, à partir de 1808, la hiérarchie des fonctionnaires, dirigeant ou distribuant officiellement le savoir au nom de l’État, dans les établissements primaires, secondaires ou supérieurs. Employé sans antonomase, au singulier ou au pluriel, le terme est réservé aux établissements de culture supérieure dont nous parlerons seulement ici.

Les origines.

C’est bien au xiie siècle qu’il faut

placer le berceau des universités. L’histoire a, depuis longtemps, fait litière des légendes pompeuses dont on s’était plu à entourer les origines de l’université de Paris. C’était jadis un dogme que Charlemagne en avait été le fondateur : « La commune opinion, écrit Pasquier au xvie siècle, va à l’empereur Charlemagne, et de croire le contraire, c’est estre hérétique en histoire. » Recherches sur la France, Paris, 1665, t. IX, c. m. Le savant jésuite Chopin, de la même époque (1537-1606), n’avait pas une opinion différente. Et, un siècle plus tard, Crevier, dans son Histoire de l’université de Paris, fait remonter à Alcuin la restauration des lettres dans l’empire franc, ce qui est partiellement vrai ; mais tout cela n’a que des rapports très lointains avec les origines des universités. Dès le xive siècle, des maîtres de l’illustre corporation comme Pierre d’Ailly et Gerson, n’avaient-ils pas essayé de la rattacher aux écoles des Égyptiens ? Simon de Cramaud préférait remonter aux écoles d’Athènes. D’autres racontaient couramment que « le roy Charlemagne l’amena de Rome à Paris ».

Sous ce fatras de fantaisie, il y a cependant une vérité sous-jacente. Les écoles hellénistiques de Pergame, Édesse ou Antioche, Athènes ou Alexandrie, tout comme les écoles impériales de Rome, de Gaule ou d’Afrique, furent des foyers de science dont les superstructures s’effondrèrent, mais dont les bases fournirent les matériaux à une culture renouvelée. Il serait trop long de suivre les péripéties de la lente évolution qui fit passer les parties saines -et incorruptibles du savoir antique dans nos connaissances modernes. Signalons seulement, parmi ces matériaux de choix, les « arts libéraux » qui devinrent le fondement des études universitaires, presque jusqu’à nos jours. El au nombre des organes de conservation et de transmission de ce patrimoine sacré, signalons au

passage les écoles épiscopales et monastiques du haut Moyen Age. Les universités ne sont que l’aboutissement direct de l’évolution des premières.

Cependant, note très justement Stephen d’irsay, « tout en ayant conservé et incorporé dans leur sein la précieuse tradition du monde antique, les universités représentent dès leur naissance, quelque chose d’absolument nouveau, aussi nouveau que le plain-chant et la polyphonie, que les cathédrales romanes et gothiques, que l’Église chrétienne elle-même qui a créé ces grandeurs de notre monde occidental… À partir du xiie siècle, le monde intellectuel changea foncièrement de caractère ; la raison, jusqu’alors servante d’une élite, commença son règne ». Hist. des universités, t. i, p. 3. De cette conquête pacifique de la pensée humaine, les universités furent de merveilleux instruments.

Comment expliquer leur éclosion au xiie siècle ? Par les circonstances qui favorisèrent leur formation et leur développement. D’une part l’extension du mouvement corporatif qui groupa dans un même collège des hommes animés des mêmes ambitions et poursuivant un même but ; maîtres et élèves s’unirent dans un même amour de la science et de la vérité. Ils trouvaient précisément à cette heure un fonds de connaissances de tout ordre que les siècles avaient accumulé comme pour eux. Dès qu’un homme de talent ou de renom surgissait pour canaliser les volontés et donner corps aux aspirations générales, une université se formait. Et si quelque mécène ou protecteur se trouvait là pour épauler l’ellort commun, les résultats étaient merveilleux. L’Église ne fut pas la dernière à bénir et à encourager le mouvement naissant. Si l’État ou les simples particuliers voyaient dans les universités un instrument propre à préparer les citoyens aux grandes carrières indispensables à la société, l’Église, elle, nourrissait la noble ambition de former, par ce moyen, une élite capable de mieux servir Dieu et la Cité. C’était vraiment une révolution toute pacifique qui s’opérait. L’antiquité n’avait guère cultivé les arts que pour eux-mêmes ; ils étaient le but même des études et des recherches. Au Moyen Age. les arts libéraux serviront surtout à la préparation des professions savantes : théologiens, légistes, canonistes, médecins, qui formeront l’armature de la société chrétienne en construction.

Il n’est pas possible de dater de façon précise l’acte de naissance des universités. Leur naissance n’est d’ailleurs pas due à une décision de l’autorité civile ou ecclésiastique. Elles se sont constituées organiquement elles-mêmes, soit par le groupement de plusieurs écoles, soit par l’élévation d’une école particulière en raison du succès obtenu par l’enseignement d’un maître en renom. L’école (schola) prenait alors le nom de studium. Mais l’affiuence même des disciples et la multiplication du nombre des maîtres devenaient des causes de confusion et des occasions de désordre.

C’est alors que, pour obvier à ces inconvénients, l’école se constitua en compagnie ou corporation, qui imposait une discipline commune et des devoirs réciproques aux maîtres et aux étudiants. Le même résultat fut obtenu lorsqu’une corporation, soit de maîtres, soit d’élèves prenait en charge l’école. Celle-ci échangeait alors son nom de studium contre celui d’ « université », synonyme de corporation. À quelle date s’opéra cette évolution ? Il n’est guère possible de le préciser. On peut dire cependant que cette transformation s’effectua au cours du xiie siècle. Paris, Bologne, Montpellier, Orléans, Oxford et Coïmbre remontent jusqu’à cette époque par leurs essais tâtonnants. Mais c’est seulement au xiiie siècle que l’institution acquit sa puissance et son organisation autonome et s’épa-