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    1. UNITE DE L’EGLISE##


UNITE DE L’EGLISE. THEOLOGIE CATHOLIQUE

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de foi et de chef nécessaire à la véritable Église. Discours » >, édit. d’Annecy, l r part., c. iii, a. 1-4, t. i, p. 84 sq. Voir ici, t. vi, col. 739. De son côté Bécan utilise doublement la note d’unité. Tout d’abord, à l’indéfectibilité de l’Église romaine dans la foi reçue des apôtres, il oppose les défections des calvinistes et leurs divergences par rapport à la foi de la primitive Église, Ensuite, à l’unité de l’Église du Christ sommairement affirmée, il oppose les variations et les divergences des Églises protestantes, notamment en matière de foi, dans le canon des Écritures et les rites des sacrements. Voir Opusculu, Paris, 1642, De Ecclesia romana, concl. viii, avec les explications qui suivent ; De Ecclesia Christi, q. i, concl. ii, n. 13 ; q. iii, concl. i, n. 264. Voir aussi Coeffeteau, Sacra monarchia ecclesiaslica, Paris, 1623. À la fin du xvie siècle, saint Laurent de Brindes apporta son tribut à la controverse. Voir P. Constantin de Plogonnec, L’apologie de l’Église par saint Laurent de Brindes, Paris, 1936 (2e section, 3e dissertation).

b) Du Perron. — Avant que Jurieu ne donnât aux « articles fondamentaux » le relief que l’on dira plus loin, col. 2218, l’idée de « l’indifférentisme » doctrinal avait été déjà lancée par des théoriciens du protestantisme et avait provoqué des répliques du côté catholique. Le roi Jacques d’Angleterre avait imaginé l’Église du Christ sur le type d’une confédération de sociétés religieuses s’accordant sur un minimum de croyances. Le cardinal Du Perron réfute cette théorie, contraire à l’unité de foi. Réplique à la response du sérénissime roy de la Grande Bretagne, Paris, 1622, c. ix, p. 474 sq. Les Églises qui sont séparées de l’Église romaine ne méritent pas le nom d’Église ; seule l’Église romaine détient la vraie foi et est la vraie Église du Christ.

c) F. Véron. — Un autre bon livre de controverse sur le même sujet (et, en général, sur tous les points discutés par le protestantisme) est Le corps du droit controversé, de François Veron, Paris, 1638, en trois parties avec paginations spéciales. De la seconde partie (débutant à la p. 193) la première controverse (p. 193-268) est une réfutation de 1’ « indifférence de religion à salut », préconisée par les calvinistes au synode national de Charenton (1631), indifférence destructrice de toute unité de foi. On y réfute l’Apologie de Daillé, le Bouclier de Du Moulin, la doctrine des « points fondamentaux » déjà préconisée par De Dominis et le synode de Dordrecht, etc. La deuxième controverse (p. 269-374) étudie les marques de la véritable Église. Après avoir exposé, d’après les confessions hérétiques, quelles sont ces marques, l’auteur entreprend sa réfutation d’après la doctrine et les méthodes de saint Augustin. Acceptant la classification bellarminienne des marques de l’Église, Véron expose la doctrine de l’unité (p. 335) à propos de la septième note : l’union en l’Église visible et surtout l’union dans la foi.

d) Les Wallenbourg. — En Allemagne, les frères Adrien († 1669) et Pierre († 1675) Wallenbourg ont exposé l’argument de l’unité dans leurs Controverses, tract. IX, De unitale Ecclesiæ. Par l’unité de foi, les membres de l’Église, corps du Christ, sont unis à leur chef, Jésus-Christ ; par l’unité de charité, ils sont unis entre eux ; par l’obéissance, ils réalisent l’unité de gouvernement dans la soumission aux pasteurs légitimes. L’hérésie brise l’unité de foi ; le schisme brise l’unité de communion ; le schisme et l’hérésie brisent l’unité réalisée par l’obéissance. C. i. La comparaison du corps (Eph., iv) est reprise, pour montrer quel malheur cause le schisme en brisant l’unité du corps mystique. C. iv. Aucune cause, si grave soit-elle, ne saurait légitimer le schisme. C. v-vi. D’une part, les protestants confessent s’être séparés

de l’unité de l’Église, c. x ; ils n’en avaient pas le droit, ni quant à l’unité de la foi, c. xviii, ni quant à l’unité de la communion. C. xxiii. D’autre part, il est facile de trouver l’Église qui a gardé l’unité : il suffit de suivre la voie indiquée par Tertullien, chercher qui nous a transmis la discipline et la foi du Christ. Or, les catholiques montrent que leur discipline et leur foi viennent des apôtres, donc du Christ, c. xxviii. Dans Migne, Cursus theol., t. i, col. 1223 sq.

e) icole. — Toutes ces controverses étaient excellentes. Quand parut le Yray système de l’Église de Jurieu, il fallut néanmoins faire mieux. Ce fut Nicole qui s’en chargea dans son traité, De l’unité de V Église ou Réfutation du nouveau système de M. Jurieu, Paris, 1687 (Bruxelles, 1734). Trois groupes de citations patristiques sont ici rassemblés ; les deux premiers fixent le sens traditionnel des mots « Église » et « Église catholique » ; et le troisième en précise l’idée indépendamment des termes qui l’expriment.

Dans son sens traditionnel, le mot Église sans addition désigne une société d’où sont exclus hérétiques et schismatiques. Or, il y a identité de signification entre « Église » et « Église catholique » ; la formule « Église catholique » a toujours été prise dans un sens exclusif de l’hérésie. Enfin, les Pères ne se sont pas contentés de prendre les formules « Église », « Église catholique » dans un sens exclusif de l’hérésie ou du schisme, ils ont mis formellement hors de l’Église tous ceux qui rejetaient quelque dogme. Cette triple assertion est corroborée par de nombreux textes patristiques. Mais Nicole ne se contente pas de montrer que l’unité de foi et de communion à la chaire de Pierre est à la base de la véritable Église et ne saurait s’accommoder de l’hérésie ou du schisme, il réfute quelques arguments allégués par Jurieu pour étayer sa théorie de l’Église-confédération : « Le schisme des dix tribus auquel de saints prophètes eux-mêmes avaient pris part ; la conduite libérale et pleine de condescendance tenue par les apôtres à l’égard des judaïsants ; le texte de saint Paul où nous lisons que certains prédicateurs bâtissent sur le fondement qui est le Christ un édifice de bois, de foin, de paille, qui sera brûlé pendant qu’eux seront sauvés quasi per ignem ; un texte de saint Jérôme qui semblait mettre les hérétiques dans l’Église. Ils se réclamaient surtout du spectacle fourni par l’histoire de l’Église. Il rappelait que l’Église avait été en proie à des schismes sans que son unité en fût altérée ; d’où il concluait que l’unité de communion n’est pas essentielle à l’unité de l’Église. Il prétendait même trouver dans l’Écriture des règles pour discerner les articles qui étaient fondamentaux et ceux qui ne l’étaient pas. » Cf. J. Tunnel, Histoire de la théologie positive, t. ii, Paris, 1906, p. 130-131.

Les réponses de Nicole, cf. Turmel, op. cit., p. 131132, en ce qui concerne les faits opposés à l’unité de communion, n’ont pas toutes la même valeur. Sur la question des articles fondamentaux Nicole triomphe aisément, car la distinction entre les articles fondamentaux et non fondamentaux a été totalement inconnue aux anciens conciles, qui d’ailleurs ont condamné maintes doctrines réputées par Jurieu non fondamentales. Cette distinction de plus est étrangère à l’Écriture et les règles invoquées par Jurieu pour faire le tri entre articles et articles ne reposent que sur le caprice du ministre protestant.

Dans les dernières années du xviie siècle, Jacques Basnage reprit en la modifiant quelque peu la thèse de Jurieu, dans son Histoire de la religion des Églises réformées, 2 vol., Rotterdam, 1690 ; et plus tard, l’allemand Mosheim se fit le continuateur de Basnage, Commentaria de rébus christianorum ante Conslanlinum magnum, Leipzig, 1753. On verra plus loin que le protestantisme moderne s’est écarté de plus en plus de la notion traditionnelle de l’unité.