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1593 TRINITÉ. L’ENSEIGNEMENT DE PAUL 1594


d’un sceau en nous donnant les arrhes de l’Esprit. » II Cor., i, 21-22. Le sceau dont il s’agit n’est pas celui du baptême, mais celui du ministère apostolique : c’est Dieu qui en a marqué Paul et, sans doute avec lui, ses compagnons de travail. Ce sceau n’est autre que l’Esprit lui-même, dont les grâces remplissent le cœur des ouvriers apostoliques et qui ne cesse pas de se manifester par toutes sortes de charismes. Enfin, Dieu fortifie ses apôtres dans le Christ, ou plus exactement en les dirigeant vers le Christ, eîs Xpiston, comme vers le but de leur activité. Nul n’est apôtre s’il n’est choisi et conduit par le Père, s’il n’est fortifié par l’Esprit ; s’il ne s’oriente vers le Christ.

La pensée de saint Paul se résume finalement et s’exprime tout entière dans l’épître aux Éphésiens : « Il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés par votre vocation à une seule espérance. Il n’y a qu’un Seigneur, une foi, un baptême. Il n’y a qu’un Dieu et Père de tous, qui est au dessus de tous, qui agit par tous et demeure en tous. » Eph., iv, 4-6. Nous sommes d’abord frappés, en lisant ce texte, par l’affirmation de l’unité qui le domine. Saint Paul parle ici du corps mystique du Christ, de l’Église, qui est unique : on sait que c’est un de ses thèmes préférés et que rien ne lui tient tant à cœur que l’union des fidèles. Cette union doit prendre son exemple et son modèle dans l’unité même de Dieu. Il n’y a qu’un Dieu ; il ne doit y avoir qu’un corps. Il n’y a aussi qu’un seul Seigneur, en qui nous croyons, en qui nous avons été baptisés. Et il n’y a qu’un Esprit, qui rattache les uns aux autres tous les membres du corps et les pénètre de sa vie. Il est vrai que « pneuma peut signifier, non la personne même du Saint-Esprit, mais l’effet produit par lui, la concorde des âmes chrétiennes dans l’unité de la foi et de la charité : avec cette dernière interprétation, l’Esprit-Saint ne serait désigné qu’indirectement, dans l’un de ses dons. Il nous paraît plus satisfaisant d’appliquer directement l’expression en pneuma au Saint-Esprit, âme du corps mystique. Ou, comme dit Swete, en résumant subtilement les deux interprétations, si le premier sens, communauté de pensée et de sentiments, d’intérêt et de vie, est inclus dans ces mots : un seul esprit, on passe insensiblement au second, l’Esprit divin par lequel cette communauté est obtenue : l’unique Esprit du t. 4 ne peut être séparé de l’unique Seigneur et de l’unique Dieu et Père du ꝟ. 5. Considéré dans les rapports avec le seul corps, c’est l’esprit de l’Église ; mais il se tient aussi en relations avec le Christ et avec Dieu, et c’est l’Esprit même des deux. » J. Huby, Saint Paul, Les épîtres de la captivité, Paris, 1935, p. 198.

Ainsi se présente, dans une parfaite cohérence, la doctrine trinitaire de saint Paul. Homme d’action apostolique, chargé d’évangéliser aux nations la grandeur du mystère du Christ, Paul ne se préoccupe pas de scruter les profondeurs de la vie divine dont il dit lui même : O altitudo diviliarum sapientiee et scienliæ D$l quam incomprehensibilia sunt judicia cjus et investigabiles vise ejusl Rom., xi, 33-34. Nul, ici bas, ne peut connaître Dieu tel qu’il est. Il est donc inutile de chercher à approfondir les secrets que l’œil de l’homme n’a pas contemplés, que son oreille n’a pas entendus. Par contre, il est essentiel, pour le croyant, de voir quelles sont ses relations avec Dieu, et comment celui-ci lui accorde le salut : ici, nous avons affaire à notre vie, à notre âme, puisque, dès lors que nous sommes des sauvés, ce n’est plus nous qui vivons, mais le Christ qui vit en nous et, avec le Christ, le l’ère et l’Esprit Saint qui prennent aussi possession de nos âmes. Sur la vie divine en nous, Paul est intarissable ; et nous voyons bien que, pour lui, cette vie est l’œuvre de la Trinité tout entière. Purifiés, sanctifiés, justifiés, nous sommes tout cela ; et c’est au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et dans l’Esprit de notre Dieu, que nous le sommes.

5° L’épître aux Hébreux. —

Dès l’antiquité, on avait été frappé de la différence qu’il y a entre l’épître aux Hébreux et les autres lettres de saint Paul : « Si je donnais mon avis, écrivait Origène, je dirais que les pensées sont des pensées de l’Apôtre, mais la phrase et la composition sont de quelqu’un qui rapporte les enseignements de l’Apôtre et pour ainsi dire d’un écolier qui écrit les choses dites par le maître. Si donc quelque Église regarde cette épître comme de Paul, qu’elle en soit félicitée ; car ce n’est pas au hasard que les anciens l’ont transmise sous le nom de Paul. Mais qui a rédigé la lettre ? Dieu sait la vérité. » Cité par Eusèbe, Hist. eccles., VI, xxv, 13-14. On ne saurait mieux dire, et l’on comprend sans peine que nous traitions à part de l’épître aux Hébreux.

A vrai dire, il ne faut pas s’attendre à trouver ici une doctrine complète de la Trinité : l’Esprit-Saint n’est mentionné qu’en de rares passages, soit pour rappeler son action dans l’âme des fidèles, Heb., ii, 4 ; vi, 4 ; x, 29 ; soit pour lui attribuer les oracles de l’Ancien Testament, Heb., iii, 7 ; ix, 8 ; x, 15. C’est que l’auteur ne s’intéresse pour ainsi dire pas aux merveilles de la justification et qu’il n’a pas ainsi l’occasion de décrire dans ses détails l’œuvre propre de l’Esprit.

Par contre, il y a dans l’épître aux Hébreux de très hauts enseignements sur le Christ préexistant et l’on peut dire que, par là, cet écrit sert en quelque sorte à préparer la lecture de l’évangile de saint Jean. Dès le début, la mission du Sauveur est replacée au centre de l’histoire : « Après avoir, par bien des manifestations partielles et diverses, parlé jadis à nos pères par les prophètes, Dieu, à la fin des temps, nous a parlé par son Fils : c’est lui qu’il a fait l’héritier de tout ; c’est par lui qu’il a créé les mondes. C’est lui qui, étant le rayonnement de sa gloire et l’empreinte de sa substance, soutenant l’univers par la parole de sa puissance, a expié nos fautes et s’est assis à la droite de la majesté, au haut des cieux, étant devenu supérieur aux anges, d’autant que le nom qu’il a reçu en héritage est plus grand que le leur. Car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit : « Tu es mon Fils ; je t’ai engendré « aujourd’hui ? » Heb., i, 1-5.

Ce début a quelque chose de surprenant : d’une part, nous y retrouvons des expressions qui nous sont familières. Il suffit de le comparer avec les premiers versets de l’épître aux Colossiens pour nous en persuader ; d’autre part, tandis que saint Paul insiste sur les relations du Christ avec les fidèles, l’épître aux Hébreux ne contemple guère le Seigneur que dans son éternité ; et au nom de Christ, elle substitue celui de Fils qu’elle emploie d’une manière absolue.

Le Fils est le rayonnement de la gloire de Dieu et l’empreinte de sa substance, comme, dans le livre de la Sagesse, vii, 26, la Sagesse était le rayonnement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu et l’image de sa bonté. De telles expressions mettent dans leur plein relief l’unité de nature du Père et du Fils, leur consubstantialité, comme on dira plus tard ; mais elles ne sont pas très claires sur la personnalité du Fils et l’on devra plus tard les compléter par d’autres pour mettre en relief toute la richesse de l’enseignement chrétien.

Le mot Fils, a lui seul, est déjà plus compréhensif. L’auteur de l’épître en exprime le sens lorsqu’il montre le Fils supérieur aux prophètes et à tous les anges, trônant dès l’éternité à côté de Dieu. I.e 1 i i I unique : rien ni personne ne saurait lui être comparé. Il est éternel, n’ayant ni commencement de jours, ni ternie de sa vie. Heb., vii, 3. Il est l’auxiliaire de la