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UNIG I. NITUS (BULLE). PROP. 68-71


nos péchés et pour apaiser la justice de Dieu contre nos péchés.

Les huit propositions (60-67) de Quesnel sur la crainte l’ont injure à Dieu et au Saint-Esprit, elles détournent l’homme de la crainte des jugements de Dieu que Jésus-Christ a recommandée comme un moyen de salut. Pour bien comprendre le sens des condamnations portées par l'Église contre ces huit propositions, il faut faire quelques remarques, en particulier, que les propositions de Quesnel sont générales et absolues, et, d’autre part, établir quelques distinctions essentielles.

1. La crainte humaine et mondaine peut détourner de Dieu et porter au péché par la considération des maux dont les hommes menacent ; cette crainte est alors mauvaise, car elle place la fin de l’homme dans les avantages temporels, dont elle redoute la perte. Elle est une forme du respect humain.

2. La crainte servile redoute les peines et les châtiments dont Dieu punit les pécheurs, et tout particulièrement les peines de l’enfer. Cette crainte, en ellemême, est bonne et louable, bien qu’elle soit imparfaite dans son motif. Dieu s’en sert chez certaines âmes pour préparer les voies à la justice et amener la charité dans le cœur. Conc. de Trente, sess. vi, can. 8 et sess. xiv, c. iv et can. 5 ; prop. 61-64 de Quesnel.

3. La crainte servilement servile regarde le châtiment comme le souverain mal, en sorte qu’elle redoute plus d'être punie que d’offenser Dieu. On serait disposé à faire le mal, si on pouvait le faire sans être puni et on n'évite le péché que par crainte de l’enfer ; on s’abstient extérieurement de la faute, en regrettant que cette faute entraîne un châtiment et on conserve intérieurement le désir de faire le mal, que l’on ferait, si on pouvait éviter le châtiment. Cette crainte est évidemment mauvaise et les thèses de Quesnel ne s’appliquent qu'à cette crainte. Cette servilité, qui la rend mauvaise, n’est point essentielle à la crainte, et elle a sa source dans les mauvaises dispositions du sujet.

4. La crainte filiale est jointe à l’amour de Dieu et elle a plusieurs degrés suivant les degrés de l’amour de Dieu ; elle se perfectionne à mesure que l’amour de Dieu grandit dans l'âme. Au ciel, cette crainte disparaîtra tout à fait pour faire place à la charité parfaite, sans aucun mélange de crainte.

Bref, la crainte proprement dite fait craindre ce qui mérite d'être craint et elle est parfaitement raisonnable ; elle est un don de Dieu ; elle est sainte et salutaire, car elle prépare au repentir de la faute et elle conduit à la charité. La crainte empêche d’abord de pécher, à cause des justes châtiments que Dieu inflige au péché et elle amène à comprendre la malice du péché et la gravité du péché par la gravité des châtiments qu’un Dieu, juste et bon, lui inflige ; elle arrête la main et ensuite elle change le cœur, en détournant le consentement de la volonté au mal, dont elle fait connaître la malice.

68. Dei bonitas ubbrevia- 68. Quelle bonté de Dieu vit viam salutis claudendo d’avoir ainsi abrégé la voie totum in fide et precibus. du salut, en renfermant tout

dans la foi et dans la prière !

Act., ii, 21, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition ramène la pratique de toutes les vertus chrétiennes et de toutes les bonnes œuvres à la foi et à la prière, comme Luther ramenait tout à la foi justifiante. Mais alors l’observation des autres commandements est superflue. Les jansénistes ont dit que la foi est la source de toutes les vertus et la prière, la source de toutes les grâces, et, par conséquent, de toutes les bonnes œuvres, mais cela n’est pas indiqué dans le texte condamné de Quesnel. De ce texte, il serait facile de tirer des conséquences

toutes protestantes. Pour se sauver, il suffit de croire et de demander la grâce par la prière, donc l’effort personnel pour seconder la grâce est inutile, tout comme les bonnes œuvres elles-mêmes : c’est la thèse protestante. La doctrine catholique est plus précise : la grâce est le principe et la source de tous les mérites ; la foi et la prière sont les moyens pour obtenir la grâce, mais la voie du salut n’est pas dans ces seuls moyens : notre coopération libre est nécessaire pour réaliser les bonnes œuvres, lesquelles seules méritent la vie éternelle.

69. Fides, usus, augmen- 69. La foi, l’usage, l’actum et præmium fidei, to-croissement et la récompense tum est donum puræ libe-de la foi ; tout est un don de ralitatis Dei. votre pure libéralité. Marc,

ix, 22, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition est fausse ; elle reproduit la proposition 8 de Baius et elle avait déjà été condamnée par le concile de Trente, sess. vi, can. 32. Divers mérites ne sont pas seulement des dons de Dieu ; sans doute, tout nous vient de Dieu, nos mérites euxmêmes, parce qu’ils supposent la grâce, don de Dieu, mais il faut aussi notre coopération ; par suite, la récompense que Dieu nous donne n’est pas un don de la pure libéralité de Dieu. L’usage libre que le juste fait de la grâce mérite l’accroissement de cette grâce et la vie éternelle. Dieu ne nous doit nullement la foi et la grâce, mais, si le juste fait un bon usage de ces dons, il a droit à une récompense. L’homme justifié mérite véritablement, par les bonnes œuvres qu’il fait avec la grâce de Dieu, l’augmentation de la grâce. La proposition de Quesnel aurait pu être acceptée, mais sans le mot pure libéralité.

70. Nunquam Deus aflli- 70. Dieu n’afflige jamais git innocentes ; et afflictiones des innocents ; et les afflicsemper serviunt, vel ad tions servent toujours ou à puniendum peccatum, vel punir, ou à purifier le péad purificandum peccato-cheur. Joa., ix, 3, éd. 1693 rem. et 1699.

Cette proposition découle de la thèse fondamentale des jansénistes, à savoir que les peines et les misères de cette vie ne sont et ne peuvent être que les conséquences du péché originel ; elle réédite les propositions 72 et 73 de Baius ; elle est d’ailleurs en opposition avec les propositions 96 et 98 (voir col. 2122).

Dieu parfois afflige des innocents et les afflictions ne servent pas toujours à purifier les pécheurs et à punir le péché. Dieu le fait tantôt pour manifester sa gloire (aveugle-né de l'Évangile), tantôt pour notre instruction (Job), tantôt pour exercer la vertu et la perfectionner. Les atllictions du juste ne sont pas toujours des punitions du péché ; elles sont souvent des épreuves et des sources de mérites.

Souvent, en fait, les souffrances viennent du péché et servent à purifier les pécheurs, mais cela n’est pas toujours vrai ; il est donc faux que Dieu n’afflige jamais des innocents.

71. Homo ob sui conser- 71. L’homme peut se disvationem potest sese dis-penser, pour sa conservapensare ab ea lege, quam tion, d’une loi que Dieu a Deus condidit propter ejus faite pour son utilité. Marc, utilitatem. ii, 28, éd. 1693 et 1699.

L’auteur de La constitution avec des remarques, p. 13, dit qu’on peut, tout au plus, craindre qu’on abuse de cette proposition et qu’elle est véritable en elle-même, et, ajoute-t-il, il est uniquement question des lois positives, le sabbat, dont on peut être dispensé en certaines circonstances. En fait, le contexte de saint.Marc parle de la loi du sabbat, mais le texte de Quesnel est général et ne fait aucune distinction entre les lois positives et la loi naturelle, dont personne ne peut dispenser. De plus, seul, le supérieur peut légitimement dispenser d’une loi