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UNIGENITUS fBULLE). PROP. : j -4-.'ii)


mort de Jésus-Christ et dans ses mérites. Les saints appuient leur confiance dans la miséricorde et les promesses de Jésus, plutôt que dans le renoncement aux biens d’ici-bas. Bref, tous les hommes, même ceux qui sont encore attachés aux choses de la terre doivent avoir confiance en Jésus-Christ, qui nous a tous rachetés et veut tous nous sauver… Tous peuvent répéter les paroles de saint Paul : « Il m’a aimé et il s’est livré pour moi. »

34. Gratia Adami non pro- 34. La grâce d’Adam ne ducebat nisi mérita humana. produisait que des mérites

humains. Joa., i, 16, éd. de 1693 et de 1699.

La grâce accordée à Adam innocent était proportionnée à sa nature saine. C’est la première proposition de Baius, proposition fausse, car même chez Adam innocent, la grâce était gratuite et surnaturelle, par conséquent, les actes produits par-elle n'étaient pas seulement des mérites humains, puisqu’ils étaient faits avec une grâce toute divine. Les mérites que la grâce fait produire, même avec la coopération humaine, ne sont pas des mérites humains seulement, mais ils sont surnaturels, puisque la grâce surnaturelle en est le principe.

35. Gratia Adami est se- 35. La grâce d’Adam est quela creationis, et erat une suite de la création et débita naturæ sana ? et in- était due à la nature saine tegrae. et entière. II Cor., v, 21,

éd. 1693 et 1699.

Cette proposition reprend les thèses de Luther au c. m de la Genèse et la proposition 7 de Baius : La grâce était naturelle à Adam, comme la lumière aux yeux, écrit Luther ; elle constituait comme une sorte de dette à l'égard d’Adam et elle était due à la nature humaine, en ce sens que Dieu devait à sa sagesse et à sa justice de créer l’homme dans cet état de justice ; c’est pour cela, d’ailleurs, que les actes d’Adam innocent étaient dotés de mérites purement humains (prop. précédente).

C’est une doctrine formellement condamnée par l'Église ; on peut dire que la grâce convenait à la nature innocente, mais elle n'était pas due. Avant comme après le péché originel, la grâce, nécessaire pour le bien surnaturel, est gratuite et surnaturelle. Dieu aurait pu créer l’homme sans le destiner à une fin surnaturelle, sans lui donner la grâce ; dans ce cas, l’homme n’aurait pas été appelé au bonheur surnature], et n’aurait pas eu besoin de la grâce. Donc, la grâce n’est pas due à la nature humaine en elle-même, en conséquence de sa création.

36. Differentia essentialis 36. C’est une différence inter gratiam Adami et essentielle de la grâce status innocentise ac gra-d’Adam et de l'état d’innotiam christianam, est quod cence, d’avec la grâce chréprimam unusquisque in pro-tienne, que chacun aurait pria persona recepisset ; ista reçu la première en sa propre vero non recipitur, nisi in personne ; au lieu qu’on ne persona Jésus Christi res-reçoit celle-ci qu’en la persuscitati, cui nos uniti su-sonne de Jésus-Christ resmus. suscité à qui nous sommes

unis. Rom., vii, 4, éd. 1693 et 1699. « C’est en Jésus-Christ et par Jésus-Christ que nous recevons la grâce, au lieu qu’Adam la reçoit de Dieu, sans que personne ne la lui ait méritée », écrit l’auteur de La constitution Unigenitus avec des remarques, mais faut-il conclure que la grâce chrétienne n’est reçue que dans la personne de Jésus-Christ ? Si oui, il faut dire que la grâce nous est simplement imputée et c’est une thèse condamnée par le concile de Trente. Sess. vi, can. 11. Jésus nous a mérité la grâce par sa mort ; il est médiateur et source de la grâce ; mais cette grâce découle vraiment en nous,

nous la recevons en notre âme et non point en la personne de Jésus-Christ. La grâce chrétienne, comme la grâce d’Adam innocent, est une qualité divine, inhérente et infuse en notre âme ; nous sommes justifiés formellement par la justice inhérente en nous, et non point comme le prétend Luther, par une imputation de la justice qui est en la personne de JésusChrist.

37. Gratia Adami sanctificando illum in semetipso erat illi proportionata ; gratia christiana, nos sanctificando in Jesu Christo, est omnipotens et digna Filio Dei.

37. La grâce d’Adam le sanctifiant en lui-même, lui était proportionnée ; la grâce chrétienne nous sanctifiant en Jésus-Christ est toutepuissante et digne du Fils de Dieu. Eph., i, 6, éd. 1693 et 1699.

Cette proposition complète la précédente et contient la même erreur ; de plus, elle réédite la thèse de la proposition 35, à savoir que la grâce d’Adam était proportionnée à sa nature et lui était due. La grâce sanctifiante nous est imputée en la personne de JésusChrist ; elle ne nous est pas inhérente et, de plus, elle est toute-puissante, comme si tout était irrésistible dans les effets qu’elle produit en nous. Quesnel ajoute que la grâce chrétienne est digne du Fils de Dieu, mais la grâce d’Adam n'était-elle pas digne de Dieu ?

38. Peccator non est liber, 38. Le pécheur n’est libre nisi ad malum, sine gratia que pour le mal sans la liberatoris. grâce du libérateur. Luc,

vin, 29, éd. 1693 et 1699.

C’est la proposition 27 de Baius : liberum arbitrium, sine gratiæ Dei adjutorio, nonnisi ad peccandum valet. C’est le fond de la doctrine de Jansénius. L’homme pèche, dans toutes ses actions, s’il n’a pas la charité pour principe et pour motif ; or, sans la grâce du Libérateur, la charité ne saurait être le principe et le motif de nos actions. Seule, la grâce nous donne la liberté de faire le bien, parce que seule elle rompt les chaînes de la concupiscence. Sans la grâce, le pécheur ne peut que pécher. C’est une proposition hérétique, condamnée par le concile de Trente, sess. vi, can. 7, qu’on retrouve dans la proposition 35 de Baius : Omne quod agit peccator vel servus peccati, peccalum est.

39. Voluntas, quam gratia 39. La volonté que la non prævenit, nihil habet grâce ne prévient point luminis, nisi ad aberrandum ; n’a de lumière que pour ardoris nisi ad se præcipi-s'égarer, d’ardeur que pour tandum, virium nisi ad se se précipiter, de force que vulnerandum. Est capax pour se blesser : capable dé omnis mali et incapax ad tout mal et impuissante à omne bonum. tout bien. Matth., xx, 3,

éd. 1693 et 1699.

C’est la même erreur condamnée dans la proposition précédente et dans les propositions 27 et 35 de Baius et par le concile de Trente. Quesnel réédite la pensée exprimée par Jansénius, De statu naturae lapsee, t. IV, c. xviii : Ha peccato periit libertas arbitra, ut ante gratiam proprie diclam non sit liberum a peccato abstinerc ; proposition contraire à l’expérience, car l’homme peut faire quelque bien, sans la grâce proprement dite ; tous les actes des infidèles ne sont pas des péchés. Cela découle des propositions 7-15 condamnées par Alexandre VIII. Il est faux de dire que, sans la grâce prévenante, la libellé de faire le bien n’est plus parce que le péché a détruit la liberté. Contre cette thèse, le concile de Trente a défini qu’après la chute d’Adam, la liberté a été affaiblie, mais non point détruite ; les forces pour lutter contre le péché ont été diminuées, mais on peut encore lutter contre les tentations. La faiblesse du pécheur