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UNIGENITUS (BULLK). PROP. 29-33


D’après l’auteur de La constitution Unigenilus avec des remarques, p. 74, Quesnel aurait seulement voulu dire « que dans l’ordre de la justification et de la justice, c’est la rémission des péchés qui est la première grâce, laquelle est suivie, selon notre manière de concevoir, des habitudes infuses, et, après cela, des grâces qui font avancer et persévérer dans la vertu ». Cela est bien évident et revient à dire que la grâce sanctifiante est obtenue par le pardon des péchés ; mais Quesnel parle de la grâce en général, et alors la proposition est fausse, car les dispositions requises pour arriver à la justification sont des grâces actuelles, qui précèdent la justification par l’infusion de la grâce sanctifiante. Lorsque saint Augustin dans son Tract, in Joannem, écrit que la première grâce que reçoit le pécheur, c’est celle par laquelle ses péchés lui sont remis, il veut dire que la rémission des péchés précède la justification. Le concile de Trente, sess. vi, can. 3, dit qu’il faut une grâce prévenante pour se repentir, comme il faut obtenir de Dieu le pardon de ses fautes. La foi, l’espérance et d’autres dispositions précèdent la rémission des péchés et la justification.

29. Extra Ecclesiam, nulla 29. Hors do l'Église point conceditur gratia. de grâce. Luc, x, 35, éd.

1693 et 1699.

Cette proposition, dans sa généralité, est fausse. Ceux qui sont appelés à la foi, avant d’entrer dans l'Église, reçoivent des grâces actuelles, pour devenir membres de cette Eglise, puisqu’ils ne peuvent entrer dans l'Église que par le secours de la grâce. La proposition est même fausse en elle-même, s’il s’agit de la grâce sanctifiante, car il peut y avoir des justes qui ne faisant pas partie de l'Église extérieure, font néanmoins partie de l'âme de l'Église. Dieu accorde fies grâces aux infidèles, aux hérétiques, aux schismatiques. La proposition 5, condamnée par Alexandre VIII, le 7 décembre 1690, affirme implicitement que, hors de l'Église, il peut y avoir des grâces.

30. Omnes quos Deus vult 30. Tous ceux que Dieu salvare per Christum, sal-veut sauver par Jésusvantur infallibiliter. Christ, le sont infailliblement., loa„ vi, 40, éd. [693.

(.'est la 5e proposition de Jansénius. Seuls, les élus sont sauvés infailliblement par Dieu, qui ne veut pas sauver ceux qui se damnent. Quesnel reprend la pensée de.Jansénius : Dieu voulait véritablement sauver tous les hommes avant le péché d’Adam, en leur accordanl des grâces suffisantes, mais à la suite et eu punition du péché d’Adam, Dieu ne veut vraiment sauver que les seuls prédestinés ; dès lors. Dieu veut sauver, par Jésus-Christ et en vertu de sa médiation, les seuls élus qui sont infailliblement sauvés, et il ne seul pas sauver les réprouvés.

A la thèse de Quesnel il faut opposer la doctrine catholique : Dieu veut le salut de tous les fidèles ; il veut le salul des fidèles qui se damnent et il leur donne les moyens de se sauver. Lorsque l’homme pèche, sa volonté, par malice, s’oppose à la volonté formelle et posilie de Dieu, qui n’est pas accomplie par la seule faute de l' boni me. I)ieu ne cesse pas d'être

tout puissant, lorsque l’homme s’oppose à lui, car ce que l’homme fait par sa volonté libre, il ne le fait que par la permission de Dieu. Ce n’est point avilir

la majesté divine et donner de Dieu une idée fausse que de représenter Dieu comme désirant la conversion du pécheur, attendant son consentement et lui accordant des grâces pour rentrer dans l’ordre. Dieu veut le salut de tons les hommes d’une vraie volonté ; ce n’est pas une simple velléité, un désir, un mouvement de compassion et de pitié ; c’est une volonté Vraie et sincère. Il est f ; m de dire, d’une manière

absolue, que la volonté de Dieu est toujours accomplie, de telle sorte que les créatures libres ne peuvent pas résister à sa volonté. L’homme, par sa malice, peut s’opposer et résister à la volonté de Dieu, parce que Dieu lui a donné la liberté ; d’ailleurs, la punition qui attend la volonté rebelle, le fait rentrer dans l’ordre voulu de Dieu.

31. Desideria Christi som- 31. Les souhaits de Jésusper habent suum effectum, Christ ont toujours leur pacem intimo cordium in-effet : il porte la paix jusfert, quando eis illam optât, qu’au fond des cœurs, quand

il la leur désire. Joa., xx, 19, éd. 1693 et 1699.

D’après Quesnel, les souhaits de Jésus-Christ sont toujours accomplis, parce qu’il est tout-puissant ; il faut conclure que Jésus-Christ ne souhaite pas le salut des damnés et ne souhaite que le salut des élus ; il ne souhaite pas la paix à ceux qui n’en jouissent pas. Or cela est faux, car les souhaits de Jésus ne sont pas toujours réalisés, parce que la volonté libre de l’homme leur fait échec.

32. Jésus Christus se 32. Assujettissement voniorti trndidit ad liberandum lontaire, médicinal et divin pro semper suo sanguine de Jésus-Christ… de se primogenitos, id est, electos, livrer à la mort, afin de de manu angeli extermina-délivrer pour jamais par son toris. sang les aînés, c’est-à-dire,

les élus, de la main de l’ange exterminateur. Gal., iv, 4-7, éd. 1693 et 1699.

C’est tout à fait la 5e proposition de Jansénius. Jésus n’est mort que pour les prédestinés. Les disciples de Quesnel ont prétendu que la proposition n’est pas exclusive : Jésus a mérité même pour les réprouvés, mais seulement des grâces plus ou moins grandes, des grâces passagères, qui, en fait, ne rendaient pas le salut possible. Le commentateur de Quesnel, op. cit., p. 75, précise : « On doit convenir que Jésus-Christ n’a de volonté efficace et absolue de sauver que les prédestinés. Quoiqu’il soit mort pour d’autres que les prédestinés et qu’il ait offert son sang pour d’autres que pour les élus, cependant ce n’est point pour leur salut éternel et pour les délivrer à jamais de la main de l’ange exterminateur, mais pour leur obtenir des grâces passagères qu’il a offert sa mort, car s’il avait effectivement voulu les sauver, ils le seraient sans doute. »

Contre cette thèse, il faut affirmer que Dieu veut vraiment le salut de tous, que Jésus-Christ est vraiment mort pour tous et a mérité pour tous des grâces de salut, que Dieu ne prive de sa grâce que ceux qui, librement, y mettent obstacle ; il accorde à tous des moyens suffisants, pour qu’ils puissent se sauver, cl c’est pour mériter ces grâces quc Jésus Christ est mort.

33. Proie quantum opor- 33. Combien faut-il avoir lel bonis terrenis et sibiniet-renoncé : ui choses de la ipsi renunciasse ad hoc ut terre et à soi-même pour quis flduciam habeal sibi, avoir la confiance de s’npul Ita dicam, appropriant !) proprier, pour ainsi dire, Christum Jesum, cjus amo-Jésus-Christ, son amour, sa rein, inortem et m steri.i, ul morl et ses mystères, comme facit S. Paulus, dicens : i Qui fait saint Paul, en disant : dilexit me et tradidit seine- » fl m’a aimé et s’est livré tipsutu pro me. pour moi. Gal., ii, 20, éd.

1693 el 1699.

D’après ce texte, il n’y aurait quc les parfaits chii tiens et les élus, comme saint Paul, qui pourraient vraiment espérer quc Jésus les aime et qu’il s’est livré à la mort pour leur salut éternel ; seuls, les parfaits

peuvent s’approprier avec confiance les mérites de Jésus-Christ. Cette proposition suspecte reprend la

.V proposition de Jansénius. Les grands pécheurs euxmêmes peuvent et doivent avoir confiance dans la