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UNIGENITUS (BULLE). A L’ASSEMBLÉE DU CLEBGÉ


dira plus tard : on vérifia si les cent une propositions, rapportées par la bulle, se trouvent dans les éditions désignées, on examina tout ce qu’on opposait à la bulle dans les écrits imprimés ou manuscrits. Ce fut, en effet, un véritable déluge de libelles, en prose et en vers. Quesnel envoya plusieurs mémoires. D’après lui, la constitution frappait, d’un seul coup, cent une vérités, tirées de saint Augustin. Recevoir cette constitution, ce serait causer un grand dommage à la doctrine chrétienne, à la discipline de l’Église et à la piété. Il fallait demander au pape d’expliquer plus clairement sa pensée. Les jansénistes en général, voulaient obtenir des évêques une déclaration formelle qu’ils étaient juges de la constitution ; Rome, pensaient-ils, protesterait et la constitution n’aurait pas plus de succès que la bulle Vineam.

La question avait déjà été portée devant le public. Un écrit anonyme, qu’on attribue à Tournely, demandait comment les évêques devaient recevoir la bulle : serait-ce par un jugement d’examen et de discussion, ou bien par un jugement d’acceptation et d’obéissance ? S’appuyant sur la Relation des délibéralions du clergé de France pour la réception des constitutions d’Innocent X et d’Alexandre VII et pour la réception de la bulle qui condamnait les Maximes des saints, l’auteur donnait une conclusion ferme : lorsqu’on consulte le pape et qu’on lui demande un jugement, on accepte implicitement son jugement. Les évêques auraient pu juger la cause en première instance, mais la cause ayant été portée au Saint-Siège, les évêques doivent accepter la décision qu’on a demandée. Les évêques ne peuvent juger le jugement du pape ; seul, le concile œcuménique est supérieur au pape et pourrait réformer ses jugements.

Cet écrit ne paraît pas avoir été imprimé, mais il fut connu et Daguesseau fit un mémoire pour y répondre. Les évêques, d’après lui, sont juges dans les matières de foi et de discipline ; ils peuvent juger avec le pape, soit avant, soit après lui. S’ils oublient ce droit, les magistrats protesteront pour le maintien des libertés de l’Église gallicane. Sans doute, les évêques doivent respecter les décisions du Saint-Siège, mais ils ont le droit et le devoir d’examiner les propositions condamnées par Rome, surtout lorsque les censures sont globales et indéterminées, car elles sont inégalement condamnables : quelques-unes ne sont que téméraires ou malsonnantes et, par conséquent, elles pourront, en d’autres temps, devenir soutenables. Telle est la thèse de Daguesseau. Les écrits se multipliaient de façon inquiétante : beaucoup soulignaient les obscurités de la bulle, la diversité des sens dont les propositions condamnées étaient susceptibles et dont quelques-unes semblaient empruntées à l’Écriture et aux Pères ; surtout, faisait-on remarquer, les censures étaient données in globo, sur des propositions dont aucune n’était qualifiée en détail.

A Rome, on était inquiet. Une dépêche au nonce, en date du 28 octobre (Thuillier, op. cit., p. 207-214) indiquait ce qu’on attendait des évoques de France : ils devaient imiter la conduite des évêques à l’égard des constitutions d’Innocent X et d’Alexandre VII, et non point vouloir faire de la bulle un examen semblable à celui qui fut fait de la bulle Vineam Domini. Le clergé ne saurait s’arroger le droit de soumettre à son examen les décisions du pape pour en juger. D’ailleurs, toutes les propositions méritaient absolument d’être cer uré< i, telles qu’elles étaient couchées, sans qu’il fût besoin de dire qu’elles étaient condamnables dans le sens de l’auteur ; les censures étaient portées rrsprrlinrnient et toutes les propositions condamnées étaient condamnables en quelques-uns de leurs sens ; cela suffisait pour justilier la constitution.

Elle devait être acceptée purement, simplement, absolument avec toute la soumission qui lui était due ; d’ailleurs, le roi avait promis formellement qu’il en serait ainsi ; il avait demandé au pape un jugement. « Ce serait une chose monstrueuse et en même temps outrageante pour le Saint-Siège, si l’on permettait qu’après un jugement si solennel, les évêques se donnent la liberté d’y retoucher. Ce ne serait plus les évêques qui se soumettraient au jugement du pape, mais ce serait le pape qui serait soumis au jugement des évêques. »

Les membres de la commission étaient d’accord, mais pour arriver à une unanimité parfaite, ils désiraient connaître les sentiments intimes de Noailles, qu’ils redoutaient de voir résister à Rome. Le 21 novembre, le cardinal de Rohan eut une longue entrevue avec Noailles. Celui-ci, avec tous les disciples de Jansénius, exposa son sentiment : parmi les propositions condamnées, certaines étaient, en propres termes, dans saint Augustin et dans les Pères de l’Église et, par conséquent, on ne pouvait pas les condamner purement et simplement ; le plus court était d’accepter la constitution, quant à la condamnation du livre de Quesnel, mais on ne pouvait l’accepter quant à la condamnation des cent une propositions, à moins d’indiquer le sens condamné de certaines propositions. Mais, répliqua Rohan, cette distinction des articles vrais et des articles faux n’est pas supportable. Ce serait faire, pour ainsi dire, la leçon au pape. « On pourrait, peut-être, dans un mandement, en forme d’instruction, indiquer le sens condamnable des propositions qu’on jugerait susceptibles d’un sens vrai. Le sens de l’acceptation serait ainsi marqué dans le mandement, qui servirait de préambule. Cela satisferait à la vérité, aux intentions du roi, au respect que nous devons au pape et à ce que nous nous devons à nous-mêmes. »

Noailles répondit que ce serait une tromperie, car l’acceptation qu’on dirait pure et simple, en réalité, ne le serait pas, puisqu’elle serait relative aux explications données dans le mandement ; d’ailleurs, Noailles ajouta qu’il voulait réfléchir et consulter quelques prélats. Le 10 décembre, il apporta sa réponse : il n’accepterait la bulle que si elle était précédée du rapport entier et d’une instruction pastorale à laquelle l’acceptation serait liée. Durant plusieurs jours, Rohan et Bissy travaillèrent très activement pour rédiger un mandement qui put satisfaire les exigences de Noailles et de ses amis. D’autre part, le rapport de la commission fut achevée au mois de décembre et il fut présenté à l’assemblée générale. Aussitôt la bataille commença. L’archevêque de Bordeaux aurait voulu qu’on publiât la constitution, avec un court préambule de quelques lignes, pour répondre aux objections soulevées par les jansénistes ; mais l’évêque d’Évreux, Le Normand, fut d’avis que ce préambule serait l’occasion de nouvelles polémiques ; plusieurs évêques se rallièrent à lui : il ne fallait lier la bulle à aucune explication qui pût paraître un jugement. D’après Rohan, une instruction est nécessaire, non point pour servir d’explication a la bulle, mais pour instruire les pasteurs et les fidèles et prémunir contre les libelles artificieux des jansénistes.

A l’occasion du jour de l’an, les réunions furent interrompues et, au début de janvier 1711. certains évêques proposèrent de rédiger une instruction pastorale, qui serait publiée dans chaque diocèse, En dépit de certaines oppositions, la majorité se décida pour une acceptation pure et simple, aee une instruction pastorale qui serait publiée après l’acceptation. Bref, deux part is étaient nettement dessinés au sein de

l’assemblée. Pour Rohan et la majorité, l’instruction

devait servir non point à expliquer la bulle, mais a