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TROIS-CHAP1TRES. LE V « CONCILE

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tées de dix autres. Ce ne fut pas trop de toute la séance pour cette lecture, fréquemment interrompue par de bruyants anathèmes. Le tout se termina par le sceleratum symbolum déjà lu et condamné à Éphèse (431) dans l’Actio Charisii (ci-dessus, col. 1870), mais qui, cette fois, fut expressément attribué à Théodore. Les cris de réprobation redoublèrent : « C’est Satan lui-même, criaient certains, qui a composé ce document. »

Ve session. — Le lendemain, 13 mai, se continua le procès de l’évêque de Mopsueste. Successivement furent interrogés les Pères, les lois impériales, l’historien ( ?) Hésychius de Jérusalem, les amis eux-mêmes de Théodore, les procès-verbaux de l’enquête faite à Mopsueste, ci-dessus, col. 1897. Tous déposaient contre l’hérétique et ses doctrines impies. Mais était-il possible de condamner des morts ? Bien des gens, à commencer par saint Cyrille, ci-dessus, col. 1872, étaient pour la négative. Mais on écarta leurs témoignages : la lettre de Cyrille à Proclus, déclara-t-on, était inauthentique et contredisait des affirmations du patriarche alexandrin. Le représentant du primat de Carthage, le seul Occidental présent, intervint pour faire connaître des textes, surtout augustiniens, qui abondaient dans le sens des désirs impériaux. Remettant à plus tard sa décision, le concile trouva encore le temps d’entamer en cette même séance le procès de Théodoret. L’on versa à son dossier divers extraits de ses ouvrages : dans la réfutation des xii anathématismes cyrilliens, les n° 1, 2, 4, 10 ; les lettres diverses écrites par lui soit à Éphèse, soit plus tard, avant et après l’Acte d’union ; certains sermons prononcés par lui en ces temps-là et aussi après la mort de Cyrille. Sur tout ceci, cf. ci-dessus, col. 1873 sq. De tout quoi il résultait que l’évêque de Cyr avait gravement porté atteinte à la mémoire du patriarche d’Alexandrie, et ce crime de lèse-majesté cyrillienne dénonçait une doctrine de fond hétérodoxe. Rien d’étonnant qu’avant d’admettre Théodoret à siéger le concile de Chalcédoine eût exigé de lui un anathème contre Nestorius et ses blasphèmes.

VIe session. — Comme si rien ne s’était passé dans l’intervalle des séances on reprit, le lundi 19 mai, l’examen du troisième accusé, Ibas. Toute la journée lui fut consacrée ; aussi bien on voulut donner l’impression que l’on s’entourait de toutes les garanties et que l’on reprenait l’affaire ab ovo. Mais sous le flot des protocoles qui furent lus successivement se cachait une manœuvre amorcée depuis quelque temps. La grosse difficulté que créait le cas de la lettre à Maris, c’était que sa lecture à Chalcédoine avait déterminé l’absolution de son auteur. Relecla ejus epistola, eum orthodoxum judicamus, avaient dit les légats romains, suivis finalement par l’assemblée. Or, depuis un certain temps on s’était avisé, dans l’entourage impérial, d’une explication qui sauvait l’autorité du concile. Ce n’était pas la lecture de la lettre d’Ibas à Maris qui avait amené l’absolution de l’évêque d’Édesse, mais bien celle de l’épltre adressée au concile de Tyr par les clercs de son Église. Ci-dessus, col. 1879. C’est cette explication qu’il s’agissait de faire admettre par l’assemblée. La lecture des interminables procès-verbaux du concile d’Éphèse de 431, qui n’avaient rien à voir ici, de ceux de Chalcédoine, qui n’étaient guère davantage ad rem, avait pour but de ramener l’affaire au raisonnement suivant : Éphèse et Chalcédoine sont d’accord ; l’un et l’autre concile professent la même doctrine, celle de saint Cyrille. La lettre à Maris attaque cette doctrine ; il n’est donc pas possible que Chalcédoine ait, même Indirectement, déclaré cette épltre orthodoxe. En fait ce ne fut pas cette lettre, d’ailleurs désavouée par son auteur — ceci était une contrevérité — qui fut lue à Chalcédoine. L’évêque d’ËdcSM y a été déclaré orthodoxe sur le bon témoignage rendu par la lettre de ses clercs. Voir cette argumentation sophistique, Mansi, Concil., t. ix, col. 305 A, 305 CD, 306 A. Quand furent terminées toutes ces lectures, où, même à tête reposée, il est difficile de se reconnaître, le Ve concile put se déclarer édifié : la lettre qui était attribuée à Ibas était en tout contraire à la définition de Chalcédoine ; la présente assemblée la condamnait : recevoir cette épître c’était rejeter les Pères du grand concile de 451.

Que les auteurs de cette manœuvre fussent d’absolue bonne foi, c’est ce qu’il nous paraît difficile d’admettre et ce fut Askidas en personne qui porta l’antienne. En les suivant d’ailleurs, le concile ne pouvait pas ignorer que, depuis le mercredi précédent, 14 mai, l’affaire n’était plus intacte et que, dans les délais qu’on lui avait assignés, le pape avait rendu une sentence définitive, dont il était bien difficile que rien n’eût transpiré. Sans doute l’on s’était arrangé au Sacré-Palais pour ignorer l’acte pontifical ; ces chicanes de procéduriers retors ne changeaient rien à la réalité.

VIIe session. — Il fallut bien pourtant qu’à la séance du 26 mai le basileus mît le concile au courant, par un message, de ce qui s’était passé entre ses gens et le pape. Celui-ci avait la veille (25 mai) envoyé son apocrisiaire au palais pour informer — c’était, pensons-nous, pour la seconde fois — que sa réponse était prête et qu’une députation de hauts fonctionnaires et de prélats devait la chercher pour la communiquer au souverain. Venue au palais de Placidie, la délégation, après lecture du Constitutum, avait déclaré qu’elle ne pouvait accepter ce papier. « Du moins, reprit Vigile, vous saurez qu’il existe », et il avait envoyé son apocrisiaire au souverain pour lui transmettre sa sentence. L’apocrisiaire ne fut pas reçu ; il fut seulement chargé de porter à son maître la réponse suivante : « Ou la sentence du pape condamnait les Trois-Chapitres et elle était inutile ; ou elle les innocentait et alors Vigile se mettait en contradiction avec lui-même. » Et c’est pourquoi le message impérial communiquait au concile toutes les pièces secrètes dans lesquelles Vigile s’était engagé à condamner les Trois-Chapitres, ci-dessus, col. 1892, 1895, 1896. Il opposait ainsi le pape à lui-même. À ces causes le messager du basileus réclamait, au nom de son maître, que le nom du pape fût rayé des diptyques : De Vigilii nomme ne jam sacris diptychis Ecclesise inferatur propter impietatem quam oindicavit nec et reciietur oobis et conservetur, ceci étant dit pour toutes les Églises de l’Empire. Ce que le messager impérial demandait de vive voix, la lettre impériale dont il était porteur le motivait par de rudes considérants : Ipse semetipsum alienum catholicæ Ecclesise fecit, defendens prsedictorum capitulorum impietatem, séparons autem semetipsum a vestra communione. Le basileus se flattait d’ailleurs, en terminant, que l’on pourrait néanmoins conserver l’union avec le Siège apostolique ; les variations de Vigile, ou de tout autre ne pouvaient nuire à la paix de l’Église. Première esquisse de la distinction impossible entre la sedes et le sedensl Sans plus ample informé, le concile se rallia à la motion impériale : Omnia secundum tenorem lectorum apicum peragentes. (Tout ceci dans la rédaction longue, Mansi, col. 351-366 A ; la recension courte, la seule connue autrefois, ne connaît pas cette lettre de Justinien, ni l’assentiment que lui donna le concile ; parmi les pièces communiquées par le basileus à l’assemblée elle supprime le serment de Vigile du 15 août 550.]

VIIIe session. — Ainsi la séparation entre le pape et le concile était maintenant définitive. Peut-être n’apprécia-t-on pas sur le champ la gravité de cette démarche ; elle ne laissait pas néanmoins de porter une grave atteinte même au droit oriental de l’époque. A nous-mêmes elle nous apparaît lourde de conséquences : c’est un concile en rupture ouverte avec le