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1881

TR018-CHAPITRES. LE CONCILE DE CHALCÉDOINE

1882

Une accusation en règle fut également portée, à la même séance, contre Théodoret. À l’appui furent déposées sur le bureau diverses pièces que nous avons déjà rencontrées et que nous retrouverons encore : la réfutation par Théodoret des anathématismes cyrilliens ; la lettre aux moines de Syrie (Théodoret, Epist., cli) ; une apologie de l’évêque de Cyr en faveur de Diodore et de Théodore (qu’il faut identifier à un ouvrage cité au Ve concile, sess. v, sous ce lemme : Ex his quæ Theodoretus defendens Theodorum contra Cyrillum scripsit) ; un autre tome dirigé contre Cyrille après que Théodoret était rentré dans la communion de celui-ci (peut-être est-ce le même que le précédent). Sur quoi Dioscore prononça la sentence déposant et excommuniant l’évêque de Cyr. Les évêques présents se rallièrent à cette condamnation, qui fut portée ensuite à Domnus d’Antioche absent. Celui-ci eut l’insigne lâcheté d’y souscrire ; cela ne le sauva pas. Peu après il était mis lui-même en accusation, comme ami et approbateur de Théodoret. Finalement sa déposition fut prononcée par le concile.

Prévenu de la sentence portée contre lui, Théodoret en fit appel au pape Léon, dans une lettre qui s’est conservée, Epist., cxiii, cf. cxvi-cxviii, P. G., t. lxxxiii, col. 1319 sq. Après un éloquent rappel de la dignité du Siège apostolique, l’évêque de Cyr déclarait adhérer pleinement à la doctrine exprimée par le pape dans le Tome à Flavien ; il suppliait le Siège apostolique de venir au secours de l’Église d’Orient ballottée par la tempête. Il attendait avec confiance la sentence de Léon, tout prêt à venir à Rome, sur un ordre du pape, pour y exposer sa doctrine.

Dès qu’il fut au courant des événements d’Éphèse, le pape protesta bien contre ce qui s’y était passé (14 décembre 449) ; mais, pour l’instant, il ne pouvait rien ; un édit de Théodosc II venait de donner force légale aux décisions du Brigandage. Texte dans Mansi, Concil., t. vii, col. 495-498. De plus la défense de posséder, de lire ou de transcrire les ouvrages de Nestorius était étendue aux écrits de Théodoret. Les détenteurs de ces productions s’exposaient aux peines les plus graves. C’est au monastère d’Apamée, où il était confiné, que l’évêque de Cyr apprit ce déchaînement de passions. Il essayait de consoler Ibas, Epist., cxxxii, P. G, t. lxxxiii, col. 1349. A Jean de Germanicie il tentait de faire comprendre la portée doctrinale des événements dont il était victime : c’était bien pour des questions dogmatiques qu’il avait été persécuté et tout autant Domnus, qui ne voulait pas recevoir les anathématismes cyrilliens. C’est en tant que « chef de l’hérésie » qu’il avait été lui-même déposé. Epist., cxlvii, ibid., col. 1409.

La réhabilitation à Chalcédoine. —

Mais l’injustice, la fourberie, la violence n’auraient pas le dernier mot. La mort de Théodose (28 juillet 450), l’avènement de Pulchérie et de Marcien amenaient la convocation d’un nouveau concile, qui réparerait les torts faits par le Brigandage et tirerait enfin au clair la théologie de l’incarnation.

Pour les monophysites de tous temps et de toutes nuances, le concile de Chalcédoine est resté l’assc mhlée exécrée qui a proclamé le nestorianisme, condamné « saint Dioscore de manière explicite et rejeté, sans Mer le dire, la doctrine de saint Cyrille. De très bonne heure, dans les milieux monophysites, ont couru sur le « concile maudit » les bruits les plus absurdes. Le plu-, curieux est celui dont s’est fait l’écho Jean d’Asie dani son Histoire ecclésiastique composée au milieu du vr siècle. Ce texte jette quelque lumière sur le « climat dans lequel s’est débattue la querelle des Trois-Chapii

Théodoret, après avoir été reçu par le » évoques du concile de Chalcédoine qui s’étaient rangés à sa malice, se montra insolent et les vilipenda. Ah ! disait-il, se sont-ils < régalés du ferment de la doctrine de Nestorius que je leur « ai fait goûter ! » Ainsi s’est-il exprimé en plein concile. Il avait, en effet, toutes les audaces, parce que les sectateurs de Nestorius avaient vivement exhorté le basileus à donner à Théodoret la présidence du concile et le droit de décider de tout. C’est donc du basileus qu’il entendait tenir son pouvoir. On dit aussi que c’est lui qui a fabriqué la dernière définition émise par le concile. » Éd. de Van Douwen et Land, Amsterdam, 1889, à la suite du De beatis orientalibus du même Jean d’Asie, p. 215.

Tout cela est absurde ; en fait Théodoret et Ibas furent admis au concile, mais à des conditions qui durent coûter à leur sens de l’équité et se heurter à leurs idées théologiques habituelles.

1. Théodoret.

Il y eut d’abord pour lui une acceptation provisoire au début de la première séance, puis à une session ultérieure son affaire fut discutée en détail.

L’évêque de Cyr n’était pas présent quand l’assemblée s’ouvrit et la séance commença par l’acte d’accusation dressé contre Dioscore par Eusèbe de Dorylée. Il fallait donc lire les procès-verbaux du Brigandage ; bien vite on arriva à la lettre impériale convoquant l’assemblée de 449, réglant sa composition et prononçant l’exclusive contre Théodoret. C’est alors que les magistrats civils composant le bureau du concile intervinrent pour demander l’admission de l’évêque de Cyr, « l’archevêque Léon (le pape) lui ayant rendu son siège et le basileus ayant décrété qu’il assisterait au concile ». L’introduction de Théodoret dans l’assemblée fut le signal d’un mouvement de séance extrêmement violent. La droite, formée par les Égyptiens, les Illyriens et les Palestiniens, l’invectivait bruyamment : « À la porte, criait-on, à la porte le disciple de Nestorius. » Et la gauche, composée par les Orientaux et les évêques du Pont, de l’Asie et de la Thrace, de manifester avec non moins de violence contre les partisans de Dioscore « l’assassin ». Le bureau eut de la peine à rétablir l’ordre ; Théodoret finalement put prendre séance, d’abord comme accusateur de Dioscore, puis à son rang d’évêque et même intervenir dans la discussion, ce qu’il fit aussi, mais d’une manière discrète, dans les séances suivantes. A la sixième, où fut discutée et approuvée la profession de foi du concile, il souscrivit cette définition.

Ce fut seulement à la ixe session (26 octobre), que sa cause personnelle fut discutée, en présence des légats du Siège apostolique. On lui demanda d’anathématiser nommément Nestorius. De toute évidence la chose lui coûtait et il essaya de se répandre en explications sur sa propre doctrine : « je ne prononcerai cet anathème que je n’aie d’abord exposé ce que je crois. Or, je crois… » Mais on lui coupa la parole : « Il est hérétique, clamaient les plus excités, il est nestorien ; dehors l’hérétique I » — « Eh bien, reprit Théodoret, anathème à Nestorius, à qui ne dit pas que la vierge Marie est la théotocos, à qui divise en deux fils l’unique Monogène. J’ai souscrit d’ailleurs à la définition de foi et au tome de Léon. Après cela, êtes-vous satisfaits ? » [Kal (jtexà Taùra Tcàvxa aâ>Çea6e ; cette phrase du procès-verbal donnera lieu ultérieurement à de vives discussions ; certains y ont vu une ironie : « je vous salue I » « laissez-moi la paix », « je prends congé », etc. Rusticus a traduit : Saluete ; il est bien difficile d’en préciser le sens exact). Sans s’arrêter à ces derniers mots, le bureau constata : « Devant vous Théodoret a anathématisé Nestorius ; il a été reçu par Léon, il B souscrit sans ambages votre définition de foi, et le Tome de Léon. Il ne vous reste plus qu’à porter la sentence qui lui rend son Église. » C’est là-dessus que l’on alla aux voix, en commençant p : ir les légats romains ; les votes des principaux membre* du concile sont ainsi conservés, ils répètent, à peu près tous,