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1857
1858
TRIONFO (AUGUSTIN)

contra Græcum et des Quodlibeta Parisiis disputata, dont le contenu n’est pas inventorié. — 2. Plus qu’à ces œuvres d’inspiration classique, la gloire d’Augustin est due à ses interventions fréquentes sur des matières alors d’actualité. Longtemps on n’a connu de lui que sa vaste Summa de potestate ecclesiastica, imprimée au moins quatre fois : Augsbourg, 1474 ; Rome, 1479 ; Venise, 1487 ; Rome, 1584. D’après l’auteur de cette dernière édition, Augustin Fivizzano, elle fut écrite jubente Joanne XXII Portifice Maximo, p. 563, détail qu’il est impossible de vérifier, et remonterait à 1320. A cette date U. Mariani, op. cit., p. 236-238, mais sans raisons positives, voudrait substituer 1326, pour faire de la Summa une réplique au Defensor pacis de Marsile de Padoue (1324) ; comme cette intention polémique n’apparaît aucunement dans l’ouvrage, ce déplacement ne se justifie pas. Sans plus de motifs, J. Haller, Papsttum und Kirchenreform, p. 83, a proposé la date de 1322, qui du moins n’est pas incompatible avec la sérénité tout objective de l’exposé. — 3. A cette synthèse du droit pontifical Augustin cependant avait préludé par des écrits de circonstance tout récemment découverts et plus ou moins relatifs à la politique religieuse de Philippe le Bel. Vers 1307-1308, il prit la défense de Boniface VIII, à l’occasion du procès posthume que le roi de France prétendait faire ouvrir contre la mémoire du pape, dans un Tractatus contra articulos inventos ad diffamandum ss. Patrem D. Bonifacium s. memoriæ et de commendatione ejusdem, édité avec des coupures dans H. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VIII., n. 18, p. lxix-xcix. L’auteur, du reste, n’avance le nom d’Augustin, p. 252, qu’à titre hypothétique ; U. Mariani, op. cit., p. 63 et 214-221, est absolument affirmatif. — Simultanément R. Scholz, Die Publizistik zur Zeit Philipps des Schönen, p. 486-516, publiait trois opuscules, dont le dernier tout au moins ne peut qu’être de cette époque : Tractatus brevis de duplici potestate prælatorum et laicorum, De potestate collegii mortuo papa, De facto templariorum, et un peu plus tard, dans Unbekannte kirchenpolitische Streitschriften, t. ii, p. 481-490, des extraits considérables d’un Tractatus contra divinatores et somniatores, dédié à un pape que l’auteur, ibid., t. i, p. 191-192, identifie avec Clément V. — 4. J. Lanteri, Postrema sæcula sex religionis augustinianæ, Tolentino, 1850, t. i, p. 77, mentionne encore sous le nom d’Augustin un De sacerdotio et regno ac de donatione Constantini et un De ortu Romani imperii, mais qui n’ont pas encore trouvé d’éditeur.

III. Doctrine. — Pratiquement tout ce que nous pouvons atteindre de la théologie d’Augustin se concentre autour du problème de la puissance ecclésiastique ou plus exactement, car l’Église pour lui s’absorbe à peu près complètement dans son chef, de la papauté. C’est à quoi, sauf la dernière partie qui dégénère en un vaste hors-d’œuvre sur la perfection, est consacré la Summa de potestate ecclesiastica, dont les opuscules récemment publiés ne sont que la préparation ou le complément partiel.

Notion générale de la papauté. — Vicaire du Christ et, à ce titre, source de laquelle dérivent tous les pouvoirs de ce monde parce qu’il en est principium et causa, tel apparaît déjà le pape dans le petit traité De duplici potestate prælatorum et laicorum, éd. Scholz, p. 486 et 498. De cette vue générale, les premières questions de la Summa sont la reprise et le développement.

Error est, lit-on dans la dédicace à Jean XXII, mente non credere Homanum Pontificem, universalis Ecclesiæ pastorem et doctorem et Christi legitimum vicarium, supra spiritualia et temporalia universalem habere primatum. Seul, en effet, le pouvoir pontifical est a Deo immediate, si bien que du pape découle dans l’Église toute juridiction. De même en est-il de l’autorité séculière, à cette différence près que celle-ci ne lui appartient pas secundum immediatam executionem nisi forte in quibusdam casibus. Q. i, a. 1, éd. Fivizzano, p. 2-3. Et c’est ainsi que l’auteur concilie la distinction des deux pouvoirs avec le principe d’unité qui vaut pour la société chrétienne aussi bien que pour l’organisme corporel.

Dès lors, la puissance du pape est major omni alia. Ibid., a. 3, p. 5. Une question spéciale, établit plus loin qu’il l’emporte même sur les anges en dignité. Q. xviii, a. 1-5, p. 113-116. A vrai dire, son autorité est même la seule d’ici-bas, les souverains temporels étant à son endroit quasi ministri et stipendiarii. Q. i, a. 8, p. 12. En conséquence, l’auteur de revendiquer, avec l’indépendance de son élection, q. iii, a. 7, p. 35, l’absolue souveraineté de ses décisions et jugements, qui ne sauraient comporter, puisqu’il n’a pas de supérieur, ni contrôle, q. ii, a. 6-7, p. 23-25, ni appel, q. vi, a. 1-8, p. 57-63.

Il faut bien envisager cependant l’hypothèse d’un pape indigne, la seule espèce d’ailleurs qu’Augustin veuille retenir, à rencontre d’Huguccio, étant celle d’hérésie. Un hérétique élu pape serait déchu ipso facto, q. ii, a. 5, p. 23, et il faut en dire autant, q. iv, a. 8, p. 49, d’un pape qui tomberait notoirement dans l’hérésie après son élection. Que si la faute restait secrète ou douteuse, il y aurait lieu à l’intervention judiciaire de l’universitas fidelium, représentée par le concile général, q. v, a. 6, p. 54, dans lequel il est curieux de voir que l’auteur, comme on devait le faire à Constance, demande une place pour les doctores sacræ Scripturæ. A plus forte raison, le droit de remontrance ne fait-il pas pour lui de difficulté. Q. vii, a. 1-2, p. 64-65.

Pouvoirs spirituels de la papauté. — C’est d’abord et surtout l’ordre spirituel qui relève du pape. Pour la première fois sans doute, Augustin s’applique à faire le relevé méthodique de ses droits.

En lui réside le suprême pouvoir doctrinal. Car, si raisonnablement il doit recourir aux lumières des docteurs, seul il a qualité pour determinare quæ sunt fidei, parce qu’il est caput totius Ecclesiæ. q. x, a. 1, p. 77 : ce qui est, en style canonique, l’équivalent de l’infaillibilité. Il est pour la même raison l’interprète en dernière instance du droit et des Écritures. Q. lxvii, a. 1-5, p. 352-356. Et ceci entraîne, avec le pouvoir de trancher les controverses, celui de procéder à l’explicatio des parties encore obscures ou implicites du dépôt. Q. x, a. 3, p. 79. Cf. q. lviii-lix, p. 301-312.

Toute l’autorité disciplinaire inhérente à la constitution ecclésiastique se concentre également entre ses mains. La juridiction des évoques leur vient immédiatement de lui et, quoiqu’il leur laisse, en principe, le libre gouvernement de leurs diocèses, il reste l’episcopus cujuslibet Ecclesiæ, où il peut toujours intervenir par lui-même ou par ses légats. Q. xix, a. 3-5, p. 119-121. Principe général que l’auteur détaille en une longue série de questions où il examine avec la minutie d’un canoniste les pouvoirs du pape en matière de promotions et de translations, de dispenses et d’induits, d’absolutions et de censures de juridiction religieuse et d’administration temporelle, Q. xlvii-lxxiv, p. 252-386. Sur tous ces objets, le pape n’est limité que par le droit naturel ou divin. Mais tout ce qui est droit positif dépend de lui. parce que c’est, en somme, lui qui en est l’auteur. Q. xxii, a. 1, p. 130.

Cette puissance du pape ne s’étend pas seulement à tous les chrétiens, mais encore aux païens et aux Juifs, dans la mesure où les intérêts majeurs de la loi divine peuvent l’exiger. Q. xxiii-xxiv, p. 136-149. En un certain sens, elle atteint Jusqu’à l’Église triomphante, puisque du pape relève la canonisation des