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    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. HABITATION DANS LES AMES

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lui ressemble. » In I am Sent., dist. XV, q. iv, a. 1, sol. et ad l um. Voir des textes similaires dans Alexandre de Halès, Summa, part. II, inq. ii, tract, iii, sect. ii, q. ii, sol. et ad l um, ad 2 am, ad 3um, ad 4um, édit. de Quaracchi, t. i, p. 714 sq., et très explicitement dans saint Augustin, Epist., clxxxvii, 21 et 26, P. L., t. xxxiii, col. 840-842.

2. Deuxième solution : habitation objective par voie de saisie expérimentale. —

a) Exposé. —

De ce qui précède, Jean de Saint-Thomas conclut que, lorsque nos actes de connaissance et d’amour se produisent, Dieu est déjà substantiellement présent à l’âme. Mais cette présence ne constitue pas encore un nouveau mode de présence et, par conséquent, une mission invisible. Si, à l’occasion de nos actes de connaissance et d’amour, un nouveau mode de présence s’établit en nous, c’est qu’en eux Dieu se manifeste à nous comme déjà substantiellement présent à nos âmes. En d’autres termes, par la grâce et les dons surnaturels, Dieu est déjà réellement présent en nous par son essence ; mais il n’y est encore que comme agissant ; on ne saurait encore parler d’une présence différente de celle qu’il possède naturellement. Il appartient aux justes d’avoir la perception, la saisie directe de cette présence, grâce à la foi, à la charité, à l’exercice du don de sagesse. C’est cette connaissance en quelque sorte expérimentale qui établit en leur âme la présence à la fois objective et substantielle de la sainte Trinité, connaissance dont ils peuvent, dès ici-bas, retirer une véritable jouissance. « Quand Dieu, par la médiation de sa grâce, dit Jean de Saint-Thomas, se manifeste, ce qui est la racine et le principe (Dieu, par rapport à notre être) commence à se présenter comme un objet à notre intellect créé lui-même ; et la manifestation qu’il fait ainsi de lui-même n’est point celle d’un objet quelconque, mais celle d’un objet qui nous est aussi intime que possible… et qui se donne à notre connaissance et à notre amour par voie d’expérience et de familiarité. Ainsi s’établit (entre lui et nous) un contact objectif, réel, intime, non seulement dans l’état de vision, mais aussi dans celui de la foi, où il n’est atteint que par la voie cachée de la connaissance expérimentale… Dès icibas, et malgré l’obscurité de la foi, Dieu se laisse connaître et comme toucher expérimentalement (experimentali quodetm tactu cognosciiur). Ce n’est pas la vision, pas plus qu’il n’y a vision de l’âme, quand, expérimentant qu’elle nous anime, nous la sentons comme un objet (qui nous est présent ) ; mais, de même que l’âme se fait ainsi connaître comme nous informant, Dieu seul aussi, en se montrant par sa grâce, comme objet à connaître intimement et par voie d’expérience, nous manifeste sa présence en nous comme agent et principe de tout notre être… Ce n’est donc plus le fait d’être connu et aimé d’une manière quelconque qui constitue un nouveau mode de présence ; c’est de l’être expérimentalement et par un toucher de la présence elle-même, per ipsius prsesentiæ tactum. » Disp. XVII, a. 3, n. Il et 12. (Trad. Gardeil, La structure de l’âme et l’expérience mystique, t. ii, p. 75.)

L’explication a été reprise par le P. Gardeil, dans l’ouvrage cité, t. ii, p. 6-87. La présence de Dieu ainsi comprise est souvent enseignée par les auteurs mystiques : eux aussi parlent couramment d’une union actuelle de l’âme avec Dieu ; union se réalisant par une sorte d’expérience du divin en nous. Elle est le partage de ceux qui se sont élevés à la contemplation divine ; elle « est le fruit de l’union du cœur humain avec celui de Dieu ; union si étroite qu’on peut dire avec vérité que l’homme possède Dieu, qu’il est plein de Dieu ». Union plus ou moins parfaite, « excellente… dans les personnes consommées en sainteté »… mais toujours assez parfaite cependant « pour que ces personnes aient un sentiment exquis de la présence de Dieu, avec une haute idée de sa majesté ». Surin, Les fondements de la vie spirituelle, t. IV, c. vi, Paris, 1697, p. 323-324. Cf. Joseph du Saint-Esprit, Cursus theologiæ mystico-scholasticee, t. i, t. I, synth. iv, lect. 3, n. 177 ; Philippe de la Sainte-Trinité, Summa theol. mysticæ, t. iii, tract. I, dise, i, a. 1, Paris, 1874, p. 9. Voir aussi la doctrine générale dans Nouet, L’homme d’oraison, t. VI, 2e et 14e entretiens ; Poulain-Bainvel, Les grâces d’oraison, c. iv-vi et p. xxx, xxxii. Sans doute il ne faut pas identifier complètement l’explication donnée par Jean de Saint-Thomas avec les affirmations des mystiques. Ceux-ci savent fort bien distinguer entre l’habitation des personnes, commune à tous ceux qui possèdent la grâce sanctifiante, et l’union expérimentale qu’ils réservent aux âmes contemplatives. Parlant de ce qu’il appelle la pénétration (illapsus) de Dieu dans l’âme, expression synonyme pour lui d’union mystique complète, le P. de Reguera dit : « Cette union contemplative ne consiste pas seulement dans l’union commune à tous les justes ; elle y ajoute une sensation spirituelle de Dieu, qui a pénétré dans l’âme. » Praxis theol. myst., 1. 1, t. IV, q. vi, n. 735, trad. Poulain. Voir les références aux autres auteurs mystiques dans Galtier, L’habitation, p. 177178, note.

b) Difficultés. —

C’est précisément la distinction de cette double union, —la plus parfaite, comportant une sorte de saisie expérimentale de Dieu, la seconde réalisée par une habitation véritable, mais dont nous n’avons pas nécessairement conscience, — qui fait défaut à l’explication de Jean de Saint-Thomas.

Le P. Gardeil a bien senti la difficulté et, pour la résoudre, il en revient finalement à une solution analogue à celle que nous avons rencontrée plus haut sous la plume du P. Froget. Dans l’état actuel, l’âme ne peut encore « se rendre compte directement et effectivement de la présence intime du Dieu qui s’offre à sa connaissance et à son amour ». Op. cit., p. 139. Dans l’état présent, l’âme juste n’est donc encore que « capable » d’une saisie expérimentale de Dieu. Et normalement, cette « capacité » qui existe même chez les enfants encore dépourvus de l’usage de la raison, ne doit passer à l’acte qu’au terme de la vie. Si, dès cette vie, quelques âmes ont une saisie expérimentale de Dieu, c’est que Dieu, pour des motifs très spéciaux, les dégage temporairement des liens des sens et les attire à lui par le ravissement. Op. cit., p. 141. Ainsi, pour la très grande majorité des âmes justes, la connaissance expérimentale propre à leur assurer la présence substantielle de la Trinité, demeurerait purement « habituelle ». Sans doute, saint Thomas a employé et pour ainsi dire consacré l’expression de « connaissance expérimentale », I a, q. xliii, a. 5, ad2 am. Mais la « connaissance expérimentale », pour saint Thomas, s’obtient surtout par la constatation des effets permettant de conclure à la présence de leur principe. Voir de multiples exemples dans la Somme, IIa-IIæ, q. xcvii, a. 1, corp. et ad 3um ; cf. a. 2, obj. 2°, corp. et ad 2 nm ; I » -II">, q. cxiii, a. 5, corp. et ad 5um ; cf. De veritate, q. x, a. 10. Sur la pensée de saint Thomas, voir Galtier, op. cit., p. 200-206.

Ici encore il faut donc conclure que la connaissance de la personne divine, essentielle à sa mission — et donc sa présence en nous — est d’ordre purement potentiel. Elle consiste dans l’aptitude du don produit en notre âme à nous introduire dans sa connaissance : ipsum donum perceptum est in se sufficienter ductivum in cognitionem advenientis personæ. In 7 ii, n Sent., dist. XV, q. iv, a. 1, ad l nm. « Se manifester à nous, c’est de la part de la personne qui vient s’établir en notre âme, se rendre connaissante dans et par son image. Et ainsi se doit entendre qu’antérieurement à tout acte formel se terminant à elle, nous la connaissons déjà et nous l’aimons réellement. Tout enfants ou endormis que nous puissions être, nous en avons une connaissance et un amour virtuels. On peut parler