Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/1158

Cette page n’a pas encore été corrigée
3845
3846
ZWINGLIANISME. NOTION D’EGLISE


(ibid., ii, 58, 10). Il s’agit, en pratique, des Églises locales. Zwingli leur assigne dans l’Epichiresis, comme prérogative, un triple pouvoir : d’administration (ista, quæ usus exigit secundum regulam divini verbi discernit ) ; de discipline (abiicit impudentem, revocat pœnitentem ) ; cultuel (simul uerbo Dei pascitur, simul corpore et sanguine Christi alitur) (ibid., 572, 6).

Telles sont les prémisses dûment fondées en Écriture de l’argumentation zwinglienne. Celle-ci se poursuit ainsi. L’Église hiérarchique n’est Église ni au sens premier d’Église universelle, ni au sens second d’Église particulière ; elle n’est donc pas la véritable Église. Excellente dialectique, bien dans le genre de Zwingli, mais qui pèche par la base. En fait, Zwingli ne retient de l’Écriture que les textes qui servent son propos ; il élimine ceux qui concernent proprement l’Église hiérarchique, soit donc Matth., xvi, 16-18 : il s’agit ici du Christ, qui sert de fondement à la foi des vrais croyants {ibid., ii, 56, 21 sq. ; 682, 6 ; iv, 800, 11 ; v, 505, 18 ; 619, 1 ; 663, 21 ; 781, 5) ; — Luc, x, 16 : avertissement aux disciples de la part du Christ d’avoir à prêcher sa parole sans additions humaines (ibid., i, 538, 13 sq.) ; — Joa., xx, 22 : les clés sont données à tous les chrétiens en la personne des apôtres (ibid., ii, 377, 20 ; 381, 18 sq. ; iii, 265, 9 sq. ; 266, 25 ; iv, 255, 3 ; cf. v, 521, 12).

4. Mais Zwingli connaît aussi la dialectique de l’universalité et de l’unité. « Il n’y a pas plus d’une Église ou rassemblement universel auquel le nom d’Église convient de préférence ou proprement, qui est l’unique épouse du Christ ; les Églises mentionnées ensuite (Églises particulières) ne sont que les membres de l’Église universelle (ibid., Il, 58, 26 ; cf. Antibolon, C. R., iii, 267, 22 : ludicium ergo hoc de verbo peculiaribus ecclesiis non ila tribuitur, ut solis tribuatur : est enim Ecclesiæ, Christi sponsæ. Quoniam vero il la hic nunquam coit, iudicat per partes et membra sua).

L’Église est unie dans la foi (ibid., n. 59, 18) et dans l’espérance (ibid., 61, 14) ; au delà, son unité est ancrée dans le Christ, rocher sur lequel elle est bâtie (ibid., 56, 31), tête en qui les membres se réunissent pour former un corps ; — sur le Christ-tête, cf. C. R., i, 366, 9 ; ii, 52 sq. (art. 6 à 10) ; 682, 16 ; iii, 348, 34 ; v, 724, 22, etc. Zwingli entend l’expression en un sens exclusif de toute hiérarchie (ibid., iv, 800, 17). Sur l’Église, Corps du Christ, cf. ibid., ii, 53 sq. (art. 7 et 8) ; m, 342, 15 ; 348, 33 ; 349, 15 ; 830, 32 ; iv, 390, 16 ; 477, 20 ; 640, 26 ; v, 620, 9.

Cette unité a pour auteur Dieu lui-même, car en son entièreté l’Église n’existe en définitive que sous le regard de Dieu, devant qui sont rassemblés tous ses membres quels qu’ils soient, en quelque point de l’espace ou du temps qu’ils soient (ibid., ii, 681, 27). Elle a aussi pour principe, et c’est à quoi Zwingli s’arrête de préférence, l’Esprit-Saint. La formule de l’unité la plus adéquate dans sa brièveté est celle-ci : « rassemblée par l’Esprit de Dieu en une seule foi » (ibid., ii, 59, 17). Ainsi l’unité de l’Église est entièrement spirituelle. Zwingli mentionne bien le baptême (ibid., 57, 30 ; 570, 34) ; mais, durant cette période, le baptême ou la profession de foi chrétienne n’intervient pas à titre de principe actif d’unité. Le caractère empirique de l’Église s’estompe ; clic apparaît comme un vaste ensemble « pneumatique », comparé à un organisme ou corps dont le principe animateur est l’Esprit (ibid., Il, 59, 34).

5. L’Église, avons-nous dit, est infaillible. C’est que elle ne fait rien selon ion propre caprice, mais clic cherche seulement ce que l’Esprit de Dieu suggère, exige et ordonne : voilà la véritable Église, une épouse immaculée de Jésus-Christ, régie et vivifiée p ; ir II prit de Dieu. (ibid., i, 538, (i). C’est la fidélité de l’Église à l’Esprit, et à la parole de Dieu (ibid., ii, 572,

6 ; iii, 257, 8), qui fait que l’Église ne peut se tromper. Dans la mesure où, au lieu de statuer et de définir, l’Église écoute la parole et laisse parler en soi l’Esprit de Dieu, elle ne peut se tromper. Cette assertion s’entend aussi bien des Églises ou assemblées particulières que de l’Église universelle ; elle fonde l’autorité d’une assemblée comme celle qui se tint à Zurich en octobre 1523 (IIe Dispute) et inaugura la Réforme en cette ville : « L’assemblée que nous formons devant les notables de Zurich, dans le seul dessein d’écouter la parole de Dieu, ne peut se tromper, car elle n’entreprend pas de statuer ou d’innover, mais veut seulement entendre ce qui, sur les sujets en litige, se trouve dans la parole de Dieu » (ibid., ii, 683, 18).

6. Mais la propriété la plus remarquable de l’Église est l’invisibilité. Celle-ci peut s’entendre de deux manières. L’Église est invisible, car, du fait de son universalité même, elle ne peut jamais être rassemblée en un lieu (ibid., ii, 61, 14 : und kumpt sichtbarlich niimmer zemmen ; 571, 9 ; 572, 5). Cette invisibilité est accidentelle, elle n’est pas le fait des Églises particulières, qui cependant participent à la même notion d’Église. C’est dire que la véritable invisibilité que Zwingli a en vue, prérogative tant des Églises particulières que de l’Église universelle, n’est pas là.

Invisible, l’Église l’est par définition, comme communauté des vrais croyants. La foi est chose intérieure, invisible ; certitude expérimentale pour le sujet qui se sait avoir la foi, elle lui est rigoureusement propre. En somme, l’Église groupe une multitude de membres qui ne sont tels que sous le regard de Dieu, qui s’ignorent les uns les autres (cf. Sch.-Sch., vol. iv, p. 8). Mais n’est-ce pas là la destruction de toute idée d’Église et de communion ? Zwingli ne le pense pas : il affirme par la foi (C. R., ii, 61, 15 : 571, 20) l’existence de l’Église ici-bas et cela lui suffit : « Nous tous qui sommes croyants, nous ne verrons pas l’Église jusqu’à ce qu’elle soit rassemblée au dernier jour devant le juge Jésus-Christ ; quoique nous sachions ici-bas quelque chose d’elle, savoir que tous ceux qui ont la vraie foi et confiance en Dieu par N.-S. J.-C. … seront bienheureux : ce sont les membres de la véritable Église » (C. R., ii, 681, 28). On rapprochera de ce texte celui du Christianæ fidei expositio (1531), où Zwingli insinue que cette invisibilité formelle peut s’allier avec une visibilité matérielle : Vocatur autem invisibilis, non quasi qui credunt sint invisibiles, sed quod humanis oculis non patet quinam errdunt : sunt enim fidèles soli Deo et sibi perspecti (Sch.-Sch., vol. iv, p. 58).

7. Est-il possible, en dépit de son invisibilité, de définir les limites de la véritable Église, autant dire de déterminer qui en est membre et qui en est exclu ? Oui. Ici encore la foi (entendue au sens de confiance) sert de critère ; mais ce critère, on l’observera, reste purement subjectif : « Il est loisible à chacun de vérifier s’il fait ou non partie de l’Église. Mct-il toute sa confiance, espérance et consolation en Dieu par Jésus-Christ, il est dans l’Église, c’est-à-dire dans la communauté de tous les pieux chrétiens. Car, a-t-il l’unique, la pure foi au Christ, il a l’Esprit de Dieu ; celui-ci est unique, et personne ne lient avoir une foi hétérogène dans l’unique Esprit. Du fait que tous les vrais croyants sont unis en un même Esprit, ils doivent avoir aussi une seule foi et espérance en un seul bien, dont l’Ksprit les Instruit. À l’inverse, tous ceux qui mettent leur espérance dans la créature, ne font pas partie de l’Eglise, ou assemblée des fidèles chrétiens, c : ir il leur manque cela seul qui pourrait les unir : que le Dieu unique soit leur confiance ; mais ils placent leur confiance dans des hommes faibles, trompeurs, déchus. (C « ., ii, 01. 22-36). Ainsi, à l’Églite des croyants qui mettent leur confiance en la