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ZWINGLIANISME. ANTHROPOLOGIE


la loi naturelle remplit la fonction de la conscience (cf. Sch.-Sch., vol. vi, t. ii, p. 82 : Ubi enitn deus in corde dux adest, satis legum est. Conscientia vel natura qux deo ducente dirigitur sine scripta lege : et hoc bene notandum, alioqui aliquis diceret : Conscientia mea dictai missam esse cultum Dei ; — C. R., v, 625, 5 : Hsec autem est Dei spiritus, qui bonitas, lux et robur est conscientiæ, etc. ; cf. O. Dreske, op. cit., p. 29).

2. Dans le Commentaire sur Matth. (loc. cit.), Zwingli s’explique davantage sur les vicissitudes de l’imago. L’image de Dieu en nous est souillée par le péché — nonnihil vitiis deturpata et inquinala — mais elle n’est pas effacée. La lumière qui brille en nous est obscurcie, mais non éteinte : Densissimis tenebris obfuscata et oblilerata est, non tamen omnino extincta (Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 242). La preuve, c’est que même chez les hommes les plus impies et scélérats, elle se révèle, se soulève contre le péché et, autant qu’elle peut, résiste et lutte ». Par ailleurs, tantôt on représente Yimago comme corrompue et restituée par le Christ et la Nouvelle Alliance (avec quoi la loi naturelle s’identifie, d’après Sch.-Sch., vol. v, p. 579), tantôt cette restitution s’entend de la loi naturelle elle-même, appelée « loi de nature ou du prochain » (C. R., ii, 329, 28-30 ; 326, 19 sq. ; 634, 23), et qui participe du caractère absolu de la « justice divine » (Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 588). Entre l’imago et la loi naturelle, il n’y a donc pas de différence substantielle. Dans le De Providentia (Sch.-Sch., vol. iv, p. 105), c’est la connaissance de Dieu, ou communication que Dieu fait à l’homme par la loi de soi-même, de sa volonté, qui constitue l’imago et ce en quoi réside la vraie noblesse et dignité de l’homme.

La restitutio ou réparation de l’image s’étend-elle au genre humain tout entier ? Certaines expressions origénistes qu’on rencontre dans le De peccato originali le font penser (cf. C. R., viii, 726, 8 et n. 3). Zwingli a dissipé l’équivoque (cf. ibid., 737, 2). Il l’entend au sens restrictif des croyants et élus, ou de l’Église au sens de communauté des élus. Par ailleurs, la restitutio ici-bas n’est que partielle, elle n’exclut pas le combat de la chair contre l’esprit, que Zwingli décrit en termes pauliniens : entendez que l’Esprit divin est en nous un principe de rénovation, mais c’est tout l’homme qui est chair (C. R., iii, 658, 9, et R. Pflster, Das Problem der Erbsûnde bei Zwingli, ut infra, p. 18).

Courant stoïcien et dualiste.

1. Dans le De

Providentia (Sch.-Sch., vol. iv, p. 99 sq.), les horizons changent. Zwingli part non plus du récit biblique de la chute, comme il fait d’ordinaire (cf. C. / ?., ii, 631 sq. ; ni, 654 sq.), mais de la nature même de l’homme telle qu’elle est sortie des mains du Créateur. L’homme a été créé corps et âme. L’âme procède de Dieu, bien suprême ; le corps, de la chair, de la boue, de la terre. En vertu même de son origine céleste, l’âme recherche la vérité, la pureté, elle vise à honorer Dieu ; le corps, en revanche, « Incline à l’inertie, la paresse, l’ignorance et l’hébétude ». Ainsi les deux éléments qui font le composé humain ont des aspirations divergentes et qui se contrarient mutuellement ; le péché vient de l’entraînement de la chair et, encore que celle-ci se heurte aux résistances de l’esprit, elle ne laisse pas parfois de prévaloir. Soudain cependant l’esprit se réveille, la conscience, même chez les impics, rappelle à l’homme son devoir (Sch.-Sch., ibid., p. 100). Zwingli reproduit ici les vues de la philosophie populaire ancienne, selon laquelle l’inclination au mal est dérivée de la chair ou parlic sensible de notre être. L’homme fait le bien et s’élève dans la mesure où il se lihèrc de ces entraves, s’nllrnnchit de l’animalité et vit selon l’esprit. Ce thème se combine chez lui avec des aperçus d’histoire et de philosophie religieuses, qui, placés en épilogue du De vrra et falsa religione commentarlus.

sont sans doute ce qu’il y a de plus original et « moderne » dans tout ce qu’il a écrit (C. R., iii, 907 sq. [spécialement 909, 19], et P. Wernle, Zwingli, ut supra, p. 241 sq.).

Ceci même est un indice qu’on ne saurait négliger ce courant de pensée ou le considérer comme purement accidentel et sans influence sur la dogmatique zwingliennc (ainsi R. Pflster et A. E. Burckhardt). En fait, le passage du De Providentia n’est pas isolé ; il présente seulement sous une forme plus complète et systématique une doctrine dont les expressions affleurent dans la correspondance (cf. C. R., viii, 85, 25), dans les Commentaires sur l’Écriture (Sch.-Sch. , vol. vi, t. i, p. 642), dans le Commentaire sur la vraie et fausse religion (C. R., iii, 706, 8 ; 782, 6 sq.), et surtout dans les œuvres eucharistiques.

Le différend avec Luther a incité Zwingli à placer un abîme entre le corps et l’esprit et à souligner l’affinité qu’il y a entre notre esprit et l’Esprit divin : la manducation corporelle du Christ semblait du même coup exclue par ce dualisme (cf. C. R., v, 736, 13 : At ista |sc. anima] non vescitur carne, spiritu solo victilat ; v, 622, 13 : Spiritum enim esse oportet, qui menlem vivificet quique ad eam penelret). La vie divine procède en nous par une opération secrète de Dieu qui ne regarde que notre esprit, mens (cf. C. R., v, 622, 9 : In mentes noslras instillai uut inspirât [ibid., 629, 14] ; viii, 86, 31 : Modum autem nobis penilus ignotum quo Deus illabatur animse). La grâce (ou la foi) s’entend comme un contact d’esprit à esprit (Sch.-Sch., vol. iv, p. 10 : Nam gratia ut a spiritu divino fit aut dalur…, ita donurn istud ad solum spiritum pervenit). Selon une formule plus générale, Zwingli se plaît à opposer la manière dont Dieu agit « tant par rapport à lui-même que sur les substances spirituelles » (tam apud se quam in subslantias spiritales ) et le mode de ses opérations sur les choses corporelles (in rébus corpore amiclis, in rébus crassioribus) (C. R., v, 622, 6). Tout troisième terme est exclu, et l’âme humaine est apparemment rangée parmi les substances séparées ou traitée comme telle.

2. Comment ces vues se superposent-elles à celles qui précèdent ? Notamment en ce qui concerne l’origine du péché ou la ressemblance de l’homme avec Dieu ? La chute est ici hors de question ; la doctrine de Vimago se réduit à une affinité entre l’esprit de l’homme et l’Esprit divin (cf. Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 333 : //i mente aliquid esse, quod superne illapsum trahat et invilet). Chronologiquement parlant, il est certain que dans le domaine de l’anthropologie la pensée de Zwingli a évolué : si, jusqu’au Commentaire (1525), il fait front avec Luther contre la doctrine érasmienne du libre arbitre (cf. C. R., ix, 452, n. 4, et infra, col. 3795) et accentue la corruption de la nature humaine, il tempère ensuite son pessimisme et se rapproche de l’Antiquité et de la conception stoïcienne de l’homme. Aussi certains critiques ont-ils pu prétendre que son anthropologie tenait davantage de Platon et de Sénèque que de S. Paul (Bavinck, De Ethlek van Zwingli, p. 13). Une Idée cependant persiste chez lui en dépit de formulations diverses : qu’il s’agisse de l’imago ou de l’aspiration au bien du mens, sorte d’étincelle divine déposée en nous, il y a en tout homme une disposition naturelle au bien qui n’est pas détruite par le péché. C’est là en partie ce qui fonde son spiritualisme universaliste on sa doctrine du salut des païens (cf. infra, col. 3794).

m. CHKlsroi.oaiE. — Comme son anthropologie, la christologle de Zwingli se place sous le signe du dualisme : Serrât tameft ingenitim et nnlimim suant utraque pars, écrivait-il des deux parties du compose humain (Sch.-Sch., vol. iv, p. 99) ; Serval utraque nalitra proprielaltm suam, oI>mi vc-t-ll, concernant les