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ZWINGLIANISME. PAROLE DE DIEU


II. LA PAROLE EXTÉRIEURE ET LA PAROLE IN TÉ.

rievre. — 1° Zwingli rencontre ici une théorie de la Parole, défendue par Luther et plus encore par Joh. Brenz et les syngrammatistes, qui lui paraît inconciliable avec son spiritualisme. D’autant que, pour ces réformateurs, la parole est chargée de vertu physique autant que de sens mystique. Sans doute, à la parole créée correspond la Parole éternelle (verbum œternum), mais ils conçoivent la première comme un trait d’union entre Dieu et l’homme, voire comme le véhicule de la res œterna (ou objet de foi) et, dans le sacrement, du Corps glorifié du Christ (qui est intégré à la res œterna). En outre, ils distinguent entre parole extérieure ou prédication de la foi (cui credimus) et parole intérieure ou assentiment de foi (quo credimus) (cf. la critique de Zwingli, C. iî, iv, 912, 6 ; v, 520-21 1 ; 553 ; 590, 1 ; 792, 3).

Cette terminologie de résonance augustinienne est dérivée de la scolastique, et spécialement du scotisme. Zwingli ne l’accepte que pour la forme, mais il rompt les diverses corrélations établies, notamment entre parole extérieure et parole intérieure. Celle-ci, en effet, équivaut à admettre que la foi suit nécessairement la prédication — ce à quoi l’expérience donne un démenti maintes fois relevé ici — donc que la foi dépend d’un élément extérieur à elle. Or, pour Zwingli, la foi est une réalité purement intérieure : elle a quelque chose d’absolu et d’inconditionné ; elle possède même une priorité à l’égard de la doctrine ou parole entendue (cf. Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 333). La prédication, c’est-à-dire l’homme ou la lettre, n’engendre pas la foi, mais Dieu seul, l’Esprit divin, illumine l’esprit et tourne le cœur vers lui, par une action immédiate et toute gracieuse (cf. Sch.-Sch., vol. vi, t. i, p. 702 : Sic verbum per nos prædicatum non facit credentes, sed Christus inlusdocens ; cf. C. R., 1, 411, 15 ; ii, 111, 10 ; m, 260, 1 sq. ; 263, 10 sq. ; 681, 10 ; v, 591, 3 sq. ; Sch.-Sch. , vol. iv, p. 10 ; vol. vi, t. i, p. 261).

Loin même que la foi ou parole Intérieure soit tributaire de la parole extérieure, c’est le contraire qui est vrai. Zwingli retourne la relation : la parole intérieure, sise dans l’esprit (mens) du fidèle, juge de la parole extérieure, et elle n’est elle-même jugée par personne (cf. C. R., iii, 263, 20) : Sed intérim verbum fidei, quod in mentibus fidclium sedet, a nemine iudicatur, sed ab ipso iudicatur exterius verbum. C’est là le fondement de l’individualisme zwinglien en matière de fol et le motif foncier pour lequel il rejette le magistère catholique (C. R., iv, 77, 8). Par ailleurs, non seulement il décline toute Instrumentante de la parole humaine par rapport au Verbe, mais il refuse même d’admettre qu’il y ait concomitance ou parallélisme entre l’action extérieure de la parole (ou des symboles ) sur l’esprit et l’impression immédiate de l’Esprit de Dieu dans l’âme. Il entend par là mettre en relief la souveraineté et la liberté inconditionnée de l’Esprit, qui n’est lié à aucune instrumentante ou concours créé (Sch.-Sch., vol. iv, p. 10 : Dux autem vel vehiculum Spiritui non est necessarium ; ipse enim est virtus et latio qua cuncta jeruntur, non qui ferri debeat) : — affirmer aussi l’hétérogénéité du monde spirituel, selon lequel l’Esprit de Dieu et l’esprit humain (mens) communiquent, par rapport à tout le terrestre : parole humaine, lettre même inspirée, bref tout ce que l’Apôtre appelle les éléments du monde » (C. H., iv. 012, 20 ; rf. ii, 73, 6 ; iii, 872, 31). L’Esprit les transcende et leur reste en quelque manière étranger.

Que penser alors du fldrs ex audilu ? C’est là une figure de langage : On attribue à la cause la plus proche et la plus connue de nous ce qui est le fait de l’Esprit seul (Sch.-Sch.. vol. iv, p. 125). Est-ce à dire cependant que la prédication n’ait pat sa raison

d’être ? Zwingli, pour la justifier, recourt au bon plaisir divin, selon la notion de Dieu familière au volontarisme scotiste. La prédication correspond à une ordination positive de Dieu, alors même qu’elle est dénuée de toute efficacité intrinsèque. Les textes s’échelonnent ici de 1523 (cf. Auslegung des 18. Artikels, C. R., ii, 111, 9 : Ob man gluchwol den predgenden haben muss, etc.) et 1524 (Adversus Emserum, ibid., iii, 263, 22 : Quod et ipsum deus in médium adferri ordinavit) à 1530 (De Providentia, Sch.-Sch., vol. iv, p. 125 : Necesse est, quantum scriptur «  exemplis constet, ut prædicetur verbum). Il est normal que la prédication « le l’Évangile précède la genèse de la foi, mais ce serait se faire illusion que de croire qu’il existe entre ces deux phénomènes un lien causal. Ce serait minimiser la transcendance de l’action de l’Esprit de Dieu et de la foi elle-même, réalité que Dieu plante » immédiatement dans l’âme : Quo deinde (se. verbo), qui incrementum dat deus, velut instrumenta fidem plantet, sed sua viciniore ac propria manu (ibid.) ; l’instrumentante attribuée ici à la parole n’est donc pas à prendre au sens propre, ou elle est facultative (cf. la réponse à Eck, postérieure d’un an au texte précédent [1531] : Nunc citra instrumentum trahit, nunc cum instrumenta ; Sch.-Sch., vol. iv, p. 36).

2° Dans cette question, comme dans la question sacramentaire qui lui est connexe. loin d’aller à la rencontre de Luther, Zwingli s’en éloigne toujours davantage. Aussi bien, si le premier, en mettant l’accent sur la vertu charismatique de la Parole, semble suivre le courant de la Tradition ou renouer avec elle, le second marche à contre-courant ; seuls les excès des anabaptistes l’empêcheront de tomber dans l’illuminisme. Au début. Luther insistait sur la certitude de la fol causée directement par l’Esprit, supérieure à toute autorité et indépendante de toute médiation humaine (cf. Joh. Gottschick, dans Zeitschr. /ù> Kirchengesch., viii. 1886. p. 588). Il lia ensuite parole et sacrement, et le surcroît d’efficacité qui était attribué à la formule eucharistique rejaillit sur la condition de la parole évangélique elle-même. Nul doute que dans la controverse Zwingli ait été conduit à durcir ses positions. Dans le Von Klarheit und Gewissheit des Worles Gottes (1522), où il est sous l’influence du réformateur allemand, il a une section intitulée : « De la certitude et puissance (Kraft) de la Parole » : « La Parole de Dieu est si vivante, si puissante et si forte que toutes choses doivent lui obéir » (C. R., i, 356, 28 ; cf. l’interprétation tendancieuse que Peter Barth a donnée de la doctrine zwinglicnne, en se fondant sur cet opuscule : Zwinglis Beilrag zum Verstândnis der biblischen Botschaft, dans Reformierte Kirchrnzcitung, 1931, 81. Jahrg.. ]>. 220 sq., 260 sq., 298 sq.). — D’après le contexte, il s’agit plutôt de la vertu des promesses de Dieu qui leur est inhérente et appelle leur accomplissement (cf. C. U., i, 353, 8 sq.). Ailleurs Zwingli se plaît à relever l’essor pris par l’Evangile en son temps (C. R., iii, 263, 14) ; Il exalte en maints passages la vertu de la Parole qui est île nature à réformer le monde (cf. G. R.. I. 356. 28 ; n. 419, 16 ; 494, 23 ; 495, 9 ; 515, 2 ; iv, 210, 14 ; 641, 21 ; viii, 200, 10, etc.). L’optimisme de l’humaniste, pour qui la vérité a des droits imprescriptibles et doit finalement triompher, s’allie ici à la fol du réformât rur, qui voit iUM l’Evangile, avec S. Paul, la force de Dieu » (Nom., i, 19. cité C. R.. n. S7, 19). De même, Zwingli réclame des autorités civiles la libre prédication de l’Evangile (C. R., m. 73. 20 ; 493, 27 ; 494, 10, et infra, col. 3804 sq.) ; c’est donc quc rellc-cl n’est pas Indifférente. Par ailleurs, il a admis dans ses Eglises un ministerium verbl (Von drm Predigtamt. 30 juin 1523), et II renvoie