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ZWINGLIANISME. ZWINGLI ET L’ECRITURE


(C. / ?., ii, 26, 14.) Sur l’autorité des conciles, cf. C. R., i, 234, 5 ; 302. 26 ; 321, 12 ; 512, 17 ; 536. 8 ; ii, 447, 8 ; 682, 37 ; 765, 11 ; iii, 77, 18 ; 78, 1 ; 872, 7 ; iv, 73, 11 ; 74, 6, etc. Toujours la même alternative : ou Dieu, ou l’homme. Dieu est source de toute vérité : entendez non seulement une plénitude et un absolu de vérité, mais toute la vérité, en sorte qu’il n’y en a point en dehors de lui (C. R., ii, 475, 19 ; Sch.-Sch., vol. iv, p. 82). Le rôle de l’Esprit est précisément de nous admettre au partage de cette vérité, mais alors nous passons dans la sphère divine, et déjà l’Esprit nous saisit par ce qu’il y a de divin en nous, l’esprit qui lui est semblable (mens).

2° Le recours à l’Écriture. La Bible de Zurich. Méthode exégétique de Zwingli. — 1. Délaissant le magistère et la Tradition, Zwingli préconise le retour aux sources de la doctrine chrétienne, ce qui s’entend proprement de l’Écriture. L’Écriture est à la fois source et norme de foi pour qui la lit en esprit de simplicité et avec l’assistance de l’Esprit (C. R., i, 361, 31 ; 365, 24 ; 379, 25 sq. ; 381, 25 ; 561, 18). Cet appel à l’Écriture coïncide avec la diffusion du texte sacré. « Aujourd’hui, écrit Zwingli avec emphase, alors que la Sainte Écriture a trouvé par l’impression, spécialement à Bâle, accès au monde et à la lumière, il est loisible à tout chrétien pieux, pour peu qu’il sache le latin, de se laisser instruire et d’y puiser la connaissance de la volonté de Dieu » (C. R., i, 562, 5 ; cf. ii, 448, 22). Zwingli remarque qu’un prêtre zélé peut acquérir aujourd’hui en deux ou trois ans une science de l’Écriture qui lui eût demandé auparavant dix ou quinze ans (C. R., i, 562, 10). Mais « la connaissance de l’Écriture n’est plus désormais le privilège du prêtre, elle est devenue le bien commun de l’ensemble des fidèles » (ibid., 262, 32). Un mouvement de renouveau biblique se dessine alors en Suisse, auquel le réformateur lui-même participe. Rappelons quelques dates : 1521, les épîtres de saint Paul d’après les Paraphrases d’Érasme sont traduites en allemand par Léon Jud et imprimées à Zurich chez Froschauer ; 1522, impression à Bâle de la traduction du Nouveau Testament de Luther (à Zurich en 1524) ; de 1522 à 1527, on ne compte pas moins de douze éditions ou impressions du Nouveau Testament en allemand (cf. J.-J. Mezger, Geschichte der deutschen Bibel-Uebersetzung in der schweizerischen-reformierten Kirche…, Bâle, 1876). Zwingli conseille de lire les livres de la Bible dans l’ordre suivant : l’évangile de saint Matthieu, les autres évangélistes, les Actes, les épîtres de saint Paul, en commençant par Gal., les épîtres de saint Pierre, après quoi l’Ancien Testament, Prophètes et autres livres, « qui doivent être bientôt imprimés en latin et en allemand » (C. R., i, 563, 1-10 ; cf. C. R., i, 133, 2 ; 285, 2).

2. Il s’agit ici de la traduction élaborée par Zwingli et ses amis, comme suite à l’explication de l’Écriture donnée par le cadre de la Prophezei. Cette institution, ainsi nommée d’après I Cor., xiv, pour rappeler le caractère libre, inspiré et non magistral des réunions, est du 19 juin 1525 (cf. C. R., iv, 361 sq. ; 542, 5). La Bible traduite en langue vulgaire parut à Zurich en 1529 ; elle comprend l’ensemble des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Si elle doit beaucoup à la traduction de Luther pour les premiers (sur le cas que Zwingli en faisait, cf. C. R., v, 268, 18 sq.), elle est, du moins pour les livres prophétiques, une œuvre originale. Notons d’ailleurs que Luther travaillait sur la Vulgate ; il a eu trop tard entre les mains Ylnstrumentum d’Érasme ; Zwingli, en revanche, se flattait de ne lire l’Écriture que dans le texte original : ainsi à Marburg, devant Luther lui-même. La connaissance de l’hébreu, qu’il se mit à étudier à la veille même de l’introduction de la Réforme à Zurich (1522), eut sur

son exégèse et le développement même de son œuvre réformatrice une influence considérable. On ne l’a peut-être pas assez relevé (cf. cependant Emil Egli, Zwingli als Hcbrâer, dans Zwingliana. i, 153 sq. ; E. Nagei, Zwinglis Stellung zur Schrift, 1896, p. 37 sq. ; R. Stæhelin, Huldrych Zwingli, ii, 1897, p. 109 ; O. Rûckert, Von Zwinglis Ideen zur Erziehunq und Bildung, 1910, p. 82). Sur l’attitude de Zwingli à l’égard du Canon et des différents livres de l’Écriture : cf. Spôrri, Zwingli’s Lehre von der Hl. Schrift, dans Zeitschrift fur wissenschaftl. Théologie. 8. Jahrg., 1865, p. 19 sq. Sur l’inerrance de l’Écriture, voir C. R., iv, 83, 30 ; cf. ibid., 84. 2.

3. Dans son exégèse, Zwingli utilise de préférence la méthode allégorique. Au lieu de superposer le sens spirituel au sens littéral ou moral, comme Luther, il tend à laisser ce dernier pour faire fond uniquement sur le sens métaphorique. Divers facteurs ont agi dans ce sens : la lecture d’Origène, certaine remarque d’Érasme sur le caractère imagé des langues orientales, l’exemple de l’antiquité (Cicéron, Quintilien et Plutarque ; cf. C. R., v, 739, 1 sq.), enfin son spiritualisme même. Mais, en ce domaine de critériologie du Révélé comme à propos des différents dogmes, la polémique avec Luther a contribué à renforcer chez Zwingli une inclination qui s’ébauchait seulement. Prenant le contre-pied de la position du Wittenbergeois, il souligne que l’Écriture abonde en tropes (densilatem troporum), le Nouveau Testament et saint Paul lui-même, et il emploie pour les expliquer toutes les ressources de la grammaire et de la rhétorique (cf. C. R., iv, 575, 6 ; v, 481, 25 ; 641, 3 ; 782. 26 ; Sch.-Sch., vol. iv, p. 103, c. med.) : certains (P.e. Luther) échouent dans l’interprétation de l’Écriture sola ignoratione rhetorices. Sur les différents tropes, cf. C. R., v, 685 ; 703, avec les notes ; 735, 24 ; 776, 2 ; E. Nagel, op. cit., p. 97-102 ; Spôrri, art. cit., p. 33. Si certains traits indiquent encore la fidélité à la méthode érasmienne : importance du contexte, de la situation que l’écrivain sacré a en vue (C. R., v, 638, 14 ; iv, 564, 8), il faut reconnaître que le recours de plus en plus fréquent à l’allégorie devient chez Zwingli un procédé commode pour tourner la lettre de l’Écriture et tirer argument d’un texte en faveur d’une thèse préconçue.

4. La Bible de Zurich a joué au bénéfice de la Réforme en Suisse un rôle comparable à celui de la version allemande de Luther en Allemagne. En 1524, Zwingli pouvait écrire : « Les fidèles n’interrogent plus leurs curés et les gardiens de vaches et d’oies en savent plus long que les théologiens romains ; la maison de chaque paysan est une école, où on peut lire l’Ancien et le Nouveau Testament, l’art suprême (die hôchsten kunsl) » (C. R., iii, 463, 3). Cependant, un an plus tard, il constatait avec désenchantement : « Beaucoup de ceux qui lisent l’Écriture sont simplement instruits et éloquents au lieu d’être pieux et craignant Dieu (C. R., iv, 419, 1). Entre les mains des anabaptistes, qui sont visés ici, l’Écriture devint un instrument dangereux ; Zwingli fut contraint de rétablir une sorte de magistère (cf. infra. col. 3859). Cependant il ne se départit pas du culte de la vérité biblique et évangé^ lique : aux ministres de l’Église, il demande de prêcher l’Évangile d’après les quatre évangélistes et les apôtres, t afin que le peuple en devienne plus enclin et capable de vivre une vie chrétienne paisible » (C. R., i, 563, 13 ; cf. iv, 433, 1). Cette œuvre de pédagogie populaire et de vulgarisation biblique se continua après lui (cf. J.-C. Gasser, Vierhundert Jahre Zwingli-Bibel, Denkschrift zum 400jdhrigen Bestand der Zûrcher Bibel-Uebersetzung, Zurich, 1924). Cherchons donc à préciser l’attitude de Zwingli à l’égard de l’Écriture et, d’abord, de la Révélation en général.