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ZWINGLI. PERIODE ERASMIENNE


suite — que Je meure — au milieu de mes Jours, — que votre volonté soit faite. — Faites comme il vous plaît, — rien n’est trop pour moi, — Je suis votre vase, — gardez-le ou brisez-le ; — puis prenez avec vous — mon esprit — loin de la terre ; — faites en sorte qu’il ne devienne pas pire — ni qu’aux autres Jamais — il ne souille la vie pure et les mœurs !

Cette prière est fort belle assurément. Pourtant, l’on n’y trouve rien de ce sentiment poignant du péché qui avait poussé Luther, de conduite plus pure que lui, aux exagérations de sa mystique pseudoaugustinienne. Zwingli restera toujours l’humaniste érasmien qui croit à la beauté de la nature humaine et considère le péché originel comme une simple maladie héréditaire, non comme une corruption Incurable de la descendance d’Adam.

Ce qui prouve que Zwingli, à cette date, passe toujours pour un bon prêtre et un zélé défenseur de l’Église, c’est que le vicaire-général de Constance, Jean Faber, lui écrit le 17 décembre 1519, pour le féliciter d’avoir échappé « à la gorge de l’horrible peste ». Il lui parle avec la plus affectueuse amitié. Il déclare que tout péril qui le menace affecte la République chrétienne. Il lui insinue que » Dieu sait ceux qu’il doit, par le fléau, exhorter à la poursuite d’une vie meilleure ». Il termine en lui promettant de lui soumettre la réfutation qu’il prépare des thèses soutenues par Luther et Karlstadt à Leipzig, lbid., p. 240. Une autre preuve du bon renom de Zwingli, c’est qu’il avait été consulté, en novembre 1519, par un pieux et savant juriste de Fribourg-en-Brisgau, Ulrich Zasius, au sujet de ces mêmes thèses de Luther et Karlstadt. Zasius admirait Luther, mais il trouvait chez lui des expressions rebutantes ou déroutantes, notamment la négation de tout pouvoir pour le bien dans la volonté humaine, même avec le secours de la grâce. Ou je ne comprends pas, disait Zasius, ou je ne saisis pas la pensée des auteurs. » Il s’insurgeait d’autre part contre la négation par Luther de l’épiscopat universel du pape.

La réponse de Zwingli et les lettres où il parle des questions de Zasius nous fixent exactement sur sa position à cette date. Les problèmes mystiques sur l’impuissance de l’homme et la toute-puissance de la grâce ne paraissent pas l’intéresser. Il ne parle que de la primauté du pape. Pour lui, c’est donc le problème essentiel. On sait que, depuis le Grand-Schisme surtout et les théories conciliaires auxquelles il avait donné naissance, nombreux étaient les théologiens qui n’accordaient au pape, tout au plus, qu’une primauté plus ou moins conditionnelle et soumise à de multiples restrictions. La question ne sera tranchée qu’au concile du Vatican, en 1870. Ce n’est donc pas encore un indice d’esprit rcvolutionniiire anticutholique, que de voir Zwingli développer des arguments contre la primauté papale. Chose curieuse, ce zélé partisan des études bibliques ne cherche aucunement à approfondir 1rs preuves tirées traditionnellement de l’Écriture en laveur de la primauté j.ontiflrale, soit pour en infirmer la force soit pour en accepter 1rs conclusions. Il a recours au laborieux raisonnement que voici : « Le Christ est mort une fois pour nos péchés et désormais il ne meurt plus. Boni. vi. B s(|. ; oi. s’il ne meurt plus, il ne doit plus naître sous une forme humaine, ni il n’habitera plus avec nous corporellement, c’est-à-dire visiblement, pour établir’les lois nouvelle* : autrement, il ne serait plus le Christ. Il n dit en effet que son Testament nouveau leralt éternel. » Opem, t. vii, p. 218-222, 3*468, suri oui 260.

Cet exposé est tiré il une lettre adressée à son ami Myconius, le 4 janvier 1520. On avouera qu’il manque de clarté ! C’était aller chercher bien loin les éléments

d’une réfutation de la primauté papale. Nous ne pouvons nous expliquer une telle insuffisance et une telle légèreté de raisonnement que par l’effervescence qui régnait alors dans les esprits. On voulait conclure à tout prix et conclure contre Rome. On faisait donc feu de tout bois. Zwingli en était à ne plus voir dans Rome qu’une puissance de domination et d’argent. Il se glorifiait, lui, de mettre en évidence les droits du Christ, à la suite d’Érasme et de Luther. Parler en faveur du pape, c’est pour ces hommes-là attenter à la souveraineté du Christ, alors que, pour le vrai catholique, toucher à la primauté papale c’est attenter à la charte établie par le Christ ! On s’explique ainsi l’expression d’Antéchrists employée par Zwingli contre les partisans de l’autorité du pape. Dans une lettre à Myconius, du 31 décembre 1519, il écrivait en effet : « Que cette tourbe honteuse des Antcchrists nous accuse à la foi d’imprudence et d’impudence, tu ne dois pas t’en émouvoir. Nous commençons déjà à n’être plus des hérétiques, bien qu’ils le proclament très haut, en menteurs qu’ils sont. Nous ne sommes pas seuls en effet : à Zurich, plus de 2.000 enfants ou grandes personnes sucent déjà le lait spirituel et supporteront bientôt la nourriture solide, tandis que ces gens-là meurent de faim (spirituellement) ! Qu’ils appellent notre doctrine diabolique — alors qu’elle est celle du Christ et non la nôtre — c’est bien, car c’est à cela que je reconnais la doctrine du Christ et que nous sommes ses vrais hérauts ! C’est ainsi que les pharisiens prétendaient que le Christ avait un démon et qu’eux-mêmes faisaient bien. » Opéra, t. vii, p. 245.

Ces lignes font apparaître l’intensité de la lutte engagée dans tous les pays de langue allemande pour ou contre la primauté papale, depuis la dispute de Leipzig, de juin 1519. C’était l’époque où le moine de Wittenberg faisait dans la Révolution les pas décisifs. Avec lui marchaient encore les humanistes, les uns, comme Hutten et ses amis, avec enthousiasme, les autres, tel qu’un Érasme, avec de secrètes réserves que le public ignorait encore. Les camps s’étaient formés d’après les accointances et les affinités individuelles : d’une part tout ce qui tenait pour la scolastique médiévale ; d’autre part, tout ce qui se glorifiait du progrès des lumières et de la connaissance des langues anciennes, tout ce qui tendait au renouveau de la théologie par un « recours aux sources pures de la doctrine », selon le mot d’Érasme. Zwingli était évidemment de ces derniers et il était déjà connu comme tel. De Bâle, Capito et Hedio lui écrivent, le consultent ou le poussent ; de Lucerne, où Myconius s’était transporté, il ne cesse de l’aiguillonner. L’éditeur Froben le tient au courant des publications nouvelles. C’est du reste un heureux temps pour la librairie : pamphlets, traités petits ou gros, écrits de toute sorte, éditions des Pères et commentaires des Écritures se croisent, se combattent, s’additionnent et s’accumulent. Chaque mois, chaque semaine a ses nouveautés littéraires. Les esprits sont en pleine ébullition.

l’.icn ne prouve cependant que Zwingli ait adopté intégralement la doctrine de Luther à cette date. Il se conduira du reste toujours à son égard en disciple très indépendant, prenant son bien ou ce qu’il croit li 1 mi il le trouve, adoptant une idée, rejetant la voisine, se faisant son système à lui et ne jurant d’après aucun autre maître qui’la Bible Interprétée par lui-même, c’est-à-dire en somme ne jurant que par son propre « sens. Il pouvait donc dire, ni toute sincérité, qu’il n’était pas luthérien.

lin seul* rliose est sure, c’est qu’en l’année 1520. il a rompu, dans son cnur, avec Rome, sans cessci