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ZENON DE VÉRONE


tions ou des conclusions pour des discours dont le corps pouvait être improvisé. Quelques-unes sont même étrangères au genre oratoire et celle qui ouvre le premier livre est une lettre. Il est très probable que Zenon lui-même n’a pas songé à recueillir ses sermons, mais que plus tard, dans le courant du ve siècle, une main pieuse s’est attachée à réunir tout ce qui subsistait de l’activité littéraire de l’évêque. On s’explique ainsi pourquoi saint Jérôme et même Gennade n’ont pas cité, au nombre des écrivains, un homme qui, au sens strict, n’avait publié aucun ouvrage.

La plupart des homélies de Zenon sont des exhortations d’ordre moral ; plusieurs d’entre elles sont adressées soit aux catéchumènes peu de temps avant leur baptême, soit aux néophytes au cours de l’octave de Pâques ; les autres, celles qui sont destinées à tous les fidèles, insistent également avec beaucoup de force sur la pratique de la vertu et leur lecture n’est pas sans jeter un jour curieux sur les mœurs, souvent assez rudes, des Italiens du Nord, encore fraîchement convertis au christianisme, qui étaient les ouailles de Zenon. Le bon évêque se présente lui-même comme un esprit sans grande culture, homo imperitissimus et elinguis, Tractât., i, iii, 1 et il ajoute que dans l’Église on n’a pas besoin de discours brillants, mais de la pure et simple vérité. Il s’abuse lorsqu’il s’exprime ainsi, car il a reçu lui-même une forte culture classique et il utilise à l’occasion toutes les ressources de la rhétorique : anaphore, allitérations, cursus rythmique, parallélisme, rien ne fait défaut à son style de ce qui est capable de le faire valoir aux yeux des beaux esprits de ce temps-là.

Sa théologie est assez fruste, comme on peut s’y attendre de la part d’un homme qui vit en Occident en un temps où la doctrine trinitaire n’a pas encore trouvé chez les latins sa formule définitive et où Tertullien reste le maître toujours écouté et respecté de ceux qui essayent de pénétrer le mystère. Sans doute, l’évêque de Vérone proclame l’unité de substance du Père et du Fils : ils sont comme deux mers qu’emplit la même eau ; le Père s’est reproduit dans le Fils, tout en restant ce qu’il était, Tractât., II, 2, P. L., t. xi, col. 391-392. Il affirme leur égalité : sancta sequalitas ac sibi soli dignissima individus deitatis… Deus in alio se inferior esse quemadmodum potest ; quidquid enim uni ex duobus indiscrète in omnibus sibimet similanlibus detraxeris, cui detraxeris nescis. Tractât., II, i, 1 ; cf. II, m ; II, v, 1 ; vi, 3, 4. Mais il semble quelquefois moins net et par exemple Tractât., II, v, 1, col. 400, il parle du Fils comme s’il était inférieur au Père, sans viser ni l’incarnation, ni les théophanies. Et surtout quand il doit s’expliquer sur la naissance éternelle du Verbe, il reprend la théorie des apologistes sur le double état du Verbe, d’abord immanent dans le sein du Père et alors presque simple attribut de Dieu, puis proféré pour la création et acquérant ainsi sa pleine personnalité. Principium, praires dilectissimi, Dominus noster incunctanter est Christus, quem ante omnia ssecula Pater in profundo suse sacrse mentis arcano insuspicabili ac soli sibi nota conscientia, Filii non sine affecta, sed sine revelamine amptectebatur… Procedit in nativitatem qui erat, antequam nasceretur in Pâtre, œqualis in omnibus. Tractât., II, iii, cf. II, iv ; II, v, 1. D’autres passages, il est vrai, rendent un son moins archaïsant, Tractât., II, 2, col. 392. Il est déjà étrange qu’on retrouve, après 360, de telles expressions.

Les problèmes relatifs au Saint-Esprit n’ont pas encore toute leur acuité au moment où Zenon instruit le peuple de Vérone. Aussi l’évêque se contente-t-il de dire, sans entrer dans de longs détails, que le Saint-Esprit n’est pas une créature, qu’il n’est pas étranger

à la nature divine, qu’il est Dieu. Tractai., i, iv, 5, col. 268 ; II, xiii, 1. Il ajoute que son rôle, dans la vie intime de Dieu, est d’être le lien des deux autres personnes, Tractai., II, ii, col. 392 ; de telle sorte qu’en lui s’achève la Trinité.

Sur l’incarnation, l’enseignement de Zenon peut encore laisser prise à la critique, car il emploie des formules imprécises. L’évêque de Vérone pose en principe qu’en s’incarnant, le Verbe n’a pas cessé d’être ce qu’il était : Saloo quod erat, meditatur esse quod non erat, Tractât, II, viii, 2 ; cf. II, ix, 2 ; et cela est très bien ; il sait donc fort bien que Jésus est à la fois Dieu et homme et sa foi n’éprouve aucune hésitation sur ce point capital, mais, lorsqu’il s’agit de s’expliquer sur l’union des deux natures et sur l’unité de la personne, son langage prend des allures un peu déconcertantes. Parfois, il s’exprime comme si, dans le Christ, l’homme et Dieu n’avaient qu’une union morale. Infunditur (Deus) in hominem, Tractât., II, viii, 2 ; Deus, ex persona hominis quem assumpseral, ait. Tractât., i, xvi, 14. D’autres fois au contraire, il semble favorable à une théorie monophysite : Mistus ilaque humanse carni sese fingit infantem. Tractât., II, viii, 2 ; homo mistus, Tractât., II, vi, 1 ; Tu Deum in hominem demulare voluisti. Tractât., i, n, 9. La présence simultanée de ces formules contradictoires est d’ailleurs faite pour nous rassurer, car il est clair qu’elles ne sauraient procéder d’une idée arrêtée, et qu’elles sont des essais, parfois malencontreux, pour traduire une pensée orthodoxe : Zenon veut avant tout mettre en relief l’idée que les deux natures, humaine et divine, ont gardé leurs propriétés, que chacune d’elles agit selon sa propre loi et cependant que le Christ n’est pas divisé, qu’il est un en dépit des éléments différents qui le constituent : In se Maria creatorem mundi concepit… exponit infantem totius naturse antiquitate majorem, Tractât. , II, viii, 2. Et ailleurs : Vagit Deus, patiturque se pannis alligari qui totius orbis débita veneral sotuturus… Subjicit se gradibus œlatis eu jus œternitas in se non admiltit œtatem. Tractât., II, ix, 2 ; vii, 4. De telles oppositions sont fréquentes chez les Pères du ive siècle. Il ne faut pas leur demander dans les formules une précision qui ne sera poursuivie et obtenue qu’à la suite des controverses christologiques du ve siècle.

Sur la rédemption, on trouve fort peu de choses chez Zenon. Il sait que le Fils de Dieu est venu en ce monde pour nous sauver, qu’il nous a rachetés en prenant sur lui le poids de notre péché : Tractât., i, n, 9, qu’il nous a mérité le salut par ses souffrances et par sa mort, mais il n’insiste pas sur ces vérités élémentaires. Il sait également que le baptême est nécessaire au salut, et plusieurs de ses homélies expliquent les effets d’un sacrement aussi nécessaire. Les petits enfants eux-mêmes, ajoute-t-il, peuvent le recevoir et il produit en eux tout aussi bien que dans les adultes ses bienfaits de grâce, Tractât, I, xiii, 11 ; II, xliii, 1. Il efface nos péchés, il nous revêt de Jésus-Christ ; il fait de nous les temples et les enfants de Dieu ; il est pour notre corps un gage d’immortalité et nous fait entrer en possession de l’héritage céleste. Tractât, I, xii, 4 ; I, xiii, 11 ; II, xiv, 4 ; II, xxvii, 3 ; II, xl ; II, l ; II, lxiii. La confirmation suit immédiatement le baptême et c’est à l’onction d’huile suivie de l’imposition des mains qu’est attribuée plus spécialement la collation du Saint-Esprit et de ses dons. Tractât, II, xiv, 4. L’eucharistie, qui est un sacrifice, Tractât, I, v, 8 ; I, xv, 6, est le sacrement du corps et du sang de Jésus-Christ, Tractât, II, xxxviii ; II, lui ; I, v, 8, et il faut une conscience pure pour la recevoir dignement. Tractât, I, v, 8. Mais tout cela est dit en passant et l’évêque de Vérone n’a pas l’occasion de donner un enseignement