Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 15.2.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

1743

    1. TRINITÉ##


TRINITÉ. SAINT THOMAS

1744

de voir. I », q. xxviii, a. 1. Or, en Dieu, la relation ne peut avoir d’autre réalité que la réalité même de l’essence. Gilbert de la Porrée a été condamné à Reims pour avoir distingué la réalité de l’essence de celle de la relation ; et peut-être aussi Joachim au IVe concile du Latran. En Dieu, la réalité de la relation ne peut être que substantielle ; cette réalité s’identifie donc avec l’essence divine, a. 2. Et pourtant il est nécessaire que les relations se distinguent entre elles réellement, non pas dans l’ordre d’où elles tirent leur réalité (esse iii), mais dans ce qui fait leur opposition (esse ad). Sur tous ces points, voir Relations divines, t. xiii, col. 2141-2145. Tout en s’identifiant avec l’essence dans leur réalité, les relations en demeurent distinctes d’une distinction de raison. In 7um Sent., dist. XXXIII, q. i, a. 1. Les théologiens postérieurs chercheront à préciser d’une manière plus subtile la nature de cette distinction. Voir plus loin.

S’identifiant avec l’essence divine, les relations sont dites subsistantes, c’est-à-dire qu’elles existent en elles-mêmes et par elles-mêmes, en raison de leur identité avec l’essence divine. Cette conclusion se dégage nettement des principes posés par saint Thomas, encore que le mot subsistentia ne présente pas chez lui de signification absolument fixe. Voir les exemples cités à Relations, col. 2153.

En raison de leur opposition d’origine, les relations divines ne peuvent être qu’au nombre de quatre : paternité = filiation ; spiration (active) = spiration (passive). Q. xxviii, a. 4 ; cf. q. xxx, a. 1, 2, et ad l um.

e) Les personnes divines. —

Saint Thomas conserve la définition de Boèce : persona est rationalis naturæ individua substantia, individua marquant ici l’incommunicabilité. Q. xxix, a. 1 ; cf. III », q. ii, a. 2 ; In /" » Sent., dist. XXV, a. î ; De potentia, q. ix, a. 2 ; De unione Verbi, a. 1. Il faut donc identifier personne, hypostase, subsistence (au sens concret), chose de nature, lorsque ces trois derniers termes indiquent un individu raisonnable. Ibid., a. 2 ; cf. In II am Sent., dist. XXIII, a. 1 ; De potentia, q. ix, a. 1. Ces noms, et très proprement le nom de personne, peuvent et doivent être transférés à Dieu, avec l’analogie et l’excellence qui conviennent. Ibid., a. 3 ; cf. a. 2 et a. 3. Ces principes posés, saint Thomas rappelle que le mot « personne » signifie en Dieu la relation d’origine, mais considérée comme subsistante. Ibid., a. 4 ; cf. a. 3 et dist. XXVI, q. î, a. 1 ; De potentia, q. ix, a. 4. Et c’est par là que s’achève la solution de la difficulté provenant de l’unité de l’essence et de la trinité des personnes, solution esquissée à la q. xxviii, a. 3 ; ad l um et qui a été développée à Relations, col. 2155-2156.

Qu’il y ait seulement trois personnes en Dieu, cela résulte non seulement de la révélation qui impose cette croyance, mais de la définition même de la personne en Dieu. Puisque la personne est la relation subsistante, incommunicable, la spiration active, commune au Père et au Fils, ne peut constituer une personne, I », q. xxx, a. 1-2 ; cf. xxxi, a. 1, a. 6 ; In I am Sent., dist. X, a. 5 ; Conl. Gentes, t. IV, c. xiii, xxvi ; De potentia, q. ix, a. 9 ; Comp. theol., t. I, c. lvi, lx.

Enfin — conclusion logique — c’est par l’opposition des relations que les personnes se distinguent entre elles, I », q. xl, a. 2, ad 2um ; cf. De potentia, q. viii, a. 3 ; q. ix, a. 5, ad 18 om. On a vu plus haut l’opinion moins catégorique de saint Bonaventure, d’Alexandre de Halès et de leur école. Pour saint Thomas, les relations non seulement manifestent et notifient la distinction des personnes ; elles la réalisent effectivement par leur opposition mutuelle. L’a. 3 de la q. xl de la Somme est sur ce point aussi catégorique que possible. Sans les citer, l’Angélique docteur combat les théologiens franciscains : même si, par simple abstraction, nous enlevions des personnes divines l’idée de relation, il ne resterait plus que l’idée d’essence unique. Cf. In I um Sent., dist. XXVI, q. î, a. 2 ; De potentia, q. viii. a. 4 ; Comp. theol., t. I, c. lxi, lxii. Toute l’école thomiste est ici avec le Maître.

Tels sont les principes généraux par lesquels il est possible de montrer quelle est la vraie pensée de saint Thomas sur quelques problèmes trinitaires purement scolastiques :

a. Les personnes divines sont constituées dans leur être personnel formellement et uniquement par l’opposition qui réalise leur distinction. Par conséquent, la spiration active ne peut être invoquée à aucun titre comme constituant l’être personnel du Père et celui du Fils. Cette solution est contestée par plus d’un théologien des écoles non thomistes, ainsi qu’il apparaîtra plus loin.

b. Les notions et les personnes sont identiques ; les notions ne font que marquer d’une façon abstraite la raison qui, dans les personnes mêmes, les distinguent l’une de l’autre. Essentia in divinis est ut quid, persona vero ut quis, proprietas autem ut quo. I », q. xxxii, a. 2. Voir Notion, t. xi, col. 802.

c. La procession et la relation en Dieu sont formellement la même réalité et ne diffèrent que dans les termes. Cf. I », q. xli, a. 1, ad 4 nm. Selon leur mode de signification, la procession diffère de la relation comme l’implicite de l’explicite. Ibid. Cf. q. xl, a. 2.

f) Le Père. —

Voir ici t.xii, col. 1188 sq. Avec tous les théologiens, saint Thomas enseigne que le Père est et doit être appelé « principe », puisqu’il est à l’origine des processions divines. I*, q. xxxiii, a. 1. Bien que marquant la relation d’origine, le mot « Père » est un nom personnel, car en Dieu la relation de paternité est subsistante, a. 2 ; toutefois la paternité peut être affirmée essentiellement de Dieu par rapport à ses créatures et en ce cas elle appartient en commun aux trois personnes, c’est-à-dire à la divinité comme telle. A. 3. Enfin le Père est l’inengendré, en tant qu’il lui est propre de ne procéder d’aucun autre. A. 4. C’est à ce propos que, dans l’ad 1um, saint Thomas réfute la thèse de saint Bonaventure accordant à l’innascibilité une réalité positive qui en ferait le principe de la fécondité divine. La vraie considération des choses ne sépare pas la relation de sa subsistence dans la personne divine, voir ci-dessus ; elle exige, contrairement à l’affirmation de Pierre Lombard et de saint Bonaventure, qu’on dise : générât quia Pater.

g) Le Fils. —

Qui a étudié le Père a étudié le Fils, les deux relations de paternité et de filiation étant concertantes, I », q. xxxiv, introduction.

C’est surtout la dénomination de Verbe qui retient l’attention du saint Docteur. Eo Filius quo Verbum et eo Verbum quo Filius, répète saint Thomas après saint Augustin. Dieu ne reçoit pas la vérité ; il la pose comme le terme d’un acte qui est son être même ; il ne la conçoit pas comme l’intelligence conçoit le verbe mental ; il l’engendre. Par là même qu’il pense, il est Père et uniquement père et la Vérité est son Fils par là même qu’elle est son Verbe. On a dit comment la procession du Verbe réalisait la définition aristotélicienne de la génération, voir col. 1742. Saint Thomas a voulu marquer d’un trait admirable la différence entre la génération divine, toute intellectuelle, et la génération charnelle :

La génération charnelle des animaux exige une vertu active et une vertu passive : vertu active qui caractérise le père, vertu passive qui caractérise la mère. Parmi les choses exigées pour la génération d’un fils, les unes conviennent au père et d’autres conviennent à la mère… Or la procession du Verbe est définie comme l’acte par lequel Dieu se pense lui-même. Cette pensée ne provient d’aucune vertu passive, mais d’une sorte de vertu active, puisque l’intelligence divine n’est pas en puissance, mais seulement en acte. Donc, dans la génération du Verbe de Dieu, aucune