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WILFRID D’YORK (SAINT)


autres sièges seraient établis, à Lindisfarne, Hexham et Sidnacæster. Wilfrid s’insurgea contre ce coup d’État et déclara qu’il en appelait à Rome (678).

C’était chose presque inouïe en Occident et surtout en Angleterre qu’une pareille démarche ; elle mérite d’autant plus d’être signalée. Théodore n’en tint pas compte dans la pratique, tout en s’efïorçant, par l’envoi à Rome d’un émissaire, d’en prévenir les effets. Wilfrid cependant faisait pour gagner la Ville éternelle un long détour par la Frise, voulant éviter la Gaule, où le féroce Ébroïn, à la sollicitation d’Egfrid, était prêt à l’arrêter. La Frise était encore presque entièrement païenne ; ayant gagné la faveur du duc Aldgild, Wilfrid y travailla quelque temps à jeter les semences de l’Évangile, préludant ainsi au travail missionnaire de saint Willibrod ; puis il remonta le Rhin, passa à la cour du roi d’Austrasie, Dagobert II, qui lui aurait offert l’évêché de Strasbourg, et finit par atteindre Rome. Dans un synode du Latran qui suivit d’assez près le concile (679 ou 680) relatif à l’affaire monothélite, sa cause fut entendue. (Sur la distinction du concile de Wilfrid et de l’assemblée contre le monothélisme, il y a eu discussion, de même que sur leurs dates respectives. Voir Hefele-Leclercq, Histoire des conciles, t. ni a, p. 476 sq., à l’avis de qui nous nous rangeons ; et cf. Jaffé, Regesta pont. Rom., t. I, post n. 2106.) Quoiqu’il en soit, l’affaire de Wilfrid fut ventilée en présence du pape ; mais l’émissaire de Théodore avait su prévenir l’esprit de celui-ci. On n’accorda à l’évêque d’York qu’une demi-satisfaction : la division de la Northumbrie entre quatre évêchés était reconnue, bien que l’on déclarât irrégulière la promotion des titulaires qui avait été faite ; une nouvelle élection aurait lieu et Wilfrid était invité à s’arranger amicalement avec ses nouveaux collègues.

Retardé pendant son voyage à travers la Neustrie par le mauvais vouloir d’Ébroïn, Wilfrid fut fort mal accueilli en Northumbrie, l’appel à Rome ayant été considéré par le roi Egfrid comme une atteinte à son autorité. Une assemblée réunie par le souverain déclara faux les actes rapportés de Rome et condamna Wilfrid à la prison. Sans doute on lui fit remise d’une partie de la peine, mais on l’expulsa de Northumbrie, et il se vit interdire aussi l’accès des royaumes alliés de Mercie et de Wessex. Il ne restait comme ressource au condamné que de s’établir dans le Sussex, encore presque entièrement païen, où le roi Aedilwalch lui témoigna quelque faveur, lui accordant à Selsey un domaine pour l’établissement d’un couvent et d’un siège épiscopal. À la faveur d’un changement de règne, il put également rayonner dans le Wessex, et de là dans l’île de Wight, dernier refuge du paganisme (après 683). La renommée de ces conquêtes évangéliques amena Théodore à tenter une réconciliation, d’autant qu’Alchfrid, l’ancien protecteur de Wilfrid, avait remplacé le roi Egfrid (685). En 686, Wilfrid put rentrer en Northumbrie. Il administra d’abord les évêchés de Hexham et de Lindisfarne. Puis, le mi ayant expulsé les évoques d’York « de Ripon, Wilfrid put reprendre le gouvernement de son ancien diocèse d’York, revenu à l’unité. Mais Wilfrid voulait davantage ; la reconnaissance de sa juridiction métropolitaine sur toute la Northumbrie. Aussi se refusait-il à reconnaître les décréta archiepiscopi Theodori pris entre 678 et 686. De nouveaux conflits étaint inévitables, tant avec Cantorbéry qu’avec les évêchés nortbumbrlens. Conflits d’autant plus dan gereux que Wilfrid avait réussi à se brouiller, pour des raisons tout a fait personnelles, avec le roi Aie h frid, son ancien protecteur, Il se retira donc en Mercie en 691, ou il connut, d’ailleurs, d’autres difficultés. Indésirable en Mercie, indésirable en N’ort humhric, il

s’entendit condamner au concile d’Austerfield (ou Oustrefelda), où l’on se refusa à admettre ses explications. Il serait privé de toutes ses possessions en Northumbrie et en Mercie et ne conserverait que le couvent de Ripon (702). En attendant, il était excommunié avec tous ses adhérents. Voir Hefele-Leclerc, op. cit., p. 591 sq.

Wilfrid se tourna une seconde fois du côté de Rome ; malgré son grand âge il refit le voyage qu’il avait fait tout jeune. Ce fut le pape Jean VI (701-705) qui le reçut et soumit sa cause à un synode romain, où le nouvel archevêque de Cantorbéry, Britwald, le même qui avait présidé le concile d’Austerfield, s’était fait représenter. Il ne fallut pas moins de quarante séances pour terminer l’affaire (704) ; encore ne le fut-elle pas à la parfaite satisfaction de Wilfrid : « Comme les deux évêques Jean et Bosa, dont les prétentions opposées à celles de Wilfrid étaient le point principal de l’affaire, n’avaient pas paru à Rome, on ne prononçait point de sentence définitive. Ordre était seulement donné à Britwald de tenir un concile avec Wilfrid, où l’on convoquerait ces deux évêques, pour obtenir un compromis entre leurs prétentions réciproques ; si ce compromis ne pouvait aboutir, tous devraient venir à Rome pour que l’affaire fût reprise à nouveau. » Cf. Jaffé, Reg. pont. Rom., n. 2142 ; texte dans P. L., t. lxxxix, col. 59.

De dépit Wilfrid voulut rester à Rome, pour y terminer ses jours en paix ; le pape le contraignit à retourner dans son île et Wilfrid dut s’exécuter. Il ne fut reçu qu’avec peine par le roi Alchfrid, lequel mourut en 705. Ce fut seulement après cette mort que Britwald put convoquer à Nithfluss, en Northumbrie, le concile demandé par le pape (705). Suivant la teneur des lettres pontificales, les deux évêques Jean et Bosa furent mis dans l’alternative de céder leurs diocèses à Wilfrid ou d’aller défendre leur cause à Rome. Ils finirent par s’incliner ; on parvint à réconcilier les deux parties et l’on s’entendit sur une transaction : Bosa demeurerait évêque d’York et Wilfrid conserverait les deux monastères-évêchés de Ripon et de Hexham. Ce fut la dernière querelle de Wilfrid ; il put enfin jouir de la paix ; il mourut quelques années plus tard, le 21 avril 710 ( ?), à Oundle (Northamptonsh. ), d’où son corpsfut rapporté à Ripon ; au xe siècle, il sera transféré à Cantorbéry.

Bien que sa vie intéresse principalement l’historien de l’Église, elle ne laisse pas de fournir quelques enseignements au théologien. Celui-ci constatera dans quel état inorganique était demeurée, cent ans après la conquête chrétienne, l’Angleterre ecclésiastique : rivalité des usages scots et romains, instabilité des évêques, interventions continues et capricieuses des roitelets de l’Heptarchie dans les affaires de l’Église, absence, même chez les « Romains », d’une hiérarchie tant soit peu sédentaire, tout cela n’était pas de nature à donner vigueur au christianisme insulaire. C’est de Rome que sont venues, en tin de compte, les interventions efficaces : la nomination de Théodore de Cantorbéry a été un coup de maître, mais Rome, par ailleurs, s’est toujours réservé le droit de contrôler à distance l’action de ceux qu’elle envoyait ; la réception des appels de Wilfrid, les jugements si mesures qui, à chaque fois, ont été rendus dans ses affaires témoignent du souci qu’avait la papauté de montrer paît ont son droit de regard dans toutes les affaires ecclésiastiques.

Sources.

La principale est la’ita Wilfrtdi epUcopt,

rédigée par Ileddl (nu fitienne) ; elle n été publiée d’abord ptU Maliillnu. Ado sunrt. (>. S. B., t. IV a, p. 721, (|iii a

donné quelques complément ! au t. iv b, suppléai. ; puis

par l.iles, VtttB quonmilum sont ttirum, Londres, 1854 ; ensuite pal Haine, 1 lie histnriims o/ the Cluin h n/ V.irA tintl