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2885 PRÉDESTINATION. S. AUGUSTIN, GRATUITÉ DU DON DIVIN 2886

pnvmium ejus est, gralia est pro gralia, lanquam menés pro justilia, ut verum sit, quoniam vcruin est, quia reddel unicuiquc Deus, sccundum opéra ejus. Jbid. Ce n’est là qu’une façon originale de dire que Dieu récompense notre activité, mais que cette récompense n’en demeure pas moins purement gratuite : Si" erqo Dei dona sunt bona mérita tua, non Deus coronat mérita tua lanquam mérita tua, sed lanquam dona sua. Ibid., vi, 15, col. 891.

Il plaît à saint Augustin d’insister non seulement sur l’absence de tout mérite, mais sur l’accumulation des démérites. Il faut que ceux-ci, qui sont la libre conséquence de la très sage permission du péché, fassent éclater la raison d’être de cette permission, montrent la toute-puissance divine : Quandoquidem non solum niitlis bonis sed etiam mullis meritis malis præcedenlibus f gratiam Dei) videmus dalam et quotidie dari videmus. De grat. et lib. arb., vi, 13, t. xliv, col. 889.

Ceux qui veulent que la grâce récompense le mérite antécédent se trompent singulièrement, en dépit de tous les textes qu’ils peuvent mettre en avant. N’aperçoivent-ils donc pas la contradiction de leur effort ? Illi ponunt merilum hominis quod dietum est ( I Par., xxviii, 9) : « Si queesieris eum », et seeundum hoc merilum dari gratiam, in eo quod dietum est : « invenietur tibi », el omnino laborant, quantum possunt, ostendere gratiam Dei seeundum mérita nostra dari ; hoc est gratiam non esse gratiam. Quibus enim seeundum merilum redditur, non imputatur merees seeundum gratiam, sed seeundum debitum, sicut aperlissime dicil Aposlolus (Rom., iv, 4) Ibid., v, 11, col. 888 : et ailleurs : Gralia vero non seeundum merilahominum datur, alioquin gralia jam non gralia, quia ideo gralia vocatur quia gratis datur. Ibid., xxi, 43, col. 909.

Toute la réalisation de la prédestination par la grâce efficace revêtira donc ce caractère de gratuité absolue. C’est en vain que les semi-pélagiens voulaient faire exception pour la foi. La parole de l’Apôtre est formelle : Non enim dixit : « misericordiam eonseculus sum, quia fidelis eram », sed « ut fidelis essem » (I Cor., vu, 25), hine oslendens etiam ipsam /idem haberi nisi Deo miserante non posse et esse donum Dei. De grat. et lib. arb., viii, 17, t. xliv, col. 891. De la prière pour les infidèles (Rom., x, 1), Augustin tire ce raisonnement : Oral Aposlolus, pro non credenlibus, quid nisi ut credant ? Non enim aliter consequuntur salulem. Si ergo fides oranlium Dei prævenit gratiam, numquid eorum fuies, pro quibus oraturul credant, Dei prævenit gratiam ? Paul parlait et priait en connaissance de cause. Sa vocation à la foi, sur le chemin de Damas, fut un comble de gratuité et Augustin que nous avons vu invoquant l’exemple de cette vocation en faveur de l’efficacité intrinsèque et non nécessitante de la grâce, y fait encore appel en faveur de sa gratuité absolue. De grat. el lib. arb., v, 12, t. xliv, col. 889.

Il serait superflu de revenir sur la gratuité du don de persévérance finale, corollaire obligé de sa nature et de son rôle dans la réalisation de la prédestination. Au reste, pour le saint docteur, la gratuité totale de celle-ci ne fait pas plus de difficulté que sa gratuité initiale : Si" operatur Deus fidem noslram, miro modo agens in cordibus nostris ut credamus. numquid meluendum est ne tolum facere non possit ? De prsed. sanct., ii, 6, t. xliv, col. 863. Quelle étrange conception que de revendiquer pour l’homme toute initiative dans le commencement, afin d’enchaîner l’action divine à ses mérites dans la suite. C’est Dieu qui est à la source de toute notre vie morale et en procure le mystérieux accroissement : Quis… non faleatur a Domino Deo nobis esse, ut declinemus a mato et faciamus bonum ?… Sciebal (Aposlolus) hsec omnia non vatere quæ planlando et rigando faciebal in aperto, nisi eum pro illis exaudiret oranlem, qui dat incrementum in occutto. De corr. et grat., Il, 3, t. xliv, col. 918.

Aussi quelle place peut-on faire décemment aux mérites de l’homme ? Unde salis dilucide ostenditUT et inchoandi, et usque in finem perseverandi gratiam Dei non seeundum mérita nostra dari. De dono pers., xiii, 33, t. xlv, col. 1012. C’est la très secrète, très juste, très sage et très bienfaisante volonté de Dieu qui en tient lieu : Sed dari seeundum ipsius seeretissimam, eamdemque justissimam, sapienlissimam, beneficentissimam voluntatem. Ainsi se réalisent efficacement et sans repentanec les décrets prédestinants : Qumiam quos prædestinavit, ipsos et vocavil vocatione Ma de quu dietum est : Sine pœnitentia sunt dona et vocatio Dei. Ibid.

Qu’on ne fasse pas appel, pour sauver de l’erreur la doctrine contraire, à des mérites futuribles. Nous avons entendu Augustin taxer d’absurdité la prescience divine dont ces mérites seraient l’objet pour devenir ensuite la règle de la prédestination. Le châtiment de Tyr et de Sidon, qui cependant auraient eu le mérite de la docilité à l’Évangile, si celui-ci leur eût été prêché, justifie le jugement sévère du saint docteur : Si etiam seeundum jacta quæ fæluri essent si viverent morlui judicantur, profecto, quia fidèles futuri crant isti (Tyrii et Sidonii) si eis eum tanlis miraculis fuisset Evangelium prædicatum, non sunt utique puniendi ; punientur autem ; falsum est igitur et seeundum ea morluos judieari, quæ fæluri essent si ad viventes Evangelium pervenirel. Ibid., ix, 23, col. 1006.

Et que d’inconvénients à admettre cette sorte de mérites ! Le moindre n’est pas la falsification de l’Écriture : Cum unusquisque reeipiat sive bonum, sive malum, seeundum ea quæ per corpus gessil, non seeundum ea quæ gesturus esset, si diulius fuisset in corpore, sicut Aposlolus (II Cor., v, 10) définit, Epist., ccxvii, 22, t. xxxiii, col. 986, ou tout au moins sa contradiction : Cum dicat Scriptura : « Felices morlui qui in Dcmino moriuntur » (Apoc, xiv, 13), quorum sine dubio cerla el secura félicitas non est, si et ea quæ non egerunl, sed acluri fueranl, si essel eis hœc vita prolixior, judicabil Deus. Ibid.

Au surplus, si la mort prématurée n’est plus un bienfait de la Providence, c’est le renversement de toutes les croyances : Nullum accipit beneficium qui rapitur ne malilia mulet intellectum ejus, ibid., et le champ ouvert à la désolation : quia et pro Ma malilia, cui forsitan imminenli subtractus est, pœnas luit. C’est la fin de tous les espoirs et le commencement de toutes les angoisses, s’il est risqué de se réjouir, à la mort de ceux qui ont bien vécu, mais qui pourraient mal vivre : Ne seeundum aliqua scelera judicentur quæ fueranl, si viverent, fortasse fæluri. C’est enfin la négation de toute justice sociale, s’il est permis de regretter le châtiment des scélérats : Quia forte si viverent, acturi fueranl pœnitenliam. pieque victuri, et seeundum ista sunt judicandi. Ibid. Aussi pareille doctrine, basée sur une contradiction, ne mérite-t-elle que dérision, parce qu’elle est naïve, et exécration parce qu’elle est funeste : Ridendus est et exsecrandus error quo putatur quod homines, seeundum suas futuras quæ morientium non sunt fuluræ, judicandi sunt voluntates (ibid.).-Augustin l’avait stigmatisée ouvertement dès sa lettre à Vitalis de Cartilage dans laquelle sur douze sentences exprimant l’essentiel de sa propre pensée, quatre concernaient la gratuité de la prédestination. Ce sont les suivantes, dont la dernière combat toute considération de mérites futuribles :

II. Scimus gratiam Dei, nec parvulis, nec majorlbus seeundum mérita nostra dari.

III. Scimus non omnibus dari, et quibus datur non solum seeundum mérita operum non duvi, sed ne : seeundum mérita voluntatis eorum quibus datur : quod maxime apparet in parvulis.

V. Scimus eis quibus gralia datur, misericordia Dei gratuita dari.