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POUVOIR TEMPOREL DU PAPE. L’AFFERMISSEMENT


omnia, Matth., xix, 27, et ne repose que sur des fables. Annotations ad c/>. ad Timolh., i, 1. Avec plus d’âpreté encore, le pamphlétaire Ulrich de Hutlen († 1523) mène la lutte contre la papauté et vulgarise l’ouvrage de Laurent Valla, qu’il réédite en le faisant précéder d’une préface dédiée à Léon X : In libellant Laurentii contra efficlam et ementilam Constantini donationem, ad Leonem X, P. M., præfatio (1517). Les éloges au pape régnant y masquent le blâme et le ridicule qu’il s’efforce de jeter sur ses prédécesseurs.

Luther († 1546) emploiera les mêmes armes, parmi bien d’autres. En 1537, il publie à Wittenberg, en latin et en allemand, successivement, deux opuscules spéciaux : Locus ex jure canonico de Donatione Constantini et Einer aus den hohen Artikeln des allerheiligsten papstlichen Glaubens, genannt « Donatio Constantini, ’» dnrch M. Luther verteutscht, in das aujgeschobene Concilium non Mantua. Désormais, les attaques se renouvelleront sans trêve, sous forme de traités ou de pamphlets que nous ne pouvons ici ni analyser ni même énumérer. Citons cependant Calvin († 1564). Dans son Institution chrétienne, il ne se prive pas de combattre la souveraineté temporelle des pasteurs de l’Église. « Il n’y a doute, écrit-il, que Jésus-Christ n’ait voulu exclure les ministres de sa parolle de seigneurie terrienne, quand il a dit : les rois dominent sur les peuples, mais il n’est pas ainsi de vous (Matth., xx, 25-26). Car, par ces parolles, non seulement il signifie que Fofïîce d’un pasteur est différent de l’office d’un prince, mais que ce sont choses tant diverses qu’elles ne peuvent convenir toutes deux à une seule personne. » IV, xi-8, dans Corpus rejormatorum, t. xxxii, col. 808.

Les réfutations aussi se multiplièrent. Nous n’entrerons pas davantage dans le détail des nombreux ouvrages où l’on s’efforça de défendre le principat civil du Saint-Siège, soit en s’obstinant à démontrer l’authenticité du titre constantinien, soit, surtout, en justifiant les possessions pontificales devant le droit des gens et devant la théologie. Un des auteurs les plus marquants, à cet égard, et dont la réplique fut immédiate, fut Albert Pighi (| 1543) dans sa Hierarchix ecclesiasticæ assertio, Cologne, 1538. De même doit-on mentionner la thèse de François Suarez († 1617), dans sa Defensio fidei, t. IV, c. iv, n. 8.

7. Mais il appartenait à saint Robert Bellarmin († 1621) de présenter sur ce point, comme sur tout l’ensemble de la théologie du pape, une doctrine complète et précise. Pour lui, le pouvoir temporel se rattache à la primauté, laquelle, exigeant pour le pontife romain une parfaite indépendance des pouvoirs humains, nécessite en conséquence, et à titre de privilège de droit divin, une immunité totale dans l’ordre politique, national et international. De potest. summi pontif. in temporalibus, c. xxxiv, dans Opéra, édit. Vives, t.xii, p. 97. Sans doute, en fait, durant les premiers siècles, les papes, tout comme les apôtres, étaient soumis à la puissance des princes ; mais, en droit, ils étaient exempts de toute sujétion aux pouvoirs séculiers. Recognitio de sum. pontif., t. III, c. xxix. D’autre part, et en fait encore, les papes sont devenus souverains ; Bellarmin a son opinion contre l’authenticité de la Donation de Constantin (lettre à Baronius du 9 avril 1607, dans Lrcmmer, Meletematum romanorum mantissa, Ratisbonne, 1875, p. 364 sq.). Mais, à ses yeux, les titres d’origine de l’État pontifical ne manquent pas et sont parfaitement valables. Ceux qui ont fait aux successeurs de Pierre donation d’un domaine territorial ont agi légitimement et en chrétiens pieux ; ceux qui, au contraire, les en ont dépouillés ont agi en tyrans exécrés. Du reste, une possession paisible de huit siècles rend le droit du pape sur ses États plus indiscutable que celui de bien des princes. Quant aux textes allégués par les

réformateurs, ils ne condamnent aucunement chez les apôtres l’usage d’une puissance temporelle, mais ils les mettent en garde contre les abus habituels chez ceux qui dominent les peuples.

Bellarmin va plus loin ; il fait remarquer d’abord que l’Ancien Testament nous présente plusieurs exemples de prêtres qui furent aussi chefs de peuples ; non seulement ces deux fonctions ne sont pas incompatibles, mais l’une peut servir l’autre, et l’histoire en témoigne à son tour : « l’expérience nous enseigne qu’étant donnée la malice des temps, il est non seulement utile, mais nécessaire et providentiel, que les papes et certains évêques soient princes temporels ; si, en Allemagne, les évêques n’avaient pas été aussi princes d’empire, aucun n’aurait pu garder son siège de nos jours… Ainsi, il a pu arriver que l’Église, qui, dans les premiers siècles, n’avait pas besoin du pouvoir temporel pour soutenir sa majesté, semble maintenant le réclamer nécessairement. » De rom. pontif., t. V, c. ix, Opéra, t. ii, p. 163-164. Et, parla même se justifie la conduite de Jules II, le pape guerrier de la Renaissance ; « qui lui en ferait un tort devrait blâmer également le courage et l’habileté de ses plus saints prédécesseurs, j’ajoute, la valeur guerrière des Machabées et de Moïse lui-même ». De potestate sum. pontif., c. xi, t.xii, p. 47.

Somme toute, Bellarmin professe ce que ne cesseront désormais de répéter et de développer les théologiens catholiques, à savoir que le pouvoir temporel du pape, sous forme de principat civil, repose sur une nécessité d’ordre moral, donc relative. Cf. art. Bellarmin, t. ii, col. 569-599, et.1. de La Servière, La théologie de Bellarmin, Paris, 1908.

8. Cependant deux faits d’ordre politique marquent cette époque et demeurent significatifs. En 1595, Clément VIII (1592-1605) avait reçu l’abjuration de Henri IV. En 1598, il réclamait Ferrare, fief apostolique qui devait faire retour au Saint-Siège par voie de déshérence ; grâce à l’intervention du monarque français, le pape put entrer en possession de la ville et du duché et en fit une légation. C’est le dernier accroissement de l’État pontifical, après tant de vicissitudes.

Mais, cinquante ans plus tard, les traités de Westphalie, auxquels la papauté n’eut aucune part, consacraient, entre autres principes modernes, celui de la sécularisation des biens ecclésiastiques. La chose n’était pas précisément inconnue, le mot était nouveau ; nouvelle aussi, cette exclusion du pape des négociations diplomatiques, avec cette circonstance aggravante qu’en 1648 devaient être discutées de nombreuses clauses qui intéressaient le catholicisme. Le principe des sécularisations, que l’on voulait prononcer à Osnabruck sans le pape, l’atteignait par contre-coup dans son droit de souveraineté temporelle et présageait sa dépossession. Innocent X (1644-1655) éleva la protestation qui convenait dans la bulle Zelus domus tux du 26 novembre 1648.

3° D’Alexandre VII à Pie VI (1655-1790). — Les traités de Westphalie, qui, en portant un coup’mortel au Saint-Empire, supprimaient définitivement l’organisation politique de la chrétienté, éliminaient de l’équilibre européen aussi bien le pape-roi que le chef de l’Église. L’activité des souverains pontifes se bornera donc, désormais, à leur ministère apostolique et au gouvernement de leur principauté ; rarement ils pourront intervenir dans les tractations de la politique internationale.

1. La lutte contre le jansénisme et contre le gallicanisme occupa le Saint-Siège pendant tout le cours des xviie et xviir 3 siècles. Deux incidents fournirent à Louis XIV des prétextes d’humilier le pape, qui résiste aux usurpations régaliennes.