Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/613

Cette page n’a pas encore été corrigée
2653
26
POSSEVINO (ANTONIO)

J

1. différences dogmatiques dont la principale est le-Filioque. La différence au sujet de la matière de l’eucharistie, remarque Possevino, n’est pas capitale, car les deux usages (azyme et pain fermenté) ont été autorisés de tout antiquité. C’est par erreur que les Grecs croient qu’après le VIIe concile œcuménique il ne peut y avoir de nouveau concile œcuménique ; 2. différences disciplinaires, à savoir le célibat des prêtres et l’observance du carême ;.’i. différences rituelles : diverses manières de faire le signe de la croix ; les Grecs reprochent aux Latins de ne pas écrire les noms des saints sur les images, et Possevino rétorque que ce n’est pas nécessaire, car ceux qui ne savent pas lire (quel argument ad huminem contre les Moscovites du xvie siècle) ne pourront toujours pas déchiffrer les inscriptions. A la fin de l’opuscule, il dressa un petit catalogue des’ « erreurs des Ruthènes ». Il y en a de bizarres et l’on est en droit de se demander si Possevino a bien observé. Les voici : la fornication simple n’est pas un péché ; le sacrement de l’eucharistie a une efficacité intrinsèque plus grande s’il est consacré le jeudi saint : les pécheurs ne reçoivent pas le corps du Christ quand ils communient ; les secondes noces sont interdites (et dire que Possevino s’adressait à Ivan le Terrible…) ; l’extrêmeonction n’est pas utile au corps ; l’usure.n’est pas un péché ; la restitution du bien mal acquis n’est pas obligatoire ; les statues sont interdites ; les prêtres perdent le caractère sacerdotal à la mort de leurs épouses. Dans les chapitres suivants, Possevino revient à l’obligation d’appartenir à l’Église pour obtenir la vie éternelle et conclut à la nécessité d’un pasteur suprême. A part les erreurs sur le sacerdoce des veufs et l’illicéité des statues, on ne trouve pas trace des autres dans les monuments slaves contemporains. Quant au sacerdoce des veufs, Possevino s’est trompé. Si le veuf entrait au monastère, il pouvait continuer à célébrer. S’il voulait rester dans le monde, il était déposé. Par conséquent, le prêtre ne perdait pas le caractère sacerdotal. Néanmoins, on jugera du courage moral de Possevino qui n’hésita pas à faire accepter de tels écrits à Ivan le Terrible.

Pour être complet, il faudrait ajouter la correspondance sur le même sujet ; en particulier, ses instructions au P. Drenocki quand il le laissa à Moscou pour partir lui-même au camp de Jam Zapolski, ainsi que plusieurs lettres, envoyées à Rome, où il est question tout au long de la théologie des dissidents orthodoxes. Son appréciation sur les saints russes, dans sa lettre au P. Aquaviva, est assez pessimiste.

Ouvrages d’histoire.

Nous parlerons de ses trois

traités sur la Moscovie, sur la Livonie, et la Transylvanie.

La Moscovia fut publiée pour la première fois à Vilna, en 1586. Elle est composée de deux commentaires dédiés à Grégoire XIII. Le premier traite De stalu rerum Moscovitarum, de viribus Mosci, de ingénia gentis, de ralione legationis ad eum obeundw, le second qui nous intéresse plus directement : De rébus moscol’iticis ad religionem præserlim speclantibus. Ces commentaires que nous n’essaierons pas de résumer, ont été appréciés pour l’abondance des détails et la justesse des informations acquises par le nonce pontifical. Après les commentaires se trouvent un compte rendu des trois discussions avec le tsar sur les questions religieuses, les opuscules de controverse avec les orthodoxes mentionnés plus haut, enfin un compte rendu des négociations de Jam Zapolski. Il s’y trouve aussi un petit Seriptum Magno Moscovitico Duci tradition eum angli mercalores eidem oblulissent librum quo hæreticus quidam ostendere conabatur pontificem maximum esse Anticliristum. Cet opuscule, dans lequel Possevino combat vigoureusement les protestants d’Angleterre (voir son parallèle entre la papesse Jeanne de la

légende et la reine Elisabeth de l’histoire), est en réalité un petit traité sur la primauté du pape et, à ce titre, a été publié au t. iv de la Bibliotheea maxima pontificia de Roccaberti.

On a souvent loué le pouvoir d’observation de Possevino. Son œuvre est d’autant plus méritoire que son séjour en Moscovie fut assez court, et qu’il subit assez largement le sort de tous les étrangers qui venaient en Russie, d’être si honorablement gardés que le contact avec la population en devenait à peu près impossible. Aussi est-il intéressant de lire dans un court mémoire publié par Tourguenev (JSupplementum, n. 10), l’elenchus des sources de la Moscovia telles que Possevino les avait données. Il y avait sans doute les anciennes correspondances diplomatiques : les relations de Sigismond Auguste, de l’ancien ambassadeur de Maximilien Cobentzl, les lettres de Léon X, de Clément VII, de Pie V et de Grégoire XIII, mais mentionnons surtout les conversations de Possevino avec ses compagnons de voyage, Chévriguine, Popler et Pallavicim. Il a lu aussi les livres de Herberstein et de Lebenda, mais il a surtout causé, avec les pristavis (gardes), dit Possevino non sans une pointe de malice, avec les sénateurs, colloques qui aliquando ad quinque horas protrahebantur. Il sut obtenir d’Ivan le Terrible quelques documents d’archives. Enfin, il observa beaucoup par lui-même. La Moscovia de Possevino est sûrement l’ouvrage par lequel le fameux diplomate est le mieux connu. Il ne fut publié pourtant qu’après qu’un hérétique de Spire eut voulu jeter dans le public de fausses versions sur la trêve de Jam Zapolski et la médiation pontificale.

Le Livoniæ commentarius n’eut pas la même fortune. Écrit en mars 1583, il ne vit le jour que ipso die Martini Lulheri, anno 1852, quand il fut publié à Riga par le docteur C.-E. Napiersky. Possevino décrit l’origine de la Livonie et le développement des ordres militaires dans les pays baltes. Le mérite de Napiersky est non seulement d’avoir édité le texte de Possevino, mais de l’avoir enrichi de notes abondantes qui complètent et corrigent la chronologie.

Quant au traité sur la Transylvania, il est, nous dit le P. Pierling, « divisé en cinq livres, dont les deux premiers" contiennent la description géographique et l’histoire du pays jusqu’au milieu du xvie siècle ; les guerres avec l’Autriche, l’invasion des hérésies et surtout de l’arianisme (socinianisme), l’avènement de Stéphane (Bathory), l’introduction des jésuites forment le 1. III ; le 1. IV est consacré presque uniquement à Bathory, à son élection au trône de Pologne, à ses longues querelles avec l’empereur, aux soins prodigués au pays natal. Enfin, le dernier livre esquisse le programme de l’avenir, examine les meilleurs moyens pour la conservation et les progrès de la foi en Transylvanie, dans toute la Hongrie, en Moldavie et en Valachie. Ce commentaire s’adressait à un nombre restreint de lecteurs ; cependant, l’auteur n’en redoutait pas la divulgation, pourvu que l’on supprimât, en différents endroits, la valeur de deux cents lignes, et que l’on dissimulât les noms des personnages encore vivants. Cette précaution ne fut jamais prise ; l’oubli remplaça le grand jour de la publicité. » L’ouvrage ne parut qu’en 1913, quand le docteur Andréas Veress en fit le t. ni des Fontes rerum Transglvanicarum (Erdclyi Tôrtenelmi Forrâsor).

Quand, après le règne éphémère de Boris Godounov, Dmitri partit pour la Moscovie, Possevino fit beaucoup pour populariser son équipée en Occident. Sous le pseudonyme de Barezzo-Barezzi — c’est le nom de l’éditeur chez qui il publiait sa Bibliotheea selecta — il lança dans le public sa Relazione delta segnalata et corne miracolosa conquisla del paterno imperio conseguita dal Sereniss. Giovine Demetrio gran dura di Moscovia