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PORPHYHK


I restait, malgré tout, l’auteur de la Lettre à Anébon, et, à ce seul titre, on se devait de tourner le dos à un philosophe dont le zèle religieux paraissait si tiède. Toute l’œuvre qu’il avait entreprise ne vue d’adapter la religion païenne aux exigences de son temps aboutissait ainsi à un échec.

2. Dans les milieux chrétiens.

Là, Porphyre a exercé tout d’abord cette sorte d’influence spéciale qui opère par réaction. Bien que les réfutations du Kaxà XpiCTTiavejv soient presque entièrement perdues, il est certain que cet ouvrage a obligé l’apologétique chrétienne à un puissant effort. Il suffit, pour s’en convaincre, de relire les Quæstiones et responsiones ad orthodoxos ou encore les Quæstiones gentilium ad christianos de pseudo-Justin. On y reconnaît plusieurs objections dans la note de Porphyre : par exemple, les n. 21. 28, 53, 55, 78, 79, 83, 11 1, 1 19 du premier traité, ou encore les n. 14 et 15 du second. On saisit de la sorte, sur le vif, l’importance que l’on attachait à ces attaques païennes et la sagacité que l’on déploya pour y répondre. Mais c’est surtout Eusèbe, dans sa Préparalion et dans sa Démonstration évangélique, où Porphyre est combattu à tout propos plus ou moins ouvertement, qui nous donne une idée de la méthode employée désormais pour la défense du christianisme. L’évêque de Césarée se place sur le terrain de l’adversaire : à une objection d’ordre positif il oppose un grand nombre d’autres faits qui contredisent le premier ; à une critique tirée d’un texte, il répond par un examen plus minutieux du passage en question. Il veut battre l’adversaire païen avec ses propres armes. Porphyre a, de la sorte, servi l’apologétique chrétienne, en la poussant à prendre un contact plus étroit avec les difficultés et à donner à ses réponses un caractère plus scientifique. Il faut mettre à part, dans l’œuvre de Porphyre, l’Introduction aux Catégories qui fut considérée dans tous les milieux comme le manuel indispensable pour bien entendre la logique d’Aristote. Marius Victorinus, encore païen, en donna une traduction latine, quelques années après la mort de Porphyre, cf. Monceaux, Mélanges Havet, Paris, 1909, p. 296-310. Chez les chrétiens, Jérôme lui-même n’a pas eu d’autre moyen d’initiation. D’une façon plus générale, c’est grâce à Porphyre et à ses commentaires érudits qu’Aristote fut intronisé parmi les disciples de Plotin et qu’il exerça désormais, en logique, une autorité considérable.

Certes, un tel rôle, l’adversaire des chrétiens est loin de l’avoir prévu. Il a employé toute sa science à ruiner dans les esprits l’autorité du christianisme. Or, de son œuvre immense il n’est resté, pendant de longs siècles, que deux opuscules célébrés à l’envi, par une cruelle ironie du sort, dans tous les milieux chrétiens. L’un, le traité Sur l’abstinence de la chair ne pouvait manquer de faire l’admiration et l’édification des moines. L’autre, VIsagoge, devait passer pour l’introduction fondamentale non seulement à la philosophie et à la théologie, mais parfois même à la vie spirituelle. Son autorité sera si haute qu’une simple phrase incidente (les cinq termes ont-ils une existence substantielle ou ne sont-ils que des formes de notre pensée ?) finira par déchaîner la grande querelle des universaux. Étrange fortune que celle d’un homme renié par son propre parti et dont l’œuvre, tout compte fait, a contribué surtout au succès de la cause qu’il avait le plus violemment combattue.

I. Sources.

Sur la vie de Porphyre.

Les auteurs

anciens ne fournissent que (le maigres renseignements : Bunape (346-415), Vies des philosophes et des sophistes, éd. Bolssonnade, Paris. iS22, p. 6-12 ; 2 « éd. (collection Didol : Phllostrate, Eunape et Himerius), Paris. 1849, p. 455-457 ; Suidas. Lexique, au mot Pofphgrios, éd. Bernhardy, t. ii, col. 752. Il existe une Vie de Porphyre, en syriaque, qui

n’ajoute guère aux précédents ; cf. A. Baumstark, dans Philol.-hist. Beitràge C. Wachsmuth znm 60. Geburtstag, Leipzig, 1897. La notice d’Eunape et l’article de Suidas sont reproduits par J. Bldez, Vie de Porphyre, Gand, 1913, p. 47*-53*, qui les fait suivre, p. 54*-02*, d’un recueil de sept textes arabes relatifs aux écrits perdus de notre philosophe.

2° Sur l’œuvre de Porphyre. — Il n’y a pas de Corpus Porphgrianum ; Fabricius, Bibliotheca græca, 3e éd., t. v, Hambourg, 1796, p. 729 sq., et Parisot, De Porphyrio tria unemuta, Paris, 1845, en ont seulement dressé la liste ; Bidez, qui l’a rectifiée et complétée (op. cit., p. 62*-73*, où il compte 77 écrits de Porphyre, en grande partie perdus), se prépare depuis longtemps à publier ce volumineux Corpus. En attendant, on est obligé de recourir aux diverses éditions particulières.

1. Principaux ouvrages philosophiques et religieux. — ri s p i ryj{ iv. >.o-’; '(i)v ptXbffosptaç, extraits dans Porphyrii de philosophia ex oraculis haurienda librorum reliquiæ, éd. G. Wolff, Berlin, 1856. — IIspl à.ycù, u.&T : v, fragments réunis par Bidez, op. cit., p. 143-157, et l*-23*. — IIopipupio » ; eiaa.y113yr toû $otvcxoç ou IIspl izi’t-s. tpcov&v, livre célèbre aux nombreuses éditions, cf. A. Busse, Commentaria in Aristotelem græca édita…, iv, 1, Berlin, 1887, p. 1-22. — n.op(pjplov sic ràç’ApiaroTéXove ; KaTTifope’aç zaTà tu-j^v La ! aTtoxptiriv, éd. A. Busse, ibid., p. 55-142. — De regressu anima ;  : fragments réunis par Bidez, op. cit., p. 158-102 et 24*-41*. — Porphyrii philosophi platonici opuscula selecta, éd. Nauck, 2e éd., Leipzig, 1886. Cette édition comprend : <&eXoa, oço ; iijTopî’a, fragments, p. 1-16 ; MâX)fou îfj (JaffcXea) ; fluâai’ôpou flioç, extraits du premier livre de l’Histoire de la philosophie, p. 17-52 ; 1 1e p i toû èv’OSjaas.(a Ttôv vuu, <ptôv à’vTpo-j, p. 53-81 ; FUpt aTO/yj ; Èu.’lrjywv, p. 83-270 ; Ilpo : MapxsXXav, p. 271-297. — Ilopçupfou Ttpo : ’Aveëù ê7CicToXi^, fragments dans T. Gale, Jamblichus, De myslcriis JEgyptiorum, Oxford, 1678, édités aussi par G. Parthey, Jamblichi De mysteriis liber, Berlin, 1857, p. xxix sq. — IIopep’jpcVj Tupi flXbmvou [itVj : cette Vie de Plotin figure en tête de la plupart des éditions des Ennéades, en particulier dans celle de Bréhier, Les Ennéades, t. i, Paris, 1924, p. 1-31.

— IJop^pcVj àçop|xai 7tpô ; rà voï)tà, éd. B. Mommerl, Leipzig, 1907.

2. Le traité « Contre les clirétiens » (L’ara Xpemavoiv Xéyo ! te’). — a) Lardner a, le premier, réuni les fragments épars dans la littérature patristique : The credibilily of the Gospel liistory, c. xxxvii : Tesiimonies of ancient Hcathens, Londres, éd. Kippis, 1788, t. vra, p. 176-125 ; éd. 1838, t. vii, p. 390467.

b) L’ouvrage de C. Blondel, Maxapîou Moiyv^Toç’AitoxptTtxb ; r, MovoyeVTJç, Macarii Magnetis qum supersunt…, Paris, 1876, fut le point de départ de recherches nouvelles. En fait, L. Duchesne, De Macario Magnete et scriptis ejus, Paris, 1877, attribua tout d’abord à Iliéroclès les objections mises sur les lèvres du philosophe païen dans l’apologie de Macaire. Mais l’opinion fut retournée dès l’article de Wagenmann, Porphyrius und die Fragmente eines Ungenunnlen in der Athenischen Makariushandschrift, dans Jahrbùcher fur deutsche Théologie, t. xxiii, 1878, p. 269-314. On voit désormais Porphyre dans l’adversaire de r’AuoxpiTixô ;. Ainsi, Neumann, Juliani Imperaloris librorum contra Christian qum supersunt, Leipzig, 1880, p. 20 sq. ; Zahn, Gesch. des N. T. KanonsA. 1, 1888, p. 310 et t. ii, 1890, p. 815 et 1005 ; surtout Georgiadès, Ilepi rôv xatà XpiTttavûv àiriT7ta<Tao<7Mv roî Ilopipuptou, Leipzig, 1891 (en grec), et A. J. Kleffner, Porphyrius der Neuplaloniker und Christenfeind, Paderborn, 1896. Toutefois, une réaction se produisit. Elle avait été préparée par certains auteurs qui se refusaient à voir, en toute circonstance, Porphyre derrière le philosophe païen de Macaire, tels : Salmon, art. Macarius, dans Diciionary of Christian biography, t. iii, 1882 ; Geffcken, Zwei grlechische Apologeten, Leipzig, 1907, p. 301-304 ; Schalkhausser, Zu den Schrifien des Makarios von Magnesia, Leipzig, 1907, dans Texte und Unlers., t. xxxi, fasc. 4. Avec T.-VV. Crafer, cette réaction manqua décidément de mesure. Dans deux articles : Makarius Magnes a neglected apologist, du Journal of theolo gical sludies, t. Vin, 1906-1907, p. 401-423, et 540-571. Crafer soutint cette hypothèse : l"A7toxpiTixd{ est le compte rendu d’une conférence contradictoire qui a eu lieu, vers 293-302, entre Iliéroclès et un Macaire inconnu. La réponse de von Ilarna’ck, Kritik des S. T. von einem griechischen Philosophen des III. Jahrhunderis, Leipzig, 1911, dans Texte und Unters., t. xxxvii, fasc. 4, et la réplique de Crafer, The ivork of Porphyry againstthe christians and ils reconstruction,