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POLOGNE. SCIENCES SACRÉES, LA RÉFORME

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de vue scientifique, surlout ceux qui viennent plus lard et qui subissent l’influence des Controverses de Bellarmin (l rc édit., 1581). Leurs écrits laissent une part plus considérable à l'élément dialectique, ce qui s’explique par l’influence directe de l’action polémique et par le fait aussi que saint Ignace soulignait clairement (voir dans ses Exercicia spiritualia, reg. ii, Ad sentiendum cvm Ecclesia) l'équivalence des deux iliéthodes, positive et scolastique, en théologie, ce qui devint une tradition dans le système d’enseignement des jésuites. Enfin, il convient d’ajouter que les premiers jésuites polonais, surchargés par leur œuvre apostolique, écrivaient et publiaient leurs travaux non dans le silence des laboratoires scientifiques, mais dans le tumulte de la lutte avec les dissidents, ce qui pouvait causer de temps à autre certaines inexactitudes ou des raisonnements superficiels.

Au point de vue scientifique, c’est Jacques Wujek qui doit être placé au premier rang des écrivains jésuites polonais du xvie siècle ; fort érudit dans les sciences bibliques, il fut le traducteur de l'Écriture sainte en langue polonaise. Nous reparlerons de lui. Il a été cependant surpassé. Dans l’histoire de la nation, c’est à Pierre Skarga Paweski (1536-1612), roi des prédicateurs polonais, qu’est due la première place, non pour l’originalité de ses idées théologiques, mais pour sa valeur morale vraiment exceptionnelle et pour son importance dans la vie de sa nation. Profondément instruit, excellent styliste et avec cela prêtre de grand esprit et de grande âme, adorant Dieu et aimant ses frères, ce grand homme devint le défenseur zélé de la cause divine contre ses ennemis, grand pêcheur d'âmes et aumônier des pauvres et des soutirants et, pour ce qui est de la nation entière, son chef moral et son prophète.

Né en 1536, Skarga, après avoir fait ses études universitaires à Cracovie et avoir été nommé chanoine de Lwôw en 1569, entra au noviciat des jésuites, à Rome. Revenu en Pologne, il travailla ordinairement à Vilna, combattant les calvinistes, alors très influents dans le grand-duché de Lithuanie ainsi que leur chef, Wolanus. Ensuite, avec le roi Etienne Batory (1576-1586), il entreprend l’union de l’orthodoxie et du catholicisme ; enfin, il travaille à sa Vie des saints, qu’on lit encore aujourd’hui en Pologne. A partir de 1584, Skarga séjourne à Cracovie, capitale de l'État polonais (Varsovie ne devint capitale de la Pologne qu’en 1609) et, dès 1588, remplit, pendant vingt-trois ans, les fonctions de prédicateur du roi Sigismond III (1587-1632). A cette époque aussi il écrit beaucoup, publie de nombreux sermons dont les plus célèbres sont ceux aux diètes du royaume de Pologne, et l’ouvrage intitulé : Appel à la pénitence (1610), où il attaque particulièrement les vices sociaux des Polonais. Il prend une part très active au courant uniate, participe à l’exécution de l’union de Brzesc (1596) et la défend contre ses ennemis dans une série d'écrits. Enfin, il résume et publie en polonais les Annales du cardinal Baronius (1603). A cause de sa faible santé, il donne, en 1611, sa démission de prédicateur royal. Il meurt à Cracovie en 1612 en odeur de sainteté.

Comme théologien, Skarga n’est pas original. Ayant acquis à l'école cracovienne un profond savoir, il le complétait constamment par un travail assidu. Ses écrits se ressentent surtout de l’inlluence de Bellarmin et de celle de Thomas Stapleton. Il montre une grande érudition en fait d'Écriture sainte et d’histoire de l'Église, mais il n’excelle pas dans la connaissance de la théologie spéculative et des Pères. Ses écrits valent surtout par la clarté du style, la justesse du raisonnement, l’ardeur et la force persuasive. De ses nombreux ouvrages, ce sont les sermons qui ont le plus de valeur dogmatique et polémique, ainsi que les traités

dirigés contre Wolanus et sa conception de l’eucharistie : l’ro sacratissima eucliaristia, Vilna, 1576 ; Arles duodecim sacramentarimum…, Vilna, 1582 ; Seplem columnx quibus innititur culholica doctrina de SS. Sacrumento altaris, ibid., et en polonais : 42 sermons sur les sept sacrements, Cracovie, 1600, et plus tard, plusieurs fois. On reparlera des écrits concernant l’union de Brzesc dans la période suivante. Voir col. 2 191.

Il faut considérer Martin Smiglecki (1562-1619) comme le meilleur théologien qu’ait fourni la Compagnie de Jésus à la Pologne du xvie siècle. Élève des jésuites à Pultusk, Smiglecki entra dans la Compagnie en 1581, fit ses études en Italie, devint ensuite professeur à l’université de Vilna et en d’autres collèges. Il publia contre les antitrinitariens plusieurs écrits de valeur, mais surtout, en polonais, De la divinité éternelle du Verbe divin, Vilna, 1595. Il est aussi l’auteur d’une Logica, célèbre en dehors des frontières polonaises, éditée à Ingolstadt en 1618.

Il convient de mentionner encore une série de polémistes jésuites, polonais ou étrangers, travaillant en Pologne, auteurs de moindres écrits et de sermons, comme Stanislas Grodzicki (Grodicius, 1541-1631), auteur de bons sermons dogmatiques et d’un excellent ouvrage en polonais, dirigé contre le célèbre prédicateur calviniste Grégoire Konarski de Zarnôw, sous le titre : Règle de fo’i hérétique…, Vilna, 1592 ; Frédéric Bartez (Barscius, 1549-1609), Martin Laszez (Lascius, 1552-1615) et deux professeurs de Vilna, Laurence-Arthur Faunt (Faunteus, Anglais, 15541591), auteur d’un De Christi Ecclesia…, Poznan, 1580, et en polonais, ibid., 1581, et Emmanuel Vega, Portugais (1548-1648) ; Adrien Junge (Jungius, 1550-1607) travaillant à Poznan ; Justus Rab (15431612), un converti, auteur de deux traités concernant la primauté, et Laurence Nicolai, Norvégien (15381622) qui, après une longue activité en Suède, s'établit en Pologne et y publia plusieurs dissertations contre les protestants suédois. Voir ici, t. xi, col. 497.

On ne peut passer sous silence le célèbre Antoine Possevin qui, arrivé en Pologne comme légat papal en 1581, non seulement contribua à la réalisation de l’union de Brzesc par l’action et la plume, mais y publia encore plusieurs écrits contre les protestants. Voir son article. Il convient de citer, parmi les élèves des jésuites, le chanoine de Vilna, André Jurgiewicz († 1640), auteur d’une série d'œuvres polémiques, entre autres : Quæstiones de hæresibus…, Vilna, 1590 (en latin et en polonais). Cracovie, 1590, et Bellum quinti evangelii…, Vilna, 1594 ; Cologne, 1595 ; Munster, 1602, et, en allemand, Mayence, 1603.

2° L'Écriture sainte. — Comme bibliste, c’est Jacques Wujek (1540-1597) qu’il convient de placer à la tête des jésuites polonais du xvie siècle. Le manque d’une traduction de l'Écriture se fit sentir en Pologne quand les protestants, non contents de se référer aux arguments de la Bible, publièrent deux versions complètes de l'Écriture, l’une connue sous le nom de Bible de Brzesc ou Bible de Radziwill, publiée par Jean Laski, en 1563, l’autre sous celui de Bible de Budnyou de Nieswiez, 1570, ainsi qu’une série de traductions partielles, celle du Nouveau Testament, par exemple, faite par le plus célèbre savant luthérien de Pologne, Jean Seklucjan, 1551 et 1552. Plusieurs versions catholiques polonaises des évangiles furent suivies par une traduction intégrale de l'Écriture sainte, parue en 1561, puis en 1574, faite sur le tchèque par le dominicain Léonard et connue sous le nom de Bible de Jean Leopolita (du nom de l'éditeur, professeur à l’université de Cracovie, 1572) ou de Bible de Szarfenberger (du nom de l’imprimeur). Cette version manquait d’exactitude. C’est à Wujek que nous devons une traduction polonaise vraiment satisfaisante de toute