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POLOGNE. SCIENCES SACRÉES, LA RÉFORME


Dei verbo que la mort de Laski (1560) l’empêcha d'éditer. Cette œuvre parut dans l'édition posthume des œuvres complètes d’Hosius, à Cologne, en 1584. Il convient de citer encore, outre une série de travaux de moindre envergure, la brochure : Dialogus de eo : nuni calicem laicis et uxores sacerdolibus, ac divina officio vulgari lingua peragi fas sit (1558). Ce dernier écrit est dirigé contre André Frycz-Modrzewski (Fricius, 1503-1572). Modrzewski était un laïque, comptant parmi les écrivains les plus érudits et les plus populaires de l'époque en Pologne, réformateur politique surtout, célèbre par son De republica emendanda (1559) et sous le rapport de la religion un des représentants les plus remarquables de l’irénisme protestant. Dans ses écrits, Modrzewslii professait des théories ouvertement protestantes, mais jamais il ne consentit à rompre formellement avec l'Église.

Après Hosius, il faut mentionner Martin Kromer (Cromerus, 1512-1589) cité ci-dessus. Ce personnage comme Hosius, fit son éducation à Cracovie et en Italie, après quoi il s’occupa de diplomatie, fut nommé en 1570 coadjuteur d’Hosius, avec future succession, et après la mort de ce dernier (1579), évêque de Warmie. C’est aussi un des champions de la cause catholique en Pologne, d’ailleurs savant de grande envergure et écrivain remarquable. Il est auteur d’une série de discours et de plusieurs éditions grecques des Pères (de saint Jean Chrysostome, 1541, 1545, 1552), d’un catéchisme en trois langues (latine, polonaise et allemande), Catéchèses sive institutiones X 1 1 (Cracovie, 1570 et plus tard), d'éditions de livres liturgiques pour le diocèse de Warmie et de quelques ouvrages polémiques plus courts. Il doit sa célébrité à trois œuvres : De origine et rébus gestis Polonorum libri XXX (Bâle, 1555), œuvre historique qui lui coûta dix ans de travail ; Polonia sive de situ, populis, moribus, magislratibus et republica regni Polonise libri duo, Cologne, 1577 (ces deux œuvres réimprimées à plusieurs reprises et traduites en langues étrangères), et surtout à son troisième grand travail apologétique, Causeries du courtisan et du moine, première œuvre écrite en langue polonaise. Il y avait quatre causeries : 1. De la foi et de la science luthérienne (Cracovie, 1551) ; 2. A quoi un bon chrétien doit s’en tenir (ibid., 1552) ; 3. De l'Église de Dieu, c’est-à-dire du Christ (ibid., 1553) ; 4. De la doctrine de la sainte Église (ibid., 1554). Après une série d'éditions latines partielles et de traductions allemandes, l’auteur prépara lui-même une édition latine complétée, sous le titre : Monachus sive colloquiorum de religione libri quatuor (Cologne, 1568). Ces dialogues sont de haute valeur scientifique. Kromer y montre une grande érudition comme historien surtout, il se réfère fréquemment et habilement aux preuves du passé de l'Église. Il traite presque tous les litiges soulevés par le protestantisme et donne à cette occasion un exposé positif de la doctrine catholique (surtout dans la deuxième causerie). De plus, en introduisant la langue nationale dans la polémique scientifique, ce que les protestants polonais avaient commencé à faire avant lui, à l’exemple de Luther, Kromer fut le créateur de la terminologie théologique polonaise. L'œuvre de Kromer et celle d’Hosius ( Confessio fidei) furent très favorablement reçues dans l’univers catholique. Il faut souligner tout spécialement que, plus de trente ans avant Bellarmin, ces deux grands hommes abandonnèrent définitivement la manière toute scolastique et spéculative de défendre les vérités de la foi et fondèrent cette défense sur les preuves positives puisées dans la tradition de l'Église.

Le troisième grand polémiste, issu de l'école cracovienne, fut Stanislas Sokolowski (Socolovius, 15371593). Plus jeune que ses deux prédécesseurs, il fit, comme eux, des études soignées à Cracovie et à

l'étranger, devint professeur à l’université de Cracovie. et, de 1576 à 1580, prédicateur à la cour du roi Etienne Batory, puis, s'étant retiré à cause de sa mauvaise santé, il s'établit à Cracovie comme chanoine cathédral et jusqu'à sa mort s’occupa d'éditer ses œuvres. Il convient de signaler avant tout la célèbre : Censura orienlatis Ecclesiæ de præcipuis noslri sœculi hæreiicorum dogmatibus (1582 et plus tard) dont il sera question plus loin ; ensuite une autre grand ouvrage : De verse et falsæ Ecclesiæ discrimine (1583 et plus tard), contenant un traité conçu en termes fort intéressants sur les notes de l'Église ; l’auteur distingue quatre notes principales de la vérité de l'Église catholique, et vingt notes secondaires ; enfin, un énorme commentaire sur les évangiles, inachevé, édité après la mort de l’auteur, en 1599, sous le titre : In evangelia Malthœi, Marci et Lucie noise. Il a laissé encore une vingtaine de sermons ou plutôt de traités dogmatiques, un excellent manuel de prédication, Partitiones ecclesiastiese (1589), une sorte de méthode des études scientifiques, De ratione studii (édité après la mort de l’auteur, 1619), un livre de messe pour les soldats : Offlcium mililare (1589) et plusieurs autres écrits. Enfin, les autorités ecclésiastiques confièrent à Sokolowski l’arrangement du « propre » du bréviaire des patrons de la Pologne et ce travail, édité pour la première fois après la mort de l’auteur, en 1596, constitue jusqu'à aujourd’hui, sans grands changements, la partie principale du Proprium Poloniæ, dans le bréviaire romain. Sans aucun doute, Sokolowski mérite la première place parmi les théologiens polonais contemporains, par l'étendue et la profondeur de son savoir. Son érudition patristique surtout est tout à fait remarquable et surpasse même celle d’Hosius. Ses traités et ses prédications provoquaient une vive admiration de l'élite sociale — le nonce de Pologne, Bolognetti, l’appelait contionator prope divinus — et servaient de source aux autres prédicateurs, mais à coup sûr n'était pas à la portée du public polonais. C’est pourquoi Sokolowski, connu et estimé par tous les savants contemporains et cité plus d’une fois (par exemple, par Bellarmin), fut moins populaire en Pologne que d’autres orateurs et écrivains moins savants et de talent moindre, mais plus accessibles dans leur manière d'écrire et de s’exprimer.

Le nom de Solokowski acquit une grande renommée particulièrement par l’affaire, alors très célèbre, concernant son édition de la Censura. Quand, en 1574, deux théologiens protestants, professeurs deTubingue, Jacques Andréa et Martin Crusius, eurent envoyé à Constantinople, au patriarche Jérémie II, la Confession d’Augsbourg en traduction grecque, voulant amener à leurs doctrines tout l’Orient chrétien, le patriarche leur répondit par un écrit sévère, où il blâmait la théorie protestante comme incompatible avec la doctrine traditionnelle de l'Église. Une polémique en résulta, terminée en 1581 sur une condamnation décisive des nouveautés protestantes par le patriarche. Les savants de Tubingue dissimulèrent cet échec. Cependant, en 1578, Sokolowski, alors prédicateur royal, reçut de Constantinople des renseignements sur l’envoi du texte grec de la Confession d’Augsbourg et la réponse du patriarche. Il se procura cette réponse, la traduisit en latin et l'édita en 1582 sous le titre de Censura, c’est-à-dire « jugement » des erreurs protestantes fait par le patriarche de Constantinople. Comme la réponse du patriarche contenait, outre la condamnation de la Confession d’Augsbourg, une série de phrases en contradiction avec.la doctrine catholique, Sokolowski ajouta à sa traduction une série de remarques expliquant, du point de vue de l'Église, presque toutes les questions divergentes qui existent entre le catholicisme et l’orthodoxie grecque.