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POLOGNE. L’EGLISE ET L’ETAT

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des difficultés résultant non seulement des causes cidessus nommées, mais aussi du l’ait que l'Église catholique a été divisée en trois parties différentes qui dépendaient de trois États, ce qui a dû amener des différences dans son activité. Les évêques polonais ont pour la première fois agi tous ensemble, quand, en 1915. sur l’invitation du pape Benoît XV, ils s’adressèrent aux évéques du monde catholique tout entier, en leur demandant un appui moral et matériel. Dès que la première occasion s’est présentée, Benoît XV a envoyé à Varsovie Mgr Batti, en qualité de visiteur apostolique pour les affaires ecclésiastiques sur les territoires occupés autrefois par les États centraux (In maximis, 23 avril 1918). Cette occasion lui fut offerte par la création, sous l’occupation allemande, du conseil de régence. Mgr Kakowski faisait partie de ce conseil. En 1918, Mgr Batti fait procéder à la nomination des évêques dans les diocèses autrefois supprimés par le gouvernement russe : diocèse de Siedlce pour la Podlésie, de Kamieniec pour la province de Podolie, de Minsk pour la province de Bussie-Blanche ; en 1920, un nouveau diocèse a été fondé à Lodz, pris en partie sur les anciens diocèses de Varsovie et de 'Wlocla’wek. Malheureusement, les diocèses de Kamieniec et de Minsk, restés à la Bussie, furent supprimés par les bolchévistes. L'évêque de Minsk, Mgr Lozinski, pendant quelques années prisonnier des bolchévistes, revint en Pologne, libéré à la suite d’un échange de prisonniers. îl fut nommé évêque de Pinsk et devint le grand protecteur du mouvement de l’Union, fl mourut en 1932 en odeur de sainteté. Après le rétablissement de l'État polonais, en 1918, Benoît XV, par lettre du 15 octobre 1919, nomma Mgr Batti nonce apostolique en Pologne. En 1924, la nonciature de Varsovie fut élevée au rang de nonciature de première classe, et la légation polonaise auprès du Vatican, au rang d’ambassade. En décembre 1919, l’archevêque de Poznan-Gniezno, Mgr Dalbor, et l’archevêque de Varsovie, Mgr A. Kakowski, furent nommés cardinaux. L'Église de Pologne était ressuscitée.

I. Bases juridiques des rapports de l'Église et de l'État. — IL L’enseignement et l'éducation ecclésiastique. — III. Les ordres religieux. — IV. L’action catholique. — V. L’Eglise orthodoxe et la question de l’union. — VI. Le protestantisme et les sectes.

I. Bases juridiques des rapports de l'Église catholique et de l'État. — L’une des premières préoccupations de la Pologne ressuscitée a été de libérer l'Église catholique de la législation ecclésiastique des États conquérants, qui la gênait au plus haut degré. La Pologne accomplit cette tâche en trois actes juridiques de la plus haute valeur : la constitution du 17 mars 1921, le concordat conclu entre le Saint-Siège et la Bépublique polonaise le 10 février 1925, ratifié le 2 juin 1925 et en vigueur depuis le 3 août 1925, enfin la bulle de circonscription de l'Église catholique en Pologne. Yixdum Poloniæ imitas, du 28 octobre 1925. C’est à la lumière de ces documents que nous allons considérer l'état juridique de l'Église catholique en Pologne.

1° La Constitution /wlonaise, du 17 mars 1921, commence par les mots : Au nom du Dieu tout-puissant. » Selon l’art. 54, le président de la Bépublique polonaise, après son élection, prête serment. Les premiers mots de cette formule sont : Je jure à Dieu tout-puissant, unique dans la sainte Trinité », et les derniers : » Que Dieu et la sainte passion de son Fils me soient en aide. Ainsi soit-il.i Ces formules générales témoignent avec éloquence de la disposition d’esprit du plus haut corps législatif polonais envers la religion et l'Église catholique et d’avance elles décident de l’allure des rapports entre l’Etat et l'Église ; elles excluent toute absence de confession, tout athéisme de l'État, ainsi que la sépa ration de l'État d’avec l'Église. Voyons quelles sont les applications concrètes qu’on en fait dans la Constitution même.

La Constitution polonaise définit les rapports de l'État avec les confessions religieuses dans le c. v, intitulé : « Lois universelles et devoirs des citoyens. » Cela ne signifie pas que la Constitution estime l'Église une personne juridique dépendant de l'État. Pareille interprétation est erronée. C’est confondre la classification des thèmes avec les thèmes eux-mêmes. Ce n’est pas la définition des rapports entre l’Etat et l'Église, insérée dans tel ou autre chapitre de la Constitution, qui décide de leur appréciation, mais la teneur des articles qui en parlent (art. 111-116, 120, 102, alinéa 3, et 110). De ces articles, les uns concernent les particuliers, les autres les associations confessionnelles.

1. En ce qui concerne les citoyens.

La Constitution polonaise reconnaît une entière liberté de conscience et de confession. L’art. 1Il dit : « La liberté de conscience et de religion est garantie à tous les citoyens. Il ne peut être apporté aucune restriction aux droits des citoyens en raison de leur confession ou de leurs conditions religieuses. Tous les habitants de l'État polonais ont le droit d’exercer librement leur culte, tant en public qu’en particulier, et de satisfaire aux prescriptions de leur religion ou de leur rit, dans la mesure où ces pratiques ne compromettent pas l’ordre public ni les bonnes mœurs. » Le § 1 er traite des citoyens de l'État polonais, le second des habitants, donc des citoyens aussi bien que des étrangers qui habitent en Pologne. L’art. 95 a ici aussi son application : « La Bépublique polonaise garantit à chacun, sur son territoire, la protection entière de sa vie, de sa liberté et de ses biens, sans distinction d’origine, de nationalité, de langue, de race ou de religion. Les étrangers bénéficient, sous la condition de réciprocité, de droits égaux à ceux des citoyens polonais et sont soumis aux mêmes obligations qu’eux, sauf les cas où la loi fait ceux-ci dépendre de la nationalité polonaise. » Il résulte des articles mentionnés de la Constitution que chaque Polonais, sans égard à ses convictions religieuses, jouit pleinement des droits de citoyen et que les étrangers ont droit à la protection de leur vie, de leur liberté et de leurs biens, tout comme les citoyens, qu’ils sont en droit de confesser leur foi en public et en particulier, et d’en suivre les prescriptions morales et rituelles, à la condition que « cela ne. soit pas contraire à la moralité ni à l’ordre public ». Ces conceptions sont très — on peut dire trop — élastiques. L’art. 1Il est trop libéral : il permet aux membres des groupes religieux non autorisés par l'État de célébrer, en dépit de l’art. 116, les cérémonies de leur religion même collectivement et en public, non pas comme membres de ces groupes mais comme habitants de l'État. Ici, un moyen d'éluder la Constitution est donc possible. Ceci n’est pas sans danger pour la Pologne et risquerait d’y ramener les funestes expériences du passé. Vn autre mal qui résulte de cet article c’est que la question de changement de confession ou de religion n’est pas réglée d’une manière uniforme et c’est un point sensible. Ce changement de confession s’accomplit encore selon les prescriptions juridiques des Étals conquérants qui, pour des raisons qu’il est aisé, de comprendre, facilitaient l’abandon du catholicisme en faveur d’autres confessions.

Cette liberté, de confession est limitée dans l’art, mentionné (111) et aussi dans les articles 112 et 120. Selon l’art. 112, « nul ne peut user de la liberté religieuse d’une manière contraire aux lois ». Il est donc interdit de se référer à quelque prescription religi qui ordonnerait ou défendrait une chose en opposition avec la loi ; par exemple, il est défendu d’offenseï les rites de si religion ou d’une religion étrangère. » Per-