Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/427

Cette page n’a pas encore été corrigée
2289
2290
PLATONISME. TRANSMISSION AU MOYEN AGE


sophique, le rapprochaient des écrivains chrétiens.' Son action est sensible sur le pseudo-Barnabe, Justin, le pseudo-Justin (Cohorlatiu ad génies J, les initiateurs de l'école d’Alexandrie, Clément et Origène, Basile aussi, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Ambroise, qui parfois le copie, Jérôme qui, s’il n’en fait pas comme Ilavet « le premier des Pères de l'Église », le range cependant dans son Catalogue des écrivains ecclésiastiques (c. xi). C’est que dans le livre de Philon, Ilspi. (Jtou GecopTjTixoO r t (.xe-rcôv, il croyait reconnaître, après Eusèbe (Hist. eccl., II, xvii), une description de la vie des premiers chrétiens : De vita nostrorum… id est de aposlolicis viris… quod videlicet cwleslia contemplentur et semper Deum orenl. Par suite, Philon lui-même était considéré un peu comme un des nôtres. Beaucoup suivent fidèlement sa méthode dans l’explication allégorique des textes ; on lui emprunte ses vues mystiques sur la connaissance de Dieu. Voir Cari Siegfried, Philo von Alexandrin als Ausleger des allen Testaments, Iéna, 1875, qui donne (p. 303-399) des listes de rapprochements entre Philon et les apologistes, les alexandrins, Ambroise, Jérôme. On pourrait comparer aussi le De vita Moysis et le De opificio mundi de Philon avec le De vita Moysis de Grégoire de Nysse et son De hominis opificio.

3° Parmi les philosophes qui, de loin, ont préparé la prédication de l'Évangile, ou se trouvent, en certains points, d’accord avec lui, Eusèbe compte, encore avec Platon et Philon, bon nombre de néoplatoniciens ou de précurseurs du néoplatonisme, dont il transcrit de longues citations : Atticus, Sévère, Plutarque, Numénius, Plotin, Porphyre. Voir Præp. evang., 1. IV et XI. Plotin surtout a été mis à contribution. Il y a des réminiscences des Ennéades chez Grégoire de Nazianze (cf. H. Pinault, Le platonisme de saint Grégoire de Nazianze, p. 69, 114, 157, 191 sq.), chez Grégoire de Nysse, chez Basile qui s’en inspire visiblement en plusieurs homélies (Bouillet, Les « Ennéades » de Plotin, t. iii, p. 638 sq. ; cf. A. Jahn, Basilius magnus plotinizans, Berne, 1838), chez Cyrille d’Alexandrie, dans son Adversus Julianum libri VIII, plus que chez tout autre, chez Augustin, qui met à profit, surtout dans ses premiers ouvrages, les traités de Plotin sur les trois hypostases, Enn., V, i, le Beau, I, vi, les vertus, I, ni, le bonheur, I, iv, la Providence, III, n. Cf. Combes, Saint Augustin et la culture classique, Paris, 1927, p. 16 et 17 en note. « On citerait difficilement, écrit le P. Boyér, une doctrine d’Augustin à cette époque (l'époque de sa formation) qui soit demeurée sous la seule influence chrétienne. Il n’a rien approfondi qu’avec le secours des lumières néoplatoniciennes. » Christianisme et néoplatonisme dans la formation de saint Augustin, Paris, 1920, p. 101, n. 1 ; p. 79-119 ; cf. L. Grandgeorge, Saint Augustin et le néoplatonisme, Paris, . 1896, p. 39 sq. Saint Thomas disait : Augustinus, qui doclrinis platunicorum imbulus fueral, si quæ invenit fidei accommodala in eorum dictis, assumpsit ; qu ; r vero invenit fidei nostræ adversa, in melius commutavit. Sum. theol., I a, q. lxxxiv, a. 5. Saint Augustin connaît aussi Porphyre, dont il cite le livre De regressu animée, le De philosophia ex oraculis, la lettre De diis dœmonibus ad Anebonem ; cf. De civit. Dei, X, xi ; XIX, xxiii.

Au ve siècle, les mêmes influences se font sentir chez Théodoret de Cyr, Némésius, Claudien Mamert, surtout chez Synésius, qui, disciple toujours fidèle d’Hypatie, reste platonicien, même devenu évêque de Ptolémaïs. Cf. Bardenhewer, Gesch. der altkirch. Literatur, t. iv, 1924, p. 110 ; Hans Eibl, Augustin und die Palristik, vin : Christliche Neuplatoniker des v.Jahrhunderts, Munich, 1923, p. 365 sq.

Le pseudo-Aréopagite utilise Proclus dont le De malo, qui nous est conservé seulement dans une tra duction latine, présente des ressemblances frappantes avec le De divinis nominibus. Cf. H. Koch, Proklus als Quelle des Pseudo-Dionysius in der Lehre vom Bôsen, dans Philologus, 1895, p. 4158 sq. ; Jos. Stiglmayr, brr Neuplatuniker Proclus aïs Vorlage des sogen. Diomjsius Areopagita in der Lehre vom Ucbel, dans Ilistor. Jahrbuch, 1895, p. 253 sq., 721 sq. ; H. Koch, Pseudo-Dionysius Areopagita in seinen Beziehungen zum Neuplatonismus und Mysterienwesen, Mayence, 1900 ; H.-F. Millier, Dionysios, Proklos, Plofinos, dans les Beitrage de Bàumktr, t. xx.fasc. 3-4, Munster, 1918. Dans ce dernier ouvrage, H.-F. Millier pense que Denys a puisé non seulement chez Proclus, mais aussi directement dans les Ennéades et que le mystérieux Hiérothée, dont il se dit le disciple, ne serait autre que Plotin (p. 37) ; mais cette dernière hypothèse, qui ne s’appuie sur aucune preuve décisive, a le tort de négliger la plupart des traits sous lesquels Denys présente son maître vénéré, sa dignité de « hiérarque », surtout son enseignement sur Jésus et l’incarnation.

4° Notons encore, car ils ont été d’actifs messagers des idées néoplatoniciennes, Chalcidius, et même Boèce qui fut aussi le principal introducteur d’Aristote en Occident (cf. In librum de interprelalione, I, 2, P. L., t. lxiv, col. 433), Simplicius, Jean Philopon, saint Jean Damascène ; car lorsque, au déclin de la période patristique, Aristote recommence à être commenté, c’est surtout par des érudits teintés de néoplatonisme. Ainsi s’accentue le syncrétisme, qui avait toujours existé dans cette école et qui, exagéré encore par les Arabes, fera pénétrer, sous le nom d' Aristote, bien des éléments néoplatoniciens dans l'édifice de la scolastique.

III. LA TRANSMISSION DV « PLATONISME » AU MOYEN

âge i.t a la scolastique. — 1° En fait, il est souvent là, bien qu’ignoré et quoi qu’en disent les scolastiques eux-mêmes, qui discernaient mal entre les anciennes écoles ; confusion excusable, car on ne connaissait guère alors les anciens que par des ouvrages éclectiques dont le premier souci, semble-t-il, était d’effacer les différences et de faire croire que la philosophie est partout une et essentiellement la même. Ce fut la tendance des Arabes, comme c’avait été toujours davantage celle du néoplatonisme hellénique. De plus, les fausses attributions étaient déconcertantes. La prétendue Théologie d' Aristote était une compilation de thèses plotiniennes et le Liber de causis passa d’abord pour un écrit péripatéticien.

Nos docteurs latins eurent de la peine à s’y retrouver. Albert le Grand, suivi par Ulrich de Strasbourg, fait de Platon le chef des stoïciens et saint Thomas, dans les débuts, était si peu fixé sur les caractères respectifs du platonisme et du péripatétisme que, dans le Commentaire sur les « Sentences », il oppose Denys à Basile et à Augustin comme un fidèle disciple d’Aristote : Dionysius… fere ubique sequitur Aristotelem, ut palet diligenler inspicienti libros ejus. In II am, dist., XIV, a. 2. Dans le De malo, q. xvi, a. 1, ad 3um, l’erreur est corrigée : Dionysius qui in plurimis fuit sectator sententiæ platonicæ et le Commentaire sur les noms divins (au début) explique que Denys est obscur pour quatre causes, dont la seconde est qu’il parle le plus souvent comme les platoniciens et que les modernes comprennent difficilement ce langage. Mais le De unilale intellectus considère encore Plotin comme un des grands commentateurs d’Aristote.

2° Le platonisme a pénétré dans la philosophie scolastique : 1. D’abord par Platon, dont le haut Moyen Age connaît en partie le Timée (de 17 a à 53 c) dans la traduction de Cicéron et de Chalcidius. En général, on le comprend mal et on l’interprète de façon fantaisiste. Sur l’influence du Timée, à cette époque,