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PAUL (SAINT). L’ÉGLISE


tout en tous. » Eph., i, 23. L’Église est ainsi la « plénitude » du Christ ; tous ses membres font partie du corps du Christ et reçoivent de lui la vie et la force spirituelles pour remplir leur rôle. Cf. Eph., ii, 16.

En outre, l’Église est comme « fie cité, une famille, un édifice : « Vous êtes les concitoyens des saints et les membres de la famille de Dieu, édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, dont Jésus-Christ lui-même est la pierre angulaire. C’est en lui que tout l’édifice, bien ordonné, s’élève pour former un temple saint dans le Seigneur. » Eph., ii, 19-22.

L’Église est visible, elle est connue des principautés et des puissances dans les deux ; elle est le signe de la sagesse infinie de Dieu. Eph., iii, 10, cꝟ. 21. L’Église est une » et elle est principe d’unité dans la foi, Eph., iv, 3-6 ; mais les fidèles ont diverses fonctions pour la perfection des saints, pour l’œuvre du ministère, pour l’édification du corps du Christ ». Eph., iv, 7-12. Le Christ est « le chef et le sauveur de l’Église, son corps », Eph., v, 23 ; « il l’a aimée et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier », « de la rendre sans tâche et immaculée ». Eph., v, 23-28.

Il faut être membre du corps du Christ, demeurer en lui, pour en recevoir la vie spirituelle. Le but de l’apostolat c’est « de rendre tout homme parfait dans le Christ Jésus ». Col., i, 28, et Eph., iv, 13. Après avoir reçu le Christ, il faut « marcher en lui », « rester enraciné et édifié en lui, affermi par la foi ». Col., ii, 6-7. « Dans le Christ habite la plénitude de la divinité » ; i en lui » on a tout avec plénitude. Col., ii, 9-10. Les chrétiens étant « fortifiés par l’Esprit en vue de l’homme intérieur », « ayant en eux le Christ par la foi », peuvent arriver à « connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance », et ainsi être remplis de toute la plénitude de Dieu. Eph., ni, 16-19. Cf. Joa., i, 16.

Pour conserver la vie chrétienne, il faut « adhérer à la tête, de laquelle tout le corps, par les jointures et les ligaments, tirant sa subsistance et sa cohésion, croît de la croissance de Dieu ». Col., iii, 19 ; cf. Eph., iv, 16. Ainsi les membres qui ne sont pas unis à la tête ne peuvent vivre. II y a donc une complète dépendance de l’Eglise et de ses membres par rapport au Christ, leur chef et leur principe de vie. Cf. Joa., xv, 1, 5.

Il y a plus, les souffrances des membres de l’Église, ou celles de l’Église dans ses membres, deviennent les

souffrances du Christ ». C’est là un des aspects les plus profonds de la doctrine mystique de l’Apôtre sur l’Église. « Je me réjouis maintenant d’ans mes souffrances pour vous et je complète dans ma chair, pour son corps qui est l’Église, ce qui manque des souffrances du Christ. » Col., i, 24.

L’Apôtre veut parler de ses travaux et des souffrances qu’il a endurées et endure encore pendant sa captivité. Pour comprendre ce passage, qui a donné lieu à bien des explications, il importe d’abord d’écarter une équivoque. Il ne manque rien aux souffrances personnelles du Christ, ni à leur valeur salvifique : cette valeur a été surabondante et infinie. Concile de Trente, sess. vi et xiv. Il n’y avait pas lieu de les compléter. Les « souffrances du Christ » QXL<iziç toû -XpiTTOÙ, ne signifient donc point ses souffrances personnelles. D’après Knabenbauer, p. 310, il s’agirait des travaux et des fatigues du Christ pendant son ministère. Jésus n’ayant prêché que peu de temps et sur un théâtre très restreint, il restait encore aux ouvriers évangéliques une lourde tâche à remplir et bien des souffrances à endurer pour répandre la foi dans le monde. C’est ainsi que saint Paul complète les travaux et les souffrances du Christ en faveur de l’Église.

Cette explication, juste en elle-même, ne semble pas rendre toute la pensée de l’Apôtre. Beaucoup de com mentateurs anciens et modernes entendent les a souffrances du Christ » des souffrances que le Christ endure dans ses membres ou impose aux apôtres et aux fidèles. D’après saint Jean Chrysostome, Théophylacte, saint Augustin, les « souffrances du Christ » sont les souffrances de l’Église, son corps : Qui (Christusj passus est in capite nostro et patimur in membris suis, id est, nobis ipsis, saint Augustin, In psalm, i.xi. P. L., t. xxxvi, col. 731 : Passio enim Domini usque ad finem producitur mundi, saint Léon, P. L., t. uv, col. 383.

Cajétan, Bellarmin, Salmeron, Suarez ont vu dans ce passage un fondement à la doctrine de la communion des saints enseignée d’ailleurs plus explicitement dans I Cor., xii, 26-28. Cf. Catechism. roman., i, c. ix.

Les commentateurs modernes expliquent le passage en le rattachant à la doctrine mystique de l’Apôtre. Us ne font d’ailleurs que développer l’explication de saint Jean Chrysostome et de saint Augustin. Les chrétiens, par la foi et le baptême, sont « dans le Christ ». Rom., vi, 4 ; viii, 10. Unis à lui, ils ne forment avec lui qu’un seul corps ; ils en sont les membres, I Cor., xii, 26-27. Or, le corps du Christ, c’est l’Église ; voir plus haut. Les fidèles vivent de la vie spirituelle du Christ, Gal., i, 16 ; ii, 19-20 ; Phil., m, 9 ; II Cor., v, 14-17.

Or, pour arriver au salut, il faut réaliser le plus complètement possible la ressemblance au Christ, mort et ressuscité. Phil., iii, 12, 15 ; II Cor., iii, 18 : Rom., vi, 4 ; Col., ii, 12, 20. Il faudra donc souffrir avec lui pour être glorifié avec lui. Gal., vi, 14, 17 ; Phil., iii, 10 ; Rom., viii, 17-18. Ainsi, les membres devront souffrir comme le chef ; II Cor., i, 5 : « Les souffrances du Christ abondent en nous » ; iv, 10 ; Gal., vi. 12 ; I Thess., iii, 3 ; Phil., iii, 10 ; et en vertu de leur union à lui, leurs souffrances seront celles du Christ.

Chacun doit donc fournir, dans l’Église, une part personnelle de souffrance, pour hâter la perfection du corps, c’est-à-djre de l’Église même. Ce complément aux souffrances du Christ se réalise dans l’Église et pour le bien de l’Église. C’est pourquoi les souffrances de l’Apôtre sont « celles du Christ » et cela en faveur de l’Église. On peut donc dire, avec saint Léon, que les souffrances du Christ (dans ses membres) ne sont point achevées : Passio Domini usque ad finem producitur mundi. Tous les fidèles sont appelés à les compléter ; c’est précisément ce que fait saint Paul, par ses souffrances personnelles, endurées dans son apostolat auprès des païens. Toutefois, il se garde bien de dire qu’à lui seul il complète ce qui manque des souffrances du Christ. Tous les fidèles sont appelés à ce rôle. L’Apôtre ne parle que de sa part, à lui ; mais il pose en même temps le fondement d’une doctrine sur la souffrance chrétienne. L’idée d’union mystique et de communauté de souffrance dans l’Église entraîne celle de communication de mérites entre les membres du même corps.

La doctrine de l’épître aux Éphésiens sur l’Église a souvent été invoquée pour nier l’authenticité de cette épître. Les textes que nous avons apportes, comparés à ceux des autres épîtres, montrent qu’il y a, dans la théologie de l’Apôtre, développement et non solution de continuité. A mesure que l’Église s’étend, sous l’action de l’apostolat, saint Paul formule la doctrine exigée par cette extension. Vers la fin de sa vie, il insiste sur le rôle du Christ, chef invisible et lien de toutes les communautés. Cette Église n’est nullement conçue comme un « royaume de Dieu devant être inauguré par un retour imminent du Christ ». Elle résulte de la réalisation progressif du plan divin de salut. Elle est l’accomplissement du dessein éternel de Dieu. Elle s’étend et s’organise