Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/644

Cette page n’a pas encore été corrigée

i
    1. PAUL (SAINT)##


PAUL (SAINT). L’EUCHARISTIE

2422

Les femmes surtout, poussées par une piété mal éclairée, croyaient sans doute pouvoir rompre leur mariage après leur conversion. Mais il devait y avoir d’autres cas de séparation que celui d’une piété mal entendue, puisque l’Apôtre, au ꝟ. 11, parle de réconciliation. Plusieurs commentateurs anciens et modernes pensent qu’il y avait le cas d’adultère. Voir Cornely, h. L, p. 178. Saint Paul ferait allusion au précepte du Christ, tel qu’il est dans Matth., v, 32, et xix, 9, c’est-à-dire avec l’adoucissement qu’il comporte. Il enseignerait qu’il y a là une cause légitime de séparalion, mais qui ne rompt point le mariage, ni ne donne la faculté de contracter une nouvelle union. Cette conjecture nous semble assez fragile ; l’Apôtre aurait reproduit plus clairement sur ce point l’enseignement de Jésus, s’il avait voulu rapporter la tradition évangélique telle qu’elle est contenue dans saint Matthieu.

Après avoir affirmé le principe de l’indissolubilité du mariage chrétien, l’Apôtre traite un cas spécial, qui devait être assez fréquent à Corinthe. Lorsque, de deux conjoints païens, un seul se convertissait au christianisme, leur mariage contracté dans le paganisme restait-il indissoluble ? Saint Paul n’envisage pas l’hypothèse d’un chrétien épousant une païenne, ni d’une chrétienne épousant un païen : « Si un frère (un chrétien) a une femme infidèle (incroyante, païenne) et qu’elle consente à habiter avec lui, qu’il ne la renvoie point ; et si une femme a un mari infidèle (incroyant) et qu’il consente à habiter avec elle, qu’elle ne renvoie point son mari », ꝟ. 12-13. Mais, « si la partie infidèle veut se séparer, qu’elle se sépare : le frère ou la sœur ne sont point liés dans ces conditions », ꝟ. 16. Dans ce dernier cas, la séparation est donc permise, mais elle est laissée à la décision de la partie infidèle : si l’infidèle ne veut pas cohabiter, ou cohabiter seulement dans des conditions impossibles à accepter par la partie fidèle, le chrétien n’est « plus enchaîné dans ces conditions ». Il faut entendre qu’il est libre de contracter une autre union. Si l’Apôtre avait parlé d’une simple séparation, il n’aurait pas tant insisté sur l’idée de liberté et de paix, au ꝟ. 15, et puis il n’aurait pas fait de ce cas un cas particulier, il l’aurait traité au ꝟ. 10-11. Les termes SéSerat, ÈXeuOépa, dont se sert l’Apôtre au ꝟ. 39, confirment cette interprétation ; là, comme au ꝟ. 15, la femme est libre de se remarier.

Sur ce point, Jésus n’avait donné aucun enseignement, l’Apôtre le déclare : « Je leur dis, moi-même, et non pas le Seigneur », ꝟ. 12. Mais, en parlant ainsi, il ne veut point opposer une opinion humaine à un précepte divin. Il use de son autorité d’apôtre pour donner une décision sous l’inspiration du Saint-Esprit ; cf. v. 40. Ce qu’il règle en qualité d’apôtre, il le présente ailleurs comme des « commandements du Seigneur ? .. xiv, 37. Ce précepte ne vient donc point de l’enseignement de Jésus. Il est propre à saint Paul ; d’où le nom de « privilège paulinien » que lui ont donné les théologiens.

Pour saint Paul, comme pour le Christ, cf. Gen., n, 24 ; Matth., xix, 5, le mariage a, chez les chrétiens, une valeur religieuse particulière : « Le mari est le chef de la femme comme le Christ est le chef de l’Église, son corps dont il est le Sauveur. » Eph., v, 23. Les maris doivent « aimer leurs femmes comme le Christ a aimé l’Église et s’est livré pour elle afin de la sanctifier, » ꝟ. 25 ; ils doivent les aimer « comme leur propre corps », ꝟ. 28, comme fait le Christ pour l’Église qui est « son corps », ꝟ. 30. « Ce mystère est grand, je veux dire en ce qui concerne le Christ et l’Église », ꝟ. 32.

L’union du Christ et de l’Église est donc le modèle de l’union des époux. Le mariage devient ainsi la

figure, la représentation du mystère révélé dans l’union du Christ et de l’Église. Mais, devenu ainsi le symbole de l’union mystique du Christ et de l’Église, il acquiert une efficacité religieuse ; il est pour les époux une source de grâce et de sanctification. En un mot, il se trouve élevé à la dignité de chose sainte, de sacrement : Grutiam vero quæ naturalem illum amorem perficeret et indissolubilem unitatem confirmarel conjugesque sanctipearet, ipse Christus, venerabilium sacramentorum instilulor alque perfeclor, sua nobis passione promeruit. Quod Paulus apostolus innuit dicens : Viri diligile uxores vestras… etc. Concile de Trente, sess. xxiv ; cf. Col., iii, 18-19 ; Tit., ii, 4.

L’eucharistie.

En se convertissant, les fidèles

de Corinthe n’avaient point « quitté le monde », cf. I Cor., v, 10. Ils restaient au milieu des païens, et la vie sociale et familiale les obligeait à avoir avec eux des relations continuelles. On se fait difficilement une idée de l’atmosphère religieuse dans laquelle ils devaient vivre presque constamment. La plupait des actes de la vie civile et privée comportaient, chez les païens, des cérémonies religieuses et étaient suivis de « repas sacrés ». Les mets offerts en sacrifice étaient en partie mangés dans ces repas sacrés. Dans les sacrifices privés, après le prélèvement de la part qui revenait aux prêtres, presque tout le reste pouvait être enlevé par celui qui offrait le sacrifice pour être vendu ou mangé à domicile. Après les sacrifices publics, des parts de viande étaient distribuées officiellement et elles pouvaient être vendues si on ne les consommait pas à la maison. Ainsi il y avait constamment, sur les marchés, des slSwXôÔuxa ou viandes » offertes aux idoles ».

Les repas sacrés faisaient partie du culte rendu aux dieux. Dans ces repas, les adeptes croyaient être en communion avec la divinité qui était censée être là par sa présence invisible et partager en quelque sorte la même table. Ils croyaient s’unir avec elle en prenant les aliments qui lui avaient été consacrés.

Les repas sacrés avaient joué un rôle important dans la religion d’Israël. Ils étaient le complément des fêtes de sacrifices. Nous lisons dans l’Exode, xviii, 12 : « Jéthro, beau-père de Moïse, offrit à Dieu un holocauste et des sacrifices. Aaron et tous les anciens d’Israël vinrent prendre part au repas, avec le beau-père de Moïse, en présence de Dieu. » Cf. Ex., xxiv, 11 : xxvi, 34. On mangeait les viandes sacrifiées à Jahweh, IReg., i, 4-5 ; ii, 12-14. On répandait le sang sur l’autel et on « faisait fumer la graisse ». Ibid., ii, 15-16. On ne pouvait manger la chair avec le sang ; il fallait d’abord répandre le sang sur l’autel, I Reg., xiv, 33-35. car c’était l’élément réservé à Jahweh. Saint Paul s’écrie : « Considérez les Israélites selon la chair. Ceux qui mangent ce qui est sacrifié ne sont-ils pas en communion avec l’autel, xotvcovoi. toû 8ua(.aaTr, : ’.v, eîatv ? » L’Apôtre parle de l’ancienne Loi. Alors, ceux qui mangeaient des victimes offertes en sacrifice s’unissaient à Dieu d’une certaine manière ; ils étaient comme les convives de Dieu à qui la victime avait été offerte.

Les repas sacrés, chez les païens, portaient parfois le nom du Dieu auquel la victime avait été offerte. On faisait des invitations « au repas du dieu ». Les papyrus d’Oxyrhinque nous ont conservé des invitations « à souper à la table du Seigneur Sérapis, Set7uiî)aa(. sic Y-Xtlvr^ toû xupîou Zapâ7u80 ; ». Grenfell et Hunt, Oxyrhinchus papijri, t. i, p. 177 ; Deissmann, Licht vom Osten, 3e éd., 1909, p. 264.

Cela nous aide à comprendre le langage de saint Paul, I Cor., x, 21, 27 ; xi, 21. Non seulement le mot xûpioç était devenu, surtout en Orient, un prédicat divin, mais les repas sacrés étaient ceux de la divinité. Saint Paul, en appelant le repas eucharistique le