Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 11.2.djvu/563

Cette page n’a pas encore été corrigée
2259
2260
PATRIARCATS. LES ORIGINES, CO NSTANTI NOPLE


a l’évêque d’Éphèse sur le diocèse d’Asie, et à l’évêque d’f léraclée sur la Thrace, comme le prétendent Hefele, t. i, p. 560-561, Luebeck, p. 146, et beaucoup d’auteurs anciens. Cf. à ce sujet, Solim, t. i, p. 4*21.

On le voit, les divergences ne manquent pas dans l’interprétation du 6e canon ; il n’en reste pas moins certain qu’à l’époque de Nicée, trois sièges sont en évidence. Rome est métropole de l’Italie, Alexandrie des provinces d’Egypte ; Antioche exerce une certaine autorité sur les provinces du diocèse d’Orient, provinces qui possèdent chacune leur métropolitain ; tandis que les provinces d’Egypte et d’Italie en sont encore dépourvues.

D’où vient le relief spécial qu’ont pris ces sièges ? Les anciens auteurs font remonter cette autorité à la fondation de ces Églises par saint Pierre ou ses disciples immédiats. Marc passait pour le fondateur de l’Église d’Alexandrie. Thomassin, part. 1, 1. 1, c. vin ; Phillips, p. 41 sq. Cette raison a sa valeur ; mais elle n’est pas la seule ; ces villes ont été des centres de propagation chrétienne d’où ont rayonné la foi et l’organisation ecclésiastique ; leur situation civile elle-même a dû contribuer à leur dignité.

2° L’organisation ecclésiastique d’après le concile de Constantinople (381). — Durant les luttes ariennes, des évêques empiétèrent parfois sur la juridiction de leurs collègues, BatiiTol, Le Siège apostolique, Paris, 1924, p. 129, 130 ; l’on vit un évêque d’Antioche. Euzoius, intervenir dans les alïaires d’Alexandrie, et un^évêque arien de Constantinopole, Eudoxe, déposer saint Cyrille de Jérusalem et d’autres évêques. Sozomène, H. E.. vi, 7, P. G., t. lxvii, col. 125. Pour remédier à de pareils abus, le concile de 381 décréta ce qui suit : « Les évêques appartenant à un autre diocèse ne doivent pas s’occuper des Églises étrangères et doivent respecter les limites des Églises, mais l’évêque d’Alexandrie doit s’occuper seulement des affaires de l’Egypte, les évêques orientaux seulement des affaires de l’Orient, car les prérogatives reconnues à l’Église d’Antioche, dans les canons de Nicée, seront maintenues ; les évêques du diocèse d’Asie ne doivent veiller qu’à ce qui concerne l’Asie, ceux du Pont qu’à ce qui concerne l’Église du Pont et ceux du diocèse de Thrace qu’à ce qui concerne la Thrace. » Hefele-Leclercq, t. M’, p. 22.

1. — Le canon sanctionne un groupement de l’Église d’Orient en cinq diocèses : Alexandrie, Antioche, Asie, Pont, Thrace. Le mot diocèse est pris ici sans son acception civile ; nous avons vu que l’empire d’Orient (nous ne parlons point de l’illyricum oriental) avait été divisé en quatre diocèses : Asie, Pont, Orient, Thrace ; vers le milieu du ive siècle, l’Egypte avait été séparée de l’Orient pour en constituer un cinquième. Le concile se réfère à cette organisation civile et déclare que les évêques de chaque diocèse ne devront pas s’occuper des alïaires des autres, ni faire dans ceux-ci des ordinations, sans en avoir reçu l’autorisation. Le canon indique donc un groupement des évêques par diocèse civil ; mais quel est le sens exact de ce groupement ?


Ceux qui prétendent que pareil groupement avait déjà été sanctionné par Nicée, et que dès 325 il y avait cinq diocèses ecclésiastiques administrés par l’évêque de la capitale du diocèse, Luebeck, p. 146 ; Hefele-Leclercq, t. i, p. 56 1 ; Thomassin, part. 1, I. 1, c. viii, ceux-là verront, dans le 2e canon du concile de Constantinople, la simple confirmation de l’état de choses déjà sanctionné par le 6e canon de Nicée, état de choses troublé durant les luttes ariennes. Et ces mêmes auteurs s’efforceront de prouver non seulement que Rome, Alexandrie et Antioche avaient une juridiction spéciale — ce que tout le monde admet — mais que même les capitales de la Thrace (lléraclée), du Pont (Césarée), et de l’Asie (Éphèse) jouissaient, dès

avant 381, d’une juridiction supérieure sur tout le diocèse. Luebeck, p. 190, essaie de le démontrer pour Césarée ; Tillemont, Mémoires, t. ix, 127, sans absolument la faire sienne, semble incliné vers l’opinion qui donne à saint Basile, évêque de Césarée, une autorité sur tout le Pont.

D’autres n’admettent pas ces conclusions, ou du moins émettent des doutes. Batiffol, Le Siège apostolique, p. 129 sq. ; Sohin, t. i, p. 420-425. Ils concèdent cependant que, dès avant 381, les diocèses d’Asie et du Pont « formaient en fait deux régions naturellement distinctes ». Mais ce que n’admettent pas ces auteurs, c’est que le concile de Constantinople ait formé cinq groupes hiérarchiques, avec un évêque à la tête ; pour Alexandrie et l’Egypte, il n’y a pas de difficulté, les termes mêmes du canon indiquent que l’évêque d’Alexandrie est le maître ; pour le diocèse d’Orient on peut encore admettre que le concile reconnaît l’autorité d’Antioche, bien que le texte du canon mette une différence, « l’évêque d’Alexandrie a compétence pour les choses de l’Egypte seule, les évêques d’Orient pour l’Orient, les droits d’Antioche étant saufs ». Quant aux autres diocèses, il n’est nullement fait mention d’une autorité spéciale accordée à l’évêque de la capitale de ces diocèses, mais il est seulement dit que les évêques de chacun des diocèses ne s’occuperont que des affaires du diocèse ; cf. Sohm, 1. 1, p. 425. Turner fait la même remarque : L’organisation est toujours si rudimentaire que les diocèses sont mentionnés sans les évêques de leurs capitales. Les évêques d’Alexandrie et d’Antioche sont mentionnés ; mais les exarques d’Héraclée, d’Éphèse et de Césarée sont toujours absents. » Studies in early C.hurch history, Oxford, 1912, p. 43. Donc, au point de vue de la haute hiérarchie, le canon 2e ne marque pas grand progrès sur le canon 6e de Nicée ; il n’y a toujours que deux évêques en Orient dont la juridiction supérieure soit indiquée : Alexandrie et Antioche ; néanmoins, de par le groupement même des provinces en diocèse, l’on tendait à ce que l’évêque de la capitale de chaque diocèse prit une autorité spéciale sur tout le diocèse. Était-ce déjà chose accomplie à Constantinople ? nous n’oserions l’affirmer ; en tout cas, au concile de Chalcédoine, l’organisation apparaîtra réalisée ; on peut donc admettre que l’autorité des chefs de chaque diocèse s’est constituée entre 381 et 451 et en conséquence de l’application du 2e canon du concile de Constantinople.

2. — Pour Rome, il y eut des changements après Nicée, vers les années qui suivirent le concile de Sardique : Milan s’était constituée en métropole et avait attiré les provinces du nord de l’Italie, de sorte que sous la juridiction métropolitaine du pape ne restaient que les dix provinces suburbicaires et c’est cette situation que décrit Rufin quand il dit vel hic suburbicarum Ecclesiarum solliciludinem gerat. P. L., t. xxi, col. 473 ; Batiffol, Le Siège apostolique, p. 151-153. Quel est l’auteur de ce changement ? Rome y a-t-elle consenti de plein gré ? On ne sait. Batiffol, loc. cit. ; Sohm, t. i, p. 408. L’action du pape sur les provinces suburbicaires est ainsi définie par P. Batiffol. « Les provinces suburbicaires n’ont aucune autonomie provinciale ; elles n’ont ni conciles ni métropolitains ; l’évêque de Borne leur sert de concile et de métropolitain. Chaque Église, le siège vacant, élit son évêque, mais l’élection doit être approuvée à Rome et l’élu ordonné à Rome… (Le pape) est le juge des évêques, ses suffragants ; il les dépose au besoin. Le Siège apostolique, p. 170 ; cf. aussi p. 151-170.

Mais il faut de nouveau nous demander quelle autorité le pape exerçait sur le reste de l’Occident. Nous ne parlons point de la primauté, elle est hors de cause. Nous voudrions seulement chercher quand et comment l’administration de l’Église occidentale s’est centra-