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PASSAGLIA — PASSER1NI


de l’Église sont particulièrement à méditer. Il faut ajouter à ces travaux une Synopsis de gratia en 1333 pages lithographiées et, en collaboration avec le P. Cl. Schrader, le premier tome d’une réédition de Petau enrichie débondantes notes (1857). Mais le grand ouvrage de Passaglia fut son De immaculato Deiparæ semper virginis conceptu. D’une seule pagination (1375 p.), les trois parties de l’ouvrage parurent à Naples à de courts intervalles (1854-1855). La première partie considère la grande idée que l’Écriture et la tradition expriment de la Vierge, les titres dont ils l’honorent, les symboles et les images qui l’annoncent ou la représentent. Une argumentation pénétrante exploite cet immense trésor de données scripturaires ou patristiques et montre que, seule, la doctrine de l’immaculée conception lui fait pleinement droit. Vient ensuite, dans la deuxième partie, l’étude des textes de l’Écriture qui sont appliqués à la sainte Vierge et de ceux surtout qui se rapportent littéralement à elle : le Protëvangile (Passaglia défend la leçon ipsa conterel) ; Isaïe, xi, 1 ; le livre d’Esther vu à la lumière du ps. cxvii ; Luc. i, 28-30. Dans la troisième partie, l’auteur étudie comment les Pères étaient amenés par diverses voies : maternité divine de Marie, son exemption du péché, ses similitudes (par exemple avec les anges), à concevoir et enfin à exprimer la doctrine de l’immaculée conception. La crise du xiie et du xme siècles est longuement considérée. Passaglia s’efforce d’interpréter saint Bernard et aussi saint Bonaventure (note de la p. 1348) selon la vraie doctrine. Il va sans dire que, dans un ouvrage où tant de textes sont recueillis et utilisés, bien des jugements prêtent à discussion ou même seraient aujourd’hui à réformer selon une critique plus exacte. Mais l’ensemble reste d’une force imposante et la conclusion de l’auteur est solidement établie, qui nous présente la doctrine de l’immaculée conception de la Vierge comme révélée, bien que des variations se soient produites dans la manière dont l’Église l’a proposée et dans la connaissance que les docteurs en ont eue. Le chef-d’œuvre de Passaglia satisfit grandement le pape Pie IX et éveilla parmi les catholiques une admiration reconnaissante. Hélas ! on allait voir le spectacle, comme il est arrivé souvent au xixe siècle, de magnifiques espérances soudainement déçues. Comment le P. Passaglia fut-il arraché peu à peu à sa chaire, puis à son ordre, et enfin à l’obéissance du pontife romain ? Il suffit ici d’indiquer les causes multiples de cette déchéance. Des plaintes sur sa manière d’enseigner que l’on trouvait plus brillante que pratique ; la résistance à ses desseins, bruyamment proclamés, de faire triompher ses méthodes et aux critiques qu’il dirigeait volontiers contre les scolastiques et même contre saint Thomas ; le chagrin qu’il éprouva d’être séparé du P. Schrader, avec qui il était très étroitement lié, et qui l’avait aidé dans la composition de son traité sur l’immaculée conception (pour la tradition orientale), dans la réédition de Petau et dans d’autres travaux ; peut-être aussi quelque ambition contrariée ou désappointée : tout cela, épreuves ou tentations, un religieux dont la santé spirituelle eût été entière, eût pu aisément le surmonter. Mais le P. Passaglia avait restreint à l’excès, dans sa vie, le temps de la prière pour tout donner à l’étude. En 1857, il demanda à descendre de sa chaire et il renonça à l’édition de Petau. Bientôt, il tomba malade et fit une longue convalescence pendant laquelle sa vie spirituelle s’anémia encore. Des imprudences qu’il commit causèrent du scandale. Quand il redemanda sa chaire, en 1858, et fit d’autres demandes, ses supérieurs ne purent, sous peine de compromettre gravement la discipline, le contenter. Des amis du dehors obtiennent alors de Pie IX que deux chaires de philosophie supérieure soient créées pour lui à la Sapience (l’université

DICT. DE THÉOL. CATH.

romaine). Le religieux aigri accepte cet enseignement, mais il se sent humilié. Un parti bruyant se forme autour de lui. Bientôt, il fait demander directement au pape — et il l’obtint — un rescrit de sécularisation (20 janvier 1859). Quelques jours plus tard (29 janvier 1859), il quitte la Compagnie de Jésus.

Professeur à la Sapience, il publie en 1860, Il pontifice ed il principe. Mais un agent de Cavour, le médecin Pantaleoni, le gagne à la cause piémontaise. En février 1861, il voit à Turin le célèbre ministre ; il accepte de proposer au pape la renonciation volontaire aux Légations et il publie son livre Pro causa italica (1861), qui est mis à l’Index. Il se rend alors à Turin, où il reçoit, dans l’université de l’État, la chaire de philosophie morale, qu’il gardera jusqu’à sa mort. Il devient aussitôt le chef du clergé libéral d’Italie, fait signer par de nombreux prêtres un manifeste retentissant pour obtenir le consentement du pape aux visées du Piémont (1862), mène la campagne contre le pouvoir temporel, fonde un quotidien La pace (1863-64), un hebdomadaire Il medialore (1862-66), un bulletin théologique // Gerdil (1867), défend le cardinal d’Andréa, La causa di… d’Andréa (Turin, 1867). Suspendu a divinis, il quitte l’habit ecclésiastique, mais il reste jusqu’au bout fidèle au célibat et attachéà la foi catholique. En 1863-64, il écrit contre Benan : La vita di Gesù scritia da Renan discussae con/ulala, Turin ; en 1881, contre le divorce : Sul divorzio, Turin. Après l’encyclique JElerni Palris, il publie un commentaire où l’éloge du document pontifical se mêle à la défense de Bosmini : Délia dotlrina di S. Tommaso secondo l’enciclica di Leone XIII, Turin, 1880.

Élu député en 1864, il proposa une sorte de constitution civile du clergé. Mais ce projet fut rejeté. Il finit par renoncer à son mandat et se trouva désormais déconsidéré et oublié de tous les partis. Dieu lui fit la grâce d’une bonne fin. Il se repentit de ses erreurs et de ses actes contre l’autorité du souverain pontife ; il en fit une solennelle rétractation, quelques mois avant sa mort, entre les main" » de l’archevêque de Turin, le cardinal Alimonda ; et ainsi, le théologien de l’immaculée conception mourut réconcilié avec l’Église, le 12 mars 1887.

Ce n’est pas sans tristesse qu’on pense à ce beau talent, l’un des premiers théologiens de son siècle et qui peut-être eût été le premier. Tempérament passionné, porté aux extrêmes, il n’eut pas la force de supporter la discipline qui lui était nécessaire, et, dans son ignorance des hommes, il devint le jouet des parti ?.

Archives de la Compagnie de Jésus ; L’uninersilà gregoriana del Collegio ronumo nel primo secolo dalla restiluzione (1553-lS21-1924), Rome, p. 173-174 ; P. Galletti, S..1., Memorie storiche inlorno al P. Vgo Molzae alla Compagnia di Gesù in Iloma durante il secolo XIX, Rome, 1912, c. xiii, p. 131 sq. ; E. Campana, // concilio valicano, t. i, Lugano-Bellinzona, 1926 ; The calhalic encyclopedia, art. Passaglia (V. Benigni) ; Bellamy, La théologie catholique au XIX’siècle, Paris, 1904 ; Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. VI, col. 332-336 ; Hurter, Nomenilator, 3e édit., t. v b, col. 1499 ; Biginelli, Biogra/ia del sacerdote C. Passaglia con documenti, Turin, 1887.

Ch. Boyer.

    1. PASSERINI Pierre-Marie##


PASSERINI Pierre-Marie, dominicain lombard (1595-1677) du couvent de Crémone, professeur, inquisiteur à Bologne, procureur général de son ordre. En 1670, Clément IX ne réussit pas à l’imposer comme maître général au choix des dominicains. Passerini est surtout connu comme canoniste par divers ouvrages : De eleclione canonica traclalus, 1661, in-fol. ; Commentaria in I, II ac III libros sexli decretalium, 1667, 2 in-fol. ; De eleclione summi pontificis Iraclatus, 1670, in-fol. ; Regulare tribunal…, 1677, in-fol. Mais il a laissé en outre une série de commentaires théologiques du thomisme : l. i, De incarnalionc, 1699, in-fol. ; t. ii,

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