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ORDRE. HIÉRARCHIE APOSTOLIQUE, ÉVÈQUES
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d'Église à Église, sans mention des ministres qui les dirigent. Non pas, certes, que les Églises autres que celle de Philippes fussent dépourvues d'évêques, de prêtres et de diacres — saint Clément n’atteste-t-il pas l’existence de surveillants et de diacres dans toutes les Églises apostoliques, xlii, 4 ? — mais, quelle que soit la raison de l’exception faite ici par saint Paul, elle n’en atteste pas moins le rôle prépondérant exercé par les évêques et les diacres dans l'Église de Philippes.

3. Êpilres pastorales.

Quant à leurs fonctions, on doit dire, en général, qu’ils sont pasteurs d'âmes, cf. Act.. xx, 28 ; Eph., iv, 11, sédentaires et attachés à un troupeau » déterminé, se distinguant par là de tous ceux, apôtres, évangélistes, prophètes, docteurs, qui font partie d’une hiérarchie itinérante. Eph., iv, 11. Mais les épîtres pastorales nous apportent d’autres précisions.

Dans la I re à Timothée, iii, 1 sq., voici ce qui se rapporte aux » surveillants » : « C’est une vérité certaine : Si quelqu’un désire l'épiscopat, il désire une œuvre bonne. L'évêque doit donc être irréprochable, n’avoir épousé qu’une seule femme, être sobre, prudent, grave, chaste, hospitalier, capable d’enseigner ; non porté à boire et à frapper ; mais modéré, ennemi des contestations, désintéressé, et surtout gouvernant bien sa maison, tenant ses enfants soumis, en toute chasteté, car si quelqu’un ne sait pas gouverner sa propre maison, comment gouvernera-t-il l'Église de Dieu ? Non néophyte, de peur qu’enflé d’orgueil, il ne tombe dans la condamnation du diable. Il faut aussi qu’il ait un bon témoignage de ceux qui sont dehors, afin qu’il ne tombe pas dans l’opprobre et dans les filets du diable. » De même, Paul fait, au sujet des évêques, les recommandations suivantes à Tite, Tit., i, 5-9 : « Si je t’ai laissé en Crète, c’est pour que tu établisses les choses qui manquent, et que tu constitues des anciens dans chaque ville, ainsi que je te l’ai prescrit. Si donc quelqu’un est sans reproche, n’ayant épousé qu’une seule femme, et si ses enfants sont fidèles, non accusés de débauche ou d’indiscipline (choisis-le). Car l'épiscope doit être irréprochable, comme dispensateur de Dieu, nullement altier, ni colère, ni porté à boire et à frapper, ni avide d’un gain honteux, mais hospitalier, bon, sobre, juste, saint, continent, fortement attaché aux vérités de la foi, qui sont conformes à la doctrine, afin de pouvoir exhorter selon la saine doctrine, et confondre ceux qui la contredisent. Car il y a beaucoup de rebelles, beaucoup de semeurs de vaines paroles, et de séducteurs. II faut leur fermer la bouche, parce qu’ils causent la subversion de toutes les familles, enseignent ce qu’il ne faut pas pour un gain honteux… »

Dans ces deux textes, l’apôtre insiste surtout sur les qualités morales requises pour l'épiscopat. Néanmoins, le fait qu’il requiert des « surveillants » une perfection plus que commune, semble indiquer que leur charge dépasse celle d’un simple intendant, économe, contrôleur ou administrateur financier. On songe bien plutôt à la charge pastorale de ceux qui « mettent leur sollicitude dans les choses du Seigneur », et pour lesquels saint Paul exigeait aussi pareille perfection. Cf. I Cor., vii, 32 sq. Interprétation corroborée par l’expression xaXôv ëpyov qui désigne la charge de l'épiscopat primitif : fonction belle, haute, sublime, à laquelle un néophyte n’est pas préparé et qui requiert une vertu déjà éprouvée. Mais il y a un point important à signaler : les « surveillants » doivent « être fortement attachés aux vérités de la foi qui sont conformes à la doctrine, afin de pouvoir exhorter selon la saine doctrine, et confondre ceux qui la contredisent ». L’enseignement des vérités de la foi est donc une partie de leurs fonctions. Et cette fonction appartient en propre aux

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

épiscopes, comme faisant partie de leur charge, et non pas par une délégation de la communauté ou par une substitution aux détenteurs de charismes.

4. Saint Pierre.

Ce sont donc bien des pasteurs

d'âmes, comme saint Pierre l’insinue dans sa première épître, à l’imitation du Christ, chef des pasteurs, « pasteur et surveillant des âmes des fidèles », ii, 25, pasteurs d'âmes qui doivent « veiller sur le troupeau à eux confié, non par nécessité, mais spontanément selon Dieu, non en vue d’un gain honteux, mais de plein gré, non comme dominant sur l’héritage du Seigneur, mais se faisant de cœur le modèle du troupeau ». v, 2-3.

5. Saint Clément.

L'épître de saint Clément aux Corinthiens appuie cette doctrine. L’auteur insiste sur la nécessité de la soumission, l’ordre étant à ce prix. Et il cherche, dans la nature, dans la création entière, dans la constitution de l’armée des exemples de l’ordre qui doit régner dans la religion par la conformité des volontés humaines à la volonté de Dieu. xx-xxxvti. Le corps humain est un autre exemple, qui nous mène tout droit à la conception de l’organisation ecclésiastique, xxxviii. Ces considérations l’amènent à parler de la volonté divine touchant l’organisation du culte dans l'Église. Déjà, dans l’Ancien Testament, toute une organisation positive, issue de la volonté divine, réserve au grand-prêtre, aux prêtres et aux lévites des fonctions liturgiques spéciales, et les distingue des laïques, xl. L’analogie fait transporter dans la religion chrétienne la subordination des pouvoirs et la distinction entre la hiérarchie et le peuple. Quelle est cette hiérarchie ? « Les apôtres, envoyés par le Seigneur Jésus-Christ, nous apportèrent l'Évangile ; Jésus-Christ a été envoyé par Dieu. Le Christ est donc l’envoyé de Dieu ; les apôtres sont les envoyés du Christ : l’une et l’autre mission se firent donc régulièrement de par la volonté de Dieu. Après avoir donc reçu leurs instructions, et après avoir été confirmés par la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pleins de foi en la parole de Dieu, ils s’en allèrent avec la conviction donnée par l’Esprit-Saint, porter la bonne nouvelle de la venue du royaume de Dieu. Prêchant donc dans les bourgs et les villes, ils établirent leurs prémices (premiers disciples), après les avoir éprouvés par l’Esprit, surveillants et diacres des futurs fidèles. Et ce n'était pas une nouveauté : depuis longtemps les surveillants et les diacres avaient été l’objet d’une prédiction. L'Écriture, en effet, dit quelque part (citation large d’Is., i.x, 17) : « J'établirai leurs sur « veillants en justice, et leurs ministres en fidélité. » Et quoi d'étonnant si (les apôtres), à qui cette œuvre a été confiée par Dieu dans le Christ, ont établi ceux que je viens de dire ? » xlii, 1-xliii, 1.

Ce texte est extrêmement important ; il atteste le droit divin dans la constitution et la permanence de la hiérarchie ecclésiastique. Dieu a député le Christ ; le Christ a investi les apôtres ; ceux-ci ont organisé l'Église, établissant les surveillants et les ministres conformément aux instructions du Christ. Tel est le témoignage clair et formel de l'Église de Rome, dès la fin du I er siècle. L’appel fait par Clément à Is.. i.x, 17, (qu’il ne cite pas d’ailleurs textuellement) n’infirme pas la valeur de son témoignage historique ; s’il ne le fortifie pas au point de vue doctrinal, il est néanmoins une preuve nouvelle que surveillants et diacres, à la fin du premier siècle, sont dans l'Église des ministres revêtus d’autorité, des pasteurs d'âmes.

Mais ce n’est pas tout. Clément rappelle les titres authentiques à la succession apostolique parmi les ministres institués dans l'Église. Une nouvelle comparaison tirée de l’Ancien Testament amène la théorie de la succession. Dieu avait fait le choix d’une tribu,

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