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PAQUES. LE CYCLE DE DENYS LE PETIT


argumente ainsi : le 14e jour de la lune pascale tombant en 455 le dimanche 17 avril, puisqu’on ne peut célébrer Pâques avant le 15e jour de la lune, il faut nécessairement remettre la célébration de la fête à huit jours plus tard, donc au 24 avril. Ce fut déjà le cas en 373, 377, 387 et 444 et cela arrivera encore en 550. (Protérius se sert de l’ère de Dioclétien et nomme le mois selon le calendrier égyptien ; mais nous avons transcrit les années selon l’ère chrétienne et les mois selon le calendrier usuel.) Voir cette lettre de Protérius dans P. L.. t. liv, col. 1084 sq. ; édition critique dans Krusch, Sludien, p. 269 sq.

Toute l’argumentation de Protérius repose sur le fait que le 17 avril 455 était le 14e jour de la lune pascale ; or, dans la table de Zeitz, qui représente le comput alors en usage à Rome, le 17 avril est donné comme le 18e jour de la lune pascale. Il n’est donc guère probable que le raisonnement de Protérius ait fait grande impression sur les Romains. Toutefois, le pape accepta la date pascale du comput alexandrin pour l’année 455, pour le bien de la paix. Voir la lettre de saint Léon à l’empereur Marcien, 29 mai 454, P. L., t. liv, col. Il 00 ; édition critique dans Krusch, Sludien, p. 264.

3. Tentative de conciliation : le cycle de Victorius. — Malgré cette nouvelle déconvenue, le pape saint Léon ne put encore se résoudre à accepter le cycle alexandrin, et il chargea son archidiacre Hilaire ou Hilarus de procéder à une nouvelle correction du comput pascal romain. Hilaire se mit au travail, mais, après avoir étudié tous les computistes grecs et latins, il ne se crut pas capable de mener l’entreprise à bonne fin et il s’adressa au célèbre calculateur aquitain Victurius (Victorius ou Victorin). Celui-ci combina le cycle lunaire de 19 ans en usage à Alexandrie avec le cycle solaire de 28 ans, et il construisit une période pascale de 532 ans, laquelle devait, après son évolution, ramener les pleines lunes pascales non seulement aux mêmes quantièmes du mois, mais aussi aux mêmes jours de la semaine. Cette période pascale débutait avec l’année 28 de Jésus-Christ, que Victorius croyait être l’année de la passion et de la résurrection du Sauveur. Comme le comput alexandrin, Victorius n’admettait le sallus lunæ que chaque 19° année. Victorius se rapprochait donc beaucoup du cycle en usage à Alexandrie, mais, comme il restait fidèle à l’usage romain, qui n’admettait pas de Pâques avant le 16° jour de la lune et dont les échéances pascales extrêmes étaient le 22 mars et le 24 avril, il ne put réaliser l’accord complet avec le comput alexandrin.

Voulant sans doute contenter tout le monde, Victorius note deux dates pascales quand son comput se trouve en désaccord avec celui d’Alexandrie. Voir le canon pascal de Victorius dans Mon. Germ. hisl., Auctorcs anliquissimi, t. ix, p. 669 sq. Cf. Ruhl, Chronologie, p. 125 sq. ; Schmid, Die Osier feslberechnung in der abendldndischen Kirche vom Konzil von Nicâa bis zum Ende des VIII. Jahrhunderls, p. 29 sq.

Le cycle ou canon de Victorius eut une grande vogue, non seulement en Gaule, mais aussi en Italie, bien qu’il n’ait jamais reçu l’approbation officielle de Rome.

3° Controverses au VIe siècle. — 1. Sous le pape Symmaque, en 501. — Le schisme laurentien, qui troubla l’Église romaine au début du vie siècle, se corsa d’une controverse pascale. Pour l’histoire du schisme, voir l’art. Symmaque.

Pour l’année 501, la table pascale de Zeitz notait Pâques au 25 mars, tandis que Victorius donnait comme date le 22 avril, en notant toutefois que le 25 mars était la date pascale des « latins ». Le pape Symmaque se décida pour la date du 25 mars et célébra la fête de Pâques ce jour-là. Aussitôt, les partisans de son compétiteur Laurent s’élevèrent violemment contre cette Pâque, prématurée à leur avis, et obtinrent du

roi Théodoric l’envoi à Rome de I’évêque d’Altinum, Pierre, comme visiteur, qui célébra une seconde fois Pâque le 22 avril.

Un des partisans de Symmaque releva le gant et fabriqua des faux pour démontrer l’illégitimité de la fête pascale du 22 avril et la fausseté du cycle de Victorius. Un de ces faux, le Conslilutuni Silvestri, un recueil de 20 canons d’un faux synode romain, tenu en 324 dans les thermes de Trajan, condamne un évêque « Victorinus qui, dans sa férocité, affirmait ce qu’il voulait, publiait de faux cycles pascals, et prétendait qu’on devait observer le 10 des calendes de mai (22 avril), Victorinum… qui in sua ferocilate quidquid vellet a/finnabat… et cyclos paschse pronunliabat foliacés. .. hoc quod conslituit x kal. maii cuslodiri… ; ignorant qu’il était des calculs de la lune et tenace dans son idée, il rompit la vérité ». Voir ce texte dans Mansi, Concil., t. ii, p. 266. Le même faussaire a fabriqué deux fausses lettres du pape Sylvestre au concile de Nicée, en réponse à une demande d’approbation que les Pères auraient adressée à Sylvestre. Dans la première, le pape, après avoir approuvé les décisions trinitaires du concile, condamne Victorinus, qui « affirmait ce qu’il voulait et publiait de faux cycles pascals », qui arbiirio suo quidquid vellet affirmabal, et cyclos paschæ pronunliabat fallaccs. Dans la seconde, Sylvestre annonçait aux Pères de Nicée qu’un concile romain avait condamné et excommunié I’évêque Victorin « qui, dans son orgueil, affirmait que Pâques n’arrivait ni à son jour ni à son mois et qu’on devait observer le 10 des calendes de mai » (22 avril), qui in sua extollentia dice bat non Pascha venire die suo nec mense, sed x kal maii cuslodiri. Voir le texte de ces deux lettres dans Mansi, Concil., t. ii, col. 720 sq. ; P. L., t. lvi, col. 214. On remarquera, dans les trois documents, la similitude d’expressions.

C’est le mérite de Duchesne d’avoir vu que ces textes ne pouvaient avoir en vue que le conflit pascal de 501 : l’allusion à Pâques, célébrée le 22 avril, qui y revient plusieurs fois, rend toute autre explication impossible. Cf. Duchesne, Études sur le Liber pontificalis, p. 30 sq. ; 179 sq ; 201 sq.

La victoire du pape Symmaque sur son compétiteur Laurent donna à ces faux une autorité dont ils jouirent longtemps et procura un renouveau d’autorité au vieux cycle pascal de 84 ans au détriment du canon de Victorius. Voir, sur ce phénomène curieux, Krusch, dans Neues Archiv der Gesellschafl fur altère deulsche Geschichlskunde, t. ix, p. 106.

2. Substitution du cycle de Denys le Petit aux autres cycles. — La table pascale d’Anatole de Laodicée qui était basée sur le cycle de 19 ans avait été continuée par Théophile d’Alexandrie vers la fin du ive siècle, puis par Cyrille, neveu et successeur de Théophile. Cette table de Cyrille qui comptait 95 années, donc 5 cycles de 19 ans, arrivait à sa fin avec l’année 531.

Plusieurs années auparavant, un évêque nommé Pétronius avait demandé à un moine scythe, habitant Rome et nommé Denys, de continuer la table de Cyrille. Dès 525, Denys présenta son travail à Pétronius. La table de Denys va de l’année 532 à l’année 626 ; elle contient donc, elle aussi, 5 cycles de 19 ans Les termes extrêmes des nouvelles lunes pascales sont fixés au 8 mars et au 5 avril ; ceux des pleines lunes pascales, au 21 mars et au 18 avril, ce qui donne comme échéances pascales extrêmes, Denys admettant la fête de Pâques au 15e jour de la lune, le 22 mars et le 25 avril. La table pascale de Cyrille comptait les années d’après l’ère de Dioclétien ; Denys, estimant que le nom d’un pareil tyran ne devait pas figurer sur la table pascale chrétienne, prit la naissance du Christ comme point de départ dans le calcul des années. C’est ainsi qu’il introduisit (avec une faute